La vie en ligne
Collage Raoul Pourcelle
Documentaire au théâtre
ou comment jouer du réel dans l’épique
Une démarche documentaire dans le théâtre des frères Pablof, qu’est-ce que c’est ?
C’est une manière de croiser des réalités, vécues ou signifiées, de faire dialoguer sur un plateau de
théâtre de vrais témoignages (audio ou vidéo) avec les outils de la fiction, du théâtre de marionnette,
d’objet et de figure.
Chausser un point de vue, des lunettes de myopes ou de presbytes, des lunettes en relief, une lunette
panoramique et regarder ses pieds : c’est déjà une marche documentaire, c’est soumettre « la
réalité » à « la subjectivité ».
Les frères Pablof s’invitent à penser ce qu’ils sont et ce que nous sommes avec d’autres personnes.
Depuis dix ans en quête d’eux-mêmes, ils interrogent des quidams (vous, nous) sur leurs identités.
Pour
Extraits de naissance
, ils ont demandé à des personnes de s’asseoir dans un « espace d’intimité
publique » et de raconter leur naissance ou du moins une anecdote s’y rapportant. Une façon de dire
sa petite mythologie.
Pour
Si j’étais une fille,
ils ont convié des hommes à répondre en tête à tête à la question suivante : « si
tu avais été une fille qu’est-ce que cela aurait changé à ta vie ? ». Une manière pour eux de se
raconter, dessayer de dire ce qu’est être un homme aujourd’hui.
Dans
La cour des grands
, ils ont vécu 4 semaines dans une école élémentaire. En plus d’user deux
paires de baskets à la marelle, de perdre 3 ballons de foot et de consommer 124 carambars, ils ont
regardé les enfants pousser sur le bitume, loin de l’adulte. Ils se sont demandés avec eux qu’est-ce que
grandir ?
Dans leur démarche documentaire, ils viennent saisir l’anodin, capter l’ordinaire tout en traquant la
singularité. Tout ce qui en chacun de nous est passé sous silence, nous n’avons pas si souvent
l’occasion de nous dire
.
Ils ont le souci de faire dialoguer les récits de chacun, nos petites mythologies.
A partir de ce vécu, de la qualité de l’échange et de l’émotion partagée, ils fabriquent leur théâtre : un
théâtre de marionnette.
Le théâtre de marionnette, d’objet ou de figure se prête particulièrement à ces cheminements, d'un
récit à l’autre, d’une forme à lautre. Il permet à la fois le grand angle et le plan rapproché, dès fois
même le gros plan et tout ça de manière successive ou simultanée. Cest cette façon de raconter,
d’arpenter différent récits, différents registres qui met en regard ce que les frères inventent et ce que
les gens leurs racontent.
Ils font intervenir sur le lieu de l’illusion des objets, des sons, des témoignages qui nous semblent plus
réels parce qu’ils nous sont plus familiers, parce qu’ils appartiennent à notre réalité quotidienne, hors
du théâtre. Ils fabriquent des « effets de réel ». C’est dans la distance entre ces deux perceptions que
les frères Pablof construisent une poésie.
Les frères Pablof sont de grands myopes. Inquiets de leur perception, ils la mettent au travail avec
nous, lors de la représentation, mais aussi tout au long de la création.
Dans ces vrais-faux documentaires, de alités fabriquées en fictions réalisées, les frères Pablof,
marionnettistes, manipulent notre perception du réel et nous laissent entrevoir, imaginer ou
remémorer notre monde.
Nous sommes au 21e siècle, les frères Pablof ont décidé d’éprouver la réalité virtuelle ou la virtualité
du réel, la réalité 2.0, le réel augmenté.
!
Montage vidéo page facebook un nuage sans pantalon
Le projet des frères Pablof, La vie en ligne
!
!
Les frères Pablof ont de la suite dans les idées, leur prochain projet interrogera la vie en ligne des
adolescents. Une façon d’explorer la cour de récréation des plus grands, celle qui se vit du bout des
pouces. Ce projet a déjà effectué sa première phase d’immersion, qui s’est formalisé dans une
première forme courte « un nuage sans pantalon ». Les frères Pablof sont convaincus qu'on pense
mieux à plusieurs, qu'on explore mieux une question sociale ou esthétique à plusieurs.
Cette saison ils seront en résidence au collège Angèle Vannier à Saint Brice en Cogles pour
questionner un même groupe d’adolescents pendant 4 semaines sur plusieurs mois.
Note d’intention
!
La vie en ligne ou comment Dali aurait pu parler avec Dolto du homard,
du téléphone et de l'écran ?
Les Frères Pablof sont nés autours des années 70, un peu avant et un peu après les premiers
pas d'un homme sur la lune. Ils ont fait leurs premiers pas dans l'univers numérique grâce au
TO7 ou même au MO5 ; voire au collège, en atelier informatique, avec une calculette
programmable. Raoul et Stéphane seraient des dinosaures de la vie numérique. Pendant leur
poussée d’acné juvénile, pas de chatroom donc, ni de réseaux sociaux qui gazouillent, pas
d'échanges numériques instantanés, pas de données cellulaires ni de code wifi... A peine le
minitel et ses téléphones roses, les téléphones à cadrans ronds qui cliquettent.
Avec ou sans ordinateurs et léphones cellulaires les relations des ados sont mystérieuses,
espérons que les nôtres l'étaient tout autant pour les adultes qui avaient le bonheur de nous
fréquenter : les ados sont des homards dans un panier de crabes.
Résumons…
Ils sont donc des homards en pleine mue, sans carapaces, mous et vulnérables.
Ils parlent un volapük dont nous serions bien en peine de traduire le moindre mot.
Mais en plus ils s'amusent de Facebook, de twitter, des jeux en ligne, bref des NTIC (comme
on a pu dire au mitant des années 80) et se construisent une vie dans des lieux qui nous sont
parfaitement (bon c'est exagéré), pas parfaitement mais largement méconnus !!!
Alors voilà, les Frères Pablof se proposent d'explorer cette vie en ligne, cette vie à la ligne,
cette ligne de vie numérique, dont la longueur sur la paume de la main se calcule en octets et
s'écrit en binaire. Un peu déroutés quand même, ils imaginent que ces relations
,
même dans
un espace virtuel
,
sont tout à fait réelles. Un espace dit virtuel mais un espace social, dans
lequel on se montre et dans lequel on choisit les images que l’on donne à voir de soi : sa
photo de bébé, un avatar qui ressemble à un super héros, la figure d’un signe astrologique
chinois, peut-être les trois en même temps ou simultanément. Un espace qui laisse fantasmer
celui qui regarde : « qui est cet individu, ce Dragon rugissant, si mignon dans son pyjama rayé
avec ses yeux de biches et son nounours à la main et si mystérieux dans son masque de
Batman ? »
On se souvient de nos correspondants dantan, l’inquiétude la première fois on les a
rencontrés en vrai. Cest la même lorsqu’il s’agit de correspondant numérique ? Et si on
rencontre quelqu’un dans la rue
,
est-ce que nos relations seront différentes avec des écrans ?
« C’est pourquoi rencontrer in real life (dans la vrai vie) les personnes que nous rencontrons
par écran interposé est une nouvelle épreuve de réalité que ces technologies nous imposent.
La relation en présence physique n’est pas plus « elle » que la relation médiatisée par le
numérique, mais elle est assurément moins déréalisante. » (S . Tisseron)
C’est dans cet espace incontournable de la vie en ligne que Raoul et Stéphane vont fabriquer
leur Théâtre, c’est dans ces contours flous qui brouillent notre perception du réel quils
questionneront ce monde virtuel. Un espace à la fois public et privé où les ados cherchent des
coins d’intimité. En quelque sorte un espace d’intimité publique.
Les deux mains dans la matière ?
Les frères Pablof ont commencé à travailler avec des marionnettes réalistes, ou du moins des
fragments. Associées à leur corps, ou à de la vidéo, ils les construisent à vue. Ils ne seront pas
derrière, mais devant l’écran, pour fabriquer des faux-semblants. Une façon de jouer avec
l’insaisissable. A première vue, sur les réseaux sociaux, on ne montre bien souvent que des
parcelles de soi. Voilà pourquoi ils travailleront avec des assemblages de têtes manipulées,
corps de l’acteur, vidéo de corps ou mapping. Comme si plus qu’ailleurs, dans la vie en ligne,
nous étions des puzzles. Les marionnettes sont des objets anthropomorphes. Nous y
projetons par empathie nos émotions, nos angoisses, nos fantasmes. Elles ne vivent que dans
le regard de l’autre, tout comme la vie en ligne.!
Laboratoire Cléa Maubeuge Val de Sambre Lycée Placid Courtoye Hautmont
Un laboratoire partagé
Raoul et Stéphane ne sont pas très à l’aise avec l’idée d’enseigner. Transmettre un savoir, des
fondamentaux indispensables à la pratique : chaque création les oblige à les remettre en jeu.
Au fil des rencontres, ils préfèrent partager une démarche, que chacun s’en empare à son
endroit, fabrique des objets et enfin confronte ses œuvres : mener une expérience commune.
Voilà un processus pédagogique qui nourrit leur démarche et qui, d’une certaine manière, ils
l’espèrent, enseigne.
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