Dissertation : La contribution de D. Hume à l`édification du

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Dissertation : La contribution de D. Hume à l’édification du « libéralisme » peut-elle être analysée
comme une « transition » ?
Plan :
Introduction : La question de la transition humienne
1- La réinterprétation des thèses de Vanderlint dans les Essais
11- Le « fonds de travail disponible » ou les bienfaits du commerce extérieur de libre échange
12- La théorie quantitative : la « monnaie –signe » ou monnaie neutre
a) La monnaie signe
b) Le principe quantitativiste
13- la théorie de l’équilibre automatique de la balance des comptes
a) le paradoxe de Hume et sa résolution par la théorie de la période intermédiaire
b) la vérification atténuée du « dreadfull evil »
Conclusion à la première partie
2- L’économie comme art politique : le dépassement du scepticisme de Hume
21- Les fondements anthropologiques de l’activité économique dans l’œuvre de Hume
22- L’économie, les passions et l’artifice (commentaire du schéma)
23- Hédonisme et utilitarisme
Conclusion de la dissertation
Annexes : Le « fonds de travail disponible
Les œuvres de Hume
Introduction : La question de la transition humienne
Avec les grandes crises des XIX
eme
et XXeme siècles, et l’évidence du caractère déterminant de
l’économie dans la marche et la régulation des sociétés, l’Economie politique s’apparente de plus en plus
à une « science du possible ». C’est ainsi qu’elle est interrogée, et qu’elle s’interroge. On appelle science
du possible, le savoir issu de la pratique économique, et destiné à la connaître, pour la rendre conforme
aux besoins et désirs de la société. Nous pouvons montrer que l’édification de cette science du possible
est apparue dans la transition historique qui mène de J. Vanderlint (le marchand praticien) à l’économie
politique classique (des théoriciens) en passant par D. Hume (le philosophe). Elle s’identifie avec
l’édification du libéralisme. Ce point de vue ne fait pas l’unanimité. Il est par exemple celui de D. Deleule
(« Hume et la naissance du libéralisme économique »-1979), et de F. Hayek (« The legal and political
philosophy of D. Hume » - 1963). Mais, par exemple, D. Diatkine refuse de voir en Hume un précurseur
du libéralisme (« Hume et le libéralisme économique » - Cahier d’économie politique – 16-17).
La transition ici suggérée est d’abord lisible chronologiquement :
Elle peut se lire comme une boucle, telle que l’économie scientifique des classiques renoue avec
Vanderlint et son idée de la réalisation du bonheur des nations par le commerce et l’industrie, dont D.
Hume est le chaînon. D. Hume publie en effet ses « Essais » : « moral, political and literary essays » en
1758, où il expose des lois économiques fondamentales.
La démonstration peut être réalisée, en montrant tout d’abord que l’œuvre dite « économique » de Hume,
réexpose les thèses du libéralisme vanderlintien (1ere partie). Puis en exposant comment l’intégration de
l’analyse économique est réalisée dans une conception philosophique et historique plus vastes, laquelle
donne tout son sens à l’édification de la science économique comme science du possible (2
nde
partie).
Chapitre
1bis
:
La nécessité d’une science du possible. 20 ans après
: D. Hume.
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Ceci au risque d’un réductionnisme. L’œuvre de Hume n’affirme pas explicitement ce but d’une
refondation scientifique du libéralisme mercantiliste. Elle appartient au mouvement des « Lumières »
(Ecossaises) du XVIII
me
et ressort comme l’une des plus révolutionnaire sur la pensée de ce siècle.
L’œuvre philosophique principale qu’il publie entre 1739 et 1740 est le « Traité de la nature humaine »,
composé de trois Livres. Sa multidimensionnalité est exemplaire puisqu’elle concerne : la philosophie
(dont celle de la religion,), l’histoire (dont celle de la Grande Bretagne, de la religion), la politique,
l’économie, la psychologie, et l’esthétique.
1- La réinterprétation des thèses de Vanderlint dans les Essais.
Un jugement sévère, celui de Friedrich Engels dans l’ « Anti Dühring » conduit à considérer les Essais de
Hume (of money, of the balance of trade, of commerce) comme un pur plagiat des thèses de Vanderlint :
« Hume suit pas à pas (…) le livre de Jacob Vanderlint ‘’money answers all things’’ ». L’auteur
mentionne les principaux thèmes résumés dans cette partie.
11- Le « fonds de travail disponible » ou les bienfaits du commerce extérieur de libre échange.
Partant d’un ancien problème (de nature politique) mercantiliste, l’auteur démontre dans « of commerce »,
comment, d’antagonistes, les intérêts du Prince et ceux de ses sujets peuvent, et doivent se concilier. La
science de cette démonstration est l’économie politique. Les deux moyens sont précisément le commerce
(surtout extérieur) et le travail. L’exposé de Hume permet de comprendre les causes de l’antagonisme
des deux intérêts, puis les facteurs permettant leur conciliation.. Il écrit en effet : « La grandeur d’un
Etat et le bonheur de ses sujets, si indépendants l’un de l’autre sous certains aspects, sont habituellement
considérés comme inséparables en ce qui concerne le commerce… » (« of commerce »).
La démonstration de Hume est réalisée en termes de décomposition de la population active. Elle consiste
à adopter deux raisonnements successifs : l’un en termes statiques (hypothèse où il n’existe pas de
commerce), et l’autre en termes dynamiques (hypothèse le commerce est introduit). Dans le premier
cas, on constate que les intérêts du Prince et ceux de ses sujets sont inconciliables ou antagoniques. Dans
le second cas, la conciliation des intérêts est rationnellement possible. En effet, le commerce extérieur, en
diversifiant les besoins stimule l’activité intérieure. Or, selon Hume « Toute chose en ce monde
s’acquiert par le travail ; et nos passions sont les seules sources du travail ». Le résultat en est la
stimulation individuelle de l’ardeur au travail, et pour la nation la hausse de la productivité du travail.
Celle-ci est source d’économies en main d’œuvre et donc de la création d’un « fonds de travail
disponible » (ou surplus de main d’œuvre au-delà de la main d’œuvre nécessaire à la production des
subsistances). C’est la distribution de ce surplus entre activités oeuvrant au bien être des particuliers
(manufactures de luxe), et celles destinées au service du Prince (ou public), qui permet la conciliation des
intérêts. (voir le schéma en annexe).
Aussi Hume affirme t’il que « (…) Commerce et industrie ne sont réellement rien d’autre qu’un stock de
travail (…) ». En mettant les besoins en avant comme Vanderlint, Hume réexpose les conséquences pour
retrouver la conception vanderlintienne de la valeur travail sans traiter de la valeur.
12- La théorie quantitative : la monnaie –signe_ ou monnaie neutre
On a pu considérer que la reformulation de la théorie quantitative par Hume sonnait le glas du
mercantilisme, c'est-à-dire de la confusion de la richesse avec la quantité de métaux précieux.
L’Essai « of money » développe cette théorie en partant d’une définition de l’argent et de sa valeur.
a) La monnaie signe
HUME, assez en avance sur son temps est un partisan de la monnaie-signe, contre les partisans de la
monnaie-marchandise. La monnaie est pour lui une convention : ou « l’instrument dont les hommes sont
convenus pour faciliter l’échange d’une marchandise contre une autre ». Les métaux précieux ne sont
donc pas « ce pour quoi on commerce » (monnaie marchandise), mais « ce par quoi on commerce ».
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La monnaie remplit donc deux fonctions : elle est un moyen de mesure de la valeur, et « un
intermédiaire des échanges ». Hume ne considère pas la troisième fonction principale de la monnaie :
celle de « réserve de valeur ». Une raison est qu’il n’étudie pas la valeur elle-même, mais la richesse
sociale.
b) Le principe quantitativiste
Si l’abondance de monnaie n’est pas celle de la richesse cela est du au fait que : « les prix des
marchandises sont toujours proportionnés à l’abondance de la monnaie ».
L’exposé de la théorie quantitative se complexifie par l’adjonction de nouvelles variables. Le
raisonnement de Hume décompose la croissance des prix (Px) en croissance du prix des biens (Pb)
d’un côté, et croissance du prix du travail, donc du salaire (w) de l’autre. La présentation schématique
du principe quantitativiste devient : la valeur de la monnaie est donc inversement proportionnelle à sa
quantité, dans la mesure les prix des biens et des facteurs s’accroissent proportionnellement à la
quantité de monnaie.
Ainsi, outre qu’il critique la monnaie de crédit comme Vanderlint, Hume considère donc que la valeur de
la monnaie est liée au niveau des prix et des salaires.
13- la théorie de l’équilibre automatique de la balance des comptes
a) le paradoxe de Hume et sa résolution par la théorie de la période intermédiaire
Ce que l’on a pu appeler le paradoxe de Hume est fondé sur l’apparente contradiction entre les deux
propositions :
- L’abondance de monnaie ne peut en soi constituer la richesse, puisque le niveau des prix varie dans le
même sens que celui de la masse monétaire,
- Or, depuis la conquête de l’Amérique par les Espagnols, l’afflux de métaux précieux en Europe a
beaucoup contribué au développement économique.
L’explicitation est la théorie dite de « la période intermédiaire ».
La période intermédiaire est l’intervalle de temps qui sépare l’afflux de métaux précieux et
l’accroissement du niveau général des prix dans une nation en économie ouverte. Au cours de cet
intervalle, la monnaie circule entre les « classes », c’est à dire se propage d’activité en activité (ou de
secteur en secteur). L’inflation est donc le phénomène décrit par Hume. Il désigne la hausse progressive,
puis générale des prix. C’est au cours de la période intermédiaire que l’inflation exerce des effets
bénéfiques. Cet enseignement dérive de la conception du « money flush » de Vanderlint. Pour bénéficier
des effets positifs de l’inflation, celui-ci préconisait les rudiments de la politique monétaire, par le
contrôle des entrées et sorties d’espèces.
b) la vérification atténuée du « dreadfull evil »
Elargissant le principe quantitativiste à l’échelle internationale, comme Vanderlint, Hume en vient à la
description la manière de Cantillon), du mécanisme d’alternance des phases de croissance (ou de
prospérité) et de pauvreté des économies, considérées dans leurs relations mutuelles. Il reformule ainsi la
théorie de l’équilibre automatique de la balance des comptes, mais sans considérer explicitement le
problème du change.
On a vu que l’important pour une nation est le maintien d’un flux positif de métaux précieux en
provenance de l’étranger. La thèse de Hume est alors simple : dans le 1
er
cas (flux positif ou entrées de
métaux précieux), jouent les effets positifs de l’inflation (dont la hausse de la productividu travail et
donc celle du fond de travail disponible P2), jusqu’au point où le niveau général des prix est proportionné
à la masse de monnaie en circulation (dégradant les échanges extérieurs et entraînant des sorties de
métaux précieux). La situation se renverse et nous fait passer au 2
ème
cas , dans lequel la rareté de la
monnaie va avoir des effets négatifs, exactement contraire aux effets positifs précédents.
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Il est symptomatique à cet égard que Hume, s’agissant de l’appauvrissement éventuel de l’un des pays,
l’impute à la « la mendicité et à la paresse ». C’est que pour lui, l’emploi et l’ardeur au travail constituent
la véritable richesse d’un pays.
Conclusion à la première partie
A cette synthèse des essais économiques de Hume, il conviendrait d’ajouter sa juste conception (avant
Smith) de l’intérêt comme part du profit (ou théorie réelle de l’intérêt). Sur cette question, Hume réexpose
la thèse de J. Massie (1750).
La sévérité du jugement d’Engels tient à la minimisation de la contribution de Hume : moins de relief,
moins d’audace, moins de logique que celle de Vanderlint . Cette sévérité est justifiée pour l’aspect
discursif, mais non pour l’objectif poursuivi. Le discours vanderlintien (et aussi celui de Massie) se voit
en fait promu dans une philosophie générale, voire une anthropologie, qui lui donne sens au-delà de la
simple rationalité pratique. Ce n’est plus la Providence divine qui justifie le libéralisme, mais la science
dont il peut se prévaloir. Il restera aux Classiques à passer outre au scepticisme de Hume, pour la réaliser.
2- L’économie comme art politique : le dépassement du scepticisme de Hume
En donnant à sa requête un fondement moral et religieux, Vanderlint a pu solliciter la Couronne pour
mettre fin à l’hégémonie des propriétaires fonciers sur le sol. Hume prolonge cette attitude pour faire de
l’économie un « art politique », en donnant à sa démonstration un fondement anthropologique.
21- Les fondements anthropologiques de l’activité économique dans l’œuvre de Hume
En opposition avec les théories « contractualistes » (celle du Droit Naturel : J. Locke en particulier, et T.
Hobbes, J.J Rousseau principalement), Hume pense l’institution de la société en dehors de toute idée de
« contrat primitif ». Il démontre qu’un « contrat » est en effet pensable, que si existe un contrat sur le
contrat. Et en opposition avec les « Lumières » et leur rationalisme, Hume conteste l’idée de « religion
naturelle », tout autant que celle de religion révélée. Ces deux conceptions normatives échouent à intégrer
la nature humaine telle que l’entend le philosophe. Le Traité vise à combler ce vide par l’exposé d’une
science naturaliste dénuée d’a priori normatif (sur le modèle newtonien de la science expérimentale) :
« ni Dieu, ni Contrat » selon l’expression de Granel et alii (« D. Hume : quatre essais politiques » -TER-
1981).
L’institution de la société procède donc de l’anthropologie et du naturalisme. Elle est conçue comme une
production historique par les passions humaines. Cette production est exposée dans le schéma ci-dessous,
en suivant l’exposé de Didier Deleule : Ce schéma résumé utilise par commodité la distinction
contractualiste (Etat de nature, état de société).
(voir cours chap 1bis.
P3/6)
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22- L’économie, les passions et l’artifice (commentaire du schéma)
Le coeur du schéma crit la société essentiellement comme corps productif dominé par l’activité
économique et son développement (ou histoire). Y prévalent (voir supra « Les Essais ») : la division du
travail, le progrès technique et le commerce. On peut y voir la concrétisation du soucis philosophique
de Hume d’introduire la méthode expérimentale (celle de Newton) dans sa préoccupation majeure : les
sujets moraux.
L’originalité de cette description de « l’état de société » réside dans la définition et dans la description
de sa genèse, située dans les passions humaines. Hume se distingue notamment par sa thèse de
« l’intérêt individuel» (ou « passion acquisitive ») comme passion compensatrice ( voir par exemple
Hirschman : « les passions et les intérêts »-1977).
La nature est supposée à la fois restrictive (rareté des biens et des moyens) et prodigue (besoins infinis
de la nature humaine). Cette prodigalité constitue la « matrice passionnelle mère » (elle-même bâtie
sur l’ « instinct sexuel ») et rend nécessaire le travail. L’état de société, est un développement qui
résout les déséquilibres issus de cette dualité naturelle, par la mise en œuvre d’artifices, résultat de
l’habitude, dont celui de la constitution du corps productif (et plus généralement d’ « artifices non
voulus » : Institution, morale etc…). La passion acquisitive se voit ainsi canalisée.
L’histoire de la société apparaît donc comme une histoire dominée par les passions humaines, qui
poussent inlassablement (sans téléologie ou fin connue) à la réduction des déséquilibres. L’intérêt
général exigeant l’harmonie du corps productif, ne peut cependant être réalisé sans un art destiné à
atteindre cette harmonie ou perfection. L’économie politique est désignée comme l’art politique, celui
des artifices ou des possibilités du corps productif face à la dualité de la nature. Elle est donc la science
expérimentale du possible.
23- Hédonisme et utilitarisme
Hume réussit ainsi la synthèse entre l’économie politique et « la science de la nature humaine ». Il y
parvient au moyen d’une philosophie morale et sceptique. Hume développe, en même temps qu’il
émet des réserves, les idées de l’école écossaise dite du « sens moral » (Lors Shaftesbury, Sir F.
Hutcheson, T. Reid, et l’évêque J. Butler), suivant laquelle les idées de bien et de mal appartiennent à
la nature humaine, dotée d’un sens moral. Hume déduit de sa définition des vertus, la primauté du
sentiment de sympathie, lequel constitue « la source principal des distinctions morales ». S’opposant
au point de vue de F. Hutcheson, il postule que les passions visent essentiellement la recherche du
plaisir et la minimisation des peines : « Rien ne peut être plus réel ou ne peut nous intéresser
d’avantage que nos propres sentiments de plaisir et de déplaisir et s’ils sont favorables à la vertu et
défavorables au vice, rien d’autre n’est requis pour régler notre conduite’ (Traité : Section I, P.64).
Ainsi on peut mesurer la fragilité du développement historique du corps productif et du corps social en
général. Destiné à aliser le plus grand plaisir pour le plus grand nombre (selon Hutcheson), il est
dominé par une morale hédoniste, et par l’égoïsme des intérêts, ou utilitarisme. Cependant il offre un
spectacle (selon l’expression de Hume) historique, considéré par l’auteur comme un « amusement des
sens (..) et de l’imagination.. ». Opinion que E. Cassirer suggère de lire comme le signe d’un
pessimisme et d’un renoncement, puisque le monde historique n’est pas qu’un « amusement des
sens... ».
Conclusion de la dissertation : La méthode de Hume n’est pas celle de Vanderlint et porte sur le
même objet. La transition historique ainsi réalisée infléchit la définition de l’économie politique.
Savoir désormais rationnel, dégagé de toute métaphysique, elle a pour objet la conciliation des intérêts
individuels et la réalisation de l’intérêt général. Selon Hume, la fragilité de la nature humaine laisse
un doute sur son efficacité. C’est ce scepticisme que l’économie politique, devenue science du
possible, entendra dépasser, en identifiant les lois naturelles de l’accumulation du capital et donc celles
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