LA FONCTION THYROÏDIENNE
L'influence sur le visage, même chez l'adulte, des problèmes thyroïdiens est
connue de très longue date. L'une des formes les plus fréquentes de
l'hyperthyroïdie, décrite en 1840 par le médecin allemand Carl von Basedow, est
une maladie qu'on appelle aussi goitre exophtalmique. Elle a une composante
génétique certaine (formes familiales, concomitance fréquente chez les vrais
jumeaux), et touche le plus souvent la femme de 40 à 60 ans. Elle se manifeste,
entre autres, par un amaigrissement et une exophtalmie, c'est à dire par une saillie
anormale du globe oculaire hors de l'orbite. Elle correspond à un trouble des
diverses formes d'hormone thyroïdienne agissant en excès.
A l'inverse, l'insuffisance thyroïdienne de l'adulte ou myxœdème est décrite comme
entraînant une infiltration myxœdémateuse du visage, des traits épaissis, un teint
jaunâtre, une dépilation (cheveux, sourcils, toison pubienne et axillaire), et une
peau sèche et froide.
Si les troubles de la fonction thyroïdienne peuvent entraîner chez l'adulte certaines
modifications du visage, on peut imaginer à quel point chez l'enfant ou même dans
les premiers instants de la vie, l'influence de cette fonction peut être déterminante.
En 1959, Marthe Gauthier et Jérôme Lejeune découvraient la nature d'une
affection congénitale sous la forme d'un chromosome surnuméraire, le
chromosome 21 qu'on trouve en 3 exemplaires au lieu de 2 chez le sujet atteint. Ce
handicap, la trisomie 21 qu'on appelait jusqu'alors mongolisme depuis que ce
terme avait été introduit en 1866 en Europe par un médecin anglais, présente,
outre de nombreux troubles, des particularités du visage connues de tous. C'est
finalement un travail de 1988 sous la direction de Lejeune(1) qui m'a mis sur la
piste d'une hypothèse à vérifier: on y signalait l'importante augmentation dans la
trisomie 21 de la TSH ou thyréostimuline (hormone anté-hypophysaire), et un
grave déficit de la rT3, forme inactive ou à effet inverse selon les auteurs, de
l'hormone thyroïdienne. En recherchant ce qui, au niveau génétique dans le
domaine thyroïdien, peut présenter des particularités selon les populations, il
semble(2) que le seul gène nettement dans ce cas soit le SLC16A2.
LE GENE SLC16A2
Ce gène est situé sur le chromosome X, que la femme a en deux exemplaires et
l'homme en un seul, la paire chez lui étant complétée par le chromosome Y. Il
génère un transporteur des hormones thyroïdiennes comme plusieurs autres
gènes. Certains de ses SNP coïncident avec une affection congénitale appelée
syndrome d' Allan-Herndon-Dudley qui entraîne, d'après le site MalaCards,
plusieurs troubles neurologiques et, dans 90% des cas, une étroitesse de la face et
des anomalies de la fente palpébrale. La plupart de ses SNP ne sont pas réputés
pathogènes. Ils ont surtout une particularité: leur répartition entre les diverses
populations mondiales présente des différences beaucoup plus nettes que pour
les autres gènes impliqués dans le métabolisme thyroïdien. Le site Ensembl sur
Internet permet de constater ces différences. Elles sont surtout fréquentes dans les
premiers SNP répertoriés. Sur les 50 premiers classés début 2016, 19 SNP