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L'Europe est bien le creuset par excellence d'une société démocratique, libre,
pluraliste et multiculturelle. Les citoyens sont profondément attachés à ces piliers de
leur vie en commun. Mais en ce début de 21e siècle mondialisé, ils aspirent, au
fond, à plus d'égalité des chances dans une société du bien-être économique et
social qui soit fidèle à ses valeurs d'ouverture, de solidarité et de respect de la
diversité. Ils veulent un modèle de développement qui garantisse un mode de vie "à
l'européenne". Je crois que c'est en répondant à ces aspirations que le politique
renouera un lien de confiance quelque peu distendu avec les citoyens. Pour
l'Europe, l'ouverture est donc une question fondamentale, une question de valeurs,
une condition de notre prospérité collective, mais aussi un facteur de réalisation de
la personne.
Alors comment donner corps à cette ouverture quand la mondialisation est là et que
l’Europe est inquiète ?
L'ouverture et l'inquiétude ne font pas bon ménage. Il faut donc commencer par
désamorcer les inquiétudes des citoyens, qui poussent au repli. Le meilleur antidote
à ces peurs consiste à donner aux Européens les armes pour être les gagnants de
la mondialisation.
La mondialisation entraîne, naturellement, des défis ou des menaces – passage de
l'emploi industriel à l'emploi tertiaire, besoin de qualifications de plus en plus
élevées, difficulté d'orientation professionnelle des personnes peu qualifiées,
inégalités de revenus et inégalités régionales, nécessité de réussir l'intégration des
immigrants légaux que nous accueillons.
L'Europe et ses États membres doivent gagner la bataille de la mondialisation.
Notre premier atout pour y parvenir, c’est notre marché intérieur. Consacré par le
traité de Rome, le marché intérieur est une « success story » qui nous a apporté
cinquante ans de prospérité, de création d’emploi et de richesse. C’est un
formidable outil d’efficacité économique. La Commission européenne en est la
garante et assume toutes ses responsabilités. Elle a pour fonction de défendre le
marché intérieur, les règles de la concurrence, le respect du droit communautaire,
et de s’attaquer aux pratiques qui faussent le libre fonctionnement du marché.
Or le Président Prodi, mon prédécesseur, et le Professeur Mario Monti, qui a exercé
pendant deux mandats, la charge de commissaire au Marché intérieur et à la
Concurrence, le savent bien : dans l'application des règles propres au marché
intérieur et à la politique de la concurrence la Commission européenne est l’objet de
fortes pressions pour l'amener à suivre une ligne moins « rigide ».
Je veux le dire clairement : ne nous y trompons pas, remettre en cause ce marché
intérieur, qui est la condition de l’économie ouverte, c’est aussi remettre en cause le
projet même d’intégration européenne. C’est remettre en question un fondement
essentiel de notre projet européen commun et remettre en cause les compétences
de la Commission. On ne peut pas défendre l’Europe politique sans respecter les
compétences des institutions européennes.
Si on laissait aux États membres la responsabilité de décider des questions qui
relèvent du marché intérieur, je crois que nous risquerions d’en signer rapidement la
fin ! C’est pourquoi la méthode communautaire doit prévaloir sur un nationalisme
économique, que la mondialisation rend caduc en soi. Il faut au contraire renforcer
cette méthode, lui permettre de jouer tout son rôle; c'est le meilleur moyen dont
nous disposons pour appuyer les efforts des États membres.