Une des premières surprises résultant de l'exploration des fonds marins est la révélation d'une topographie très caractéristique. S'élevant
au sein des plaines abyssales, souvent en leur milieu comme dans l'Atlantique, les dorsales océaniques tissent à la surface du globe un
réseau de près de 65 000 km de chaînes montagneuses, dominant ces plaines de 2 000 à de 3 000 m, larges de 500 à 1500 km, parfois
éventrées par un fossé central, ou « rift ». Les dorsales se signalent non seulement par leur topographie singulière mais aussi par un flux de
chaleur élevé ainsi qu'une activité volcanique et sismique. Les fosses océaniques, qui sont les régions les plus profondes des océans (4 à
5 km au-dessous des plaines abyssales), sont également caractérisées par une activité sismique intense. Ces fosses bordent le Pacifique, le
Nord-Est de l'océan indien mais sont presque absentes autour de l'Atlantique (sauf au niveau des Antilles et des îles Sandwich du Sud).
L'exploration du plancher océanique est à l'origine d'autres découvertes déconcertantes. On a trouvé à cette époque que la croûte
océanique, de faible épaisseur (5-10 km), est composée de roches basaltiques relativement denses (2,8 à 2,9 g/cm3) alors que la croûte
continentale, de plus grande épaisseur (30-40 km), est constituée de roches granitiques plus "légères" (~2,7 g/cm3). La faible épaisseur des
séries sédimentaires trouvées près des dorsales pose problème. En effet, par dragage à l'aplomb des dorsales on remontait des basaltes ce
qui indiquait une faible épaisseur de sédiments, par contre les forages du Glomar Challenger montrent la faible épaisseur générale des
sédiments marins : que sont devenus les sédiments entassés depuis l'origine du globe ? Les océans ont donc une importance considérable,
non pas à cause de leur étendue, mais parce qu'ils sont géologiquement très différents des continents.
Harry Hammond Hess, en 1960 (son article ne paraît cependant qu'en 1962), tente de regrouper cet ensemble de découvertes en une
unique hypothèse. Avec une grande analogie avec le modèle de Arthur Holmes présenté trente ans auparavant, il affirme que le manteau
terrestre est affecté de larges mouvements de convection et que les dorsales mettent en évidence les courants ascendants et les fosses
océaniques les courants descendants. La croûte océanique est continuellement créée au niveau des dorsales. Elle est ensuite entraînée à la
surface des cellules de convection, s'éloigne de part et d'autre des dorsales et finit par atteindre les fosses où elle disparaît dans le manteau.
La croûte océanique est donc continuellement recyclée et c'est ce qui explique son jeune âge et la faible épaisseur des sédiments qu'elle
porte. Les continents, au contraire, à cause de leur relative légèreté, ne peuvent pas retourner dans le manteau. Ils sont condamnés à
dériver à la surface de la Terre, ce sont les « mémoires insubmersibles » du globe. Hess précise que les continents se déplacent non en
fendant les fonds océaniques comme le suppossait Wegener, mais en étant passivement transportés sur une sorte de tapis roulant. En 1961,
Robert Dietz reprend les visions de Hess et introduit l’expression « sea floor spreading » (expansion des fonds océaniques).
Figure 4. Harry Hammond Hess (1906-1969) (
http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/objets
/Images/histoire-tectonique-plaques/histoire-
tectonique-plaques-fig04.jpg )
Figure 5. Modèle de Convection de Hess (1960) (
http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/objets/Images
/histoire-tectonique-plaques/histoire-tectonique-plaques-
cellule-Hess.jpg )
Figure 8 de l'article publié en 1962 (voir ci-dessous).
L'hypothèse de l'expansion des fonds océaniques, qualifiée par Hess lui-même de "géopoésie", reçoit un statut plus rigoureux grâce aux
études géomagnétiques. Le champ magnétique terrestre correspond sensiblement à celui que créerait un énorme aimant dipolaire placé au
centre de la Terre. Les mesures magnétiques réalisées au cours des explorations marines montrent cependant des déviations significatives,
appelées anomalies magnétiques, par rapport au champ dipolaire. Ces déviations sont attribuées à l'aimantation propre des roches du fond
marin. On sait en effet depuis Melloni (1853), puis Bruhnes (1906) que chaque roche volcanique possède sa propre aimantation acquise lors
du refroidissement de la lave qui enregistre le champ magnétique terrestre de l'époque. ces déviations du champ magnétique océanique
montrent des structures très particulières en formant des bandes d'anomalies positives qui alternent avec des bandes d'anomalies
négatives. Ces alignements sont parallèles aux dorsales et disposés symétriquement de part et d'autre de l'axe. L'explication de ce
phénomène est donnée indépendamment par Lawrence Morley (1920-), d'une part, et par Fred Vine (1939-) et Drumond Matthews
(1931-1997) en 1963, d'autre part. Depuis les travaux de Bruhnes en 1906, on sait que le champ magnétique terrestre possède une
orientation qui s'inverse au cours des âges, l'orientation actuelle définissant une orientation dite « normale ». Morley, Wine et Matthews
intègrent donc (1) l’existence de ces bandes d’anomalies magnétiques nouvellement découvertes, et (2) les inversions du champs
magnétique terrestre global découvertes 60 ans auparavant mais demeurées très « confidentielles » dans le milieu géologique. Ils
comprennent et proposent que la croûte océanique, lorsqu'elle est créée au niveau des dorsales, acquiert une aimantation propre en se
refroidissant. Elle s'écarte ensuite symétriquement de part et d'autre des dorsales lorsque du nouveau matériau, qui s'aimante à son tour,
est injecté au centre. Si l'aimantation survient avec un champ magnétique à orientation normale, l'anomalie induite est positive
(l'aimantation fossile des roches s'ajoute au champ ambiant actuel). Si, au contraire, l'aimantation survient avec un champ à orientation
inverse, l'anomalie induite est négative (l'aimantation fossile se retranche au champ ambiant). Les linéations magnétiques alternées se
comprennent donc par la combinaison de la divergence de la croûte océanique et des inversions du champ magnétique. Les indices de la
dérive ne sont donc plus uniquement continentaux mais également océaniques.
Figure 6. Agrandir l'image (
http://planet-terre.ens-lyon.fr
/planetterre/objets/Images/histoire-
tectonique-plaques/histoire-
tectonique-plaques-fig06.gif )
Figure 7. Agrandir l'image (
http://planet-terre.ens-lyon.fr
/planetterre/objets/Images/histoire-
tectonique-plaques/histoire-
tectonique-plaques-fig07.gif )
Figure 8. Agrandir l'image (
http://planet-terre.ens-lyon.fr
/planetterre/objets/Images/histoire-
tectonique-plaques/histoire-
tectonique-plaques-fig08.gif )
Histoire de la théorie de la tectonique des plaques - Planet-Terre : ress...
http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata...
2 sur 9 18/10/2011 17:42