ISOTOPES DE Cr: A. Trinquier et al.
53Cr/52Cr: Nous avons montré dans nos études
antérieures que les variations de ce rapport étaient
liées à la décroissance du 53Mn présent dans le sys-
tème solaire primitif. [5]. Par le passé certains au-
teurs ont utilisé l’apparente homogénéité du rapport
54Cr/52Cr pour renormaliser le rapport 53Cr/52Cr déjà
corrigé de la discrimination de masse instrumentale
au moyen de 52Cr/50Cr [6]. Ceci résulte aussi de
l’observation que dans certaines situations instru-
mentales les fluctuations des mesures de 54Cr et de
53Cr étaient corrélées et que cette deuxième correc-
tion pouvait être faite afin d’obtenir une bien meil-
leure précision sur le rapport 53Cr/52Cr. Ceci repose
sur l’hypothèse que 54Cr/52Cr était homogène jusqu’à
des ordres de grandeur de 20 ppm dans le système
solaire. Il y a dix ans ceci pouvait être vérifié expé-
rimentalement jusqu’à environ 50-100 ppm mais pas
en dessous. Les mesures présentées ici n’utilisent pas
cette correction et cette hypothèse est manifestement
fausse à la précision où les mesures sont faites
maintenant. Les isochrones 53Mn-53Cr nécessitent un
réajustement qui ne joue pas sur le rapport
53Mn/55Mn obtenu mais sur la position du rapport
53Cr/52Cr initial qui est la composition isotopique du
réservoir dont les roches sont issues. La Figure 2
montre l’effet de ces corrections sur les résultats des
achondrites basaltiques.
Figure 2. Diagramme isochrone résultant de la
décroissance de 53Mn dans les achondrites basalti-
ques. L’axe vertical est representé en ecart relatif en
1/10000 (unités ε) par rapport à la Terre. Les nou-
velles données sont décalées en composition isotopi-
que de Cr par rapport aux données antérieures.
Ces corrections sont aussi significatives pour les
résultats des chondrites. L’évolution isotopique du
chrome 53 dans la nébuleuse solaire et dans les corps
planétaires est revue et la composition moyenne du
système solaire de nos jours est de +0,2ε contre
+0,5ε auparavant. Conformément à la nature appau-
vrie en volatils des météorites différenciées, la
source des achondrites basaltiques a évoluée dans un
milieu où le rapport élémentaire Mn/Cr était plus bas
que dans la nébuleuse solaire. Il ressort aussi de cette
étude que les objets de rapport Mn/Cr distinct de la
valeur solaire ne sont apparu que plusieurs Ma après
les premiers condensats.
Conclusions et perspectives: Le système solaire
est isotopiquement hétérogène à toutes les échelles
pour le chrome ce qui est comparable aux isotopes
de l’oxygène et peut constituer un outil puissant pour
confirmer ou infirmer des liens génétiques entre les
familles d’objets. Néanmoins il faut observer que
tout ceci n’est apparent qu’à un très haut niveau de
précision et nécessite un investissement important en
mise au point et en temps de mesure. En perspective
il est probable que de telles variations isotopiques
sont aussi présentes pour les autres éléments du
groupe du fer qui va de Ca au Zn et qui ont des pro-
priétés nucléosynthétiques très proches. Le problème
est de savoir à quel niveau de précision il faut effec-
tuer les mesures pour les trouver. Seul un investis-
sement conséquent dans les méthodes expérimenta-
les apportera les réponses. Pour les autres groupes
d’éléments la contrainte nucléosynthétique est moins
directe et l’investigation expérimentale avec les
nouvelles méthodes performantes permettra d’y voir
plus clair dans les liens entre les effets isotopiques
parfois gigantesques trouvés dans les micro grains
contenus dans les météorites primitives et les effets
probablement infimes au niveau des roches totales.
Citations : [1] Birck J. L. et Allègre C.J., (1984)
Geophys.Res.Lett. 11, 943-946. [2] Rotaru M. et al
(1992) Nature 358, 465-470, 1992. [3] Clayton R.
N., Onuma N. et Mayeda T.K. Earth Planet. Sci.
Lett. 30, 10-18 [4] Luck J.M. et al. (2003) Geochim.
Cosmochim. Acta 67, 143-151 [5] Birck J. L. et
Allègre C.J., (1985) Geophys.Res.Lett. 12, 745-748.
[6] Lugmair G. W. et Shukolyukov A. (1998) Geo-
chim. Cosmochim. Acta 62, 2863-2886.