LE RAPPORT ISOTOPIQUE DE L’HYDROGENE DANS LE SYSTEME SOLAIRE F. Robert 1, S. Derenne2, Remusat1,2, S.
Mostafaoui2, A. Meibom2,F. Paillol3, Ch. France-Lanord3. 1LEME, UMS CNRS/MNHN, 61 rue Buffon, 75005 Pa-
ris,
(
[email protected]).
LCBOP,
UMR
7618
BioEMCo
CNRS/ENSCP,
11
rue
P.
M.
Curie,
75231
Paris
cedex
05,
Introduction
L’enrichissement en deutérium (D) des molécules
organiques et de l’eau vis-à-vis de l’hydrogène molé-
culaire est une caractéristique générale de tous les ob-
jets du système solaire. Jusqu’à présent cet enrichisse-
ment était interprété comme un échange isotopique à
l’état gazeux dans la nébuleuse protosolaire (NPS).
Ces modèles théoriques reposent sur une bonne
connaissance de la cinétique des échanges isotopiques
entre molécules neutres et de l’évolution P-T-t de la
NPS. L’exemple le plus classique de ce mécanisme
d’échange isotopique est le transfert du D entre l’eau et
l’hydrogène :
HD + H2O ↔ HDO + H2
Dans ces modèles, la glace d’eau et les molécules
organiques (MO) sont enrichies en D dans le milieu
interstellaire (ISM) avant la formation de la NPS. Les
observations astronomiques dans l’ISM ainsi que les
modèles théoriques des réactions ion-molécule a bas-
ses températures (10-100 K), rendent parfaitement
compte de cet enrichissement « pré-solaire »: lors de
l’effondrement gravitationnel de la NPS,
l’augmentation de la température a tendance à accélé-
rer les échanges avec H2 et le rapport isotopique D/H
de l’eau et de la MO diminue. Les données que nous
avons acquises ces dernières annés - et que nous rap-
portons dans ce résumé - sur la localisation du Deuté-
rium à l’échelle de la structure moléculaire de la MO
insoluble des météorites, contredisent ces modèles
d’échange isotopique dans la NPS. L’enrichissement
isotopique semble s’être déroulé après la formation des
molécules organiques car ces dernières renfermaient à
leur origine, une composition isotopique proche de
l’hydrogène de la NPS.
Matériel et methodes
La matière organique insoluble de la chondrite
carbonée Murchison a été isolé de la roche par extrac-
tions des composés solubles dans un mélange dichlo-
rométhane/méthanol puis déminéralisation par HF et
HCl [1]. Les résidus insolubles ainsi obtenus ont été
analysé par RMN à l'état solide du 13C et de l’15N, in-
fra-rouge à transformée de Fourier (IRTF) et pyrolyse
couplée à la chromatographie gazeuse (GC-MS) et à la
spectrométrie de masse (GCiRMS). La pyrolyse a été
réalisée au point de Curie à 350 et 650 °C. Les compo-
sés moléculaires, déterminés par GC-MS, se divisent
en deux grandes familles selon qu’ils proviennent des
fragments de pyrolyse des fractions aromatiques ou
aliphatiques. La pyrolyse est ensuite répétée sur le
spectromètre de masse isotopique avec un régime de
monté en température, voisin pour les deux techniques
(GC-MS et GCiRMS). Les rapports D/H de chacune
des espèces moléculaires sont déterminés individuel-
lement. Ces espèces sont identifiées par analogie avec
les spectres de pyrolyse GC-MS [2].
Résultats
Trois “Types” de liaison carbonée renferment la
quasi-totalité de l’hydrogène organique. Type 1 : la
liaison Benzilique (l’atome H est lié à un C en posi-
tion alpha sur le cycle) ; Type 2 : la liaison aliphatique
(H est lié au à un C sur une chaîne aliphatique) ; Type
3 : la liaison aromatique (H est lié au C du cycle ben-
zilique). En faisant l’hypothèse que ces trois liaisons
renferment in situ des compositions isotopiques diffé-
rentes dans la MO insoluble avant sa pyrolyse, il est
possible de reconstituer les compositions isotopiques
mesurées pour 15 molécules organiques différentes.
Les compositions isotopiques déterminées par cette
méthode sont les suivantes : Types 1 : δD of
+1250‰±50‰ (D/H=350.10-6); Type 2: +550‰±50‰
(D/H=240.10-6); Type 3: +150‰±50‰ (D/H=180.10-
6). Notons que l’ajustement de ces trois valeurs du D/H
reproduit - avec une précision de ±50‰ - tous les rap-
ports D/H mesurés sur les 15 molécules organiques.
Cette solution numérique est donc largement surdéter-
minée. La présence de constituants présents en faibles
abondances avec des D/H très élevés reste néanmoins
possible car le bilan de masse n’est pas complètement
satisfaisant : la moyenne pondérée calculée à partir de
ces trois constituants isotopiques ne correspond pas
exactement à la composition globale du résidu organi-
que déterminé par les methodes classiques de pyrolyse
sous vide par palliers de température [3].
Interprétation et conséquence astronomiques
Les valeurs des compositions isotopiques obtenues
pour les trois types d’hydrogène sont en contradiction
avec les modèles où la matière organique des météori-
tes est un produit interstellaire, enrichi en deutérium
avant son incorporation dans la NPS. Cette contradic-
tion est illustrée dans la Figure 1 où les rapports D/H
des trois types d’hydrogène sont rapportés en fonction
de leur énergie de liaison. Si l’on admet – c’est une
hypothèse classique - que les vitesses d’échange iso-
topique diminuent avec l’énergie de liaison de H, une
corrélation inverse devrait être observé sur la Figure 1.
Remarquons la composition isotopique de l’eau, pré-
sente elle aussi sur cette correlation, qui indique que
les deux porteurs moléculaires majeurs (l’eau et la
MO) du Deutérium dans le Système Solaire suivent
une systématique commune.