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Cancer de la prostate
Hormono-indépendant
Saad KHOURY
Hôpital de la Pitié - Service Urologie, Paris
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent
chez l’homme. Bien qu’il reste le plus souvent au
stade infraclinique, il représente 30 % des cancers
nouvellement diagnostiqués chez l’homme aux USA
(200 000 nouveaux cas par an) et 12 % en Europe
(Figure 1).
Grâce au progrès de la détection, le diagnostic est
fait aujourd’hui de façon plus précoce que par le
passé. Toutefois, 20 % environ des nouveaux cas
diagnostiqués en 1999 aux Etats-Unis étaient déjà au
stade métastatique. De plus 50 % des malades qui
reçoivent un traitement pour une maladie localisée
vont évoluer au cours de leur existence vers un stade
disséminé nécessitant un complément de traitement.
La mortalité due au cancer de la prostate aux Etats-
Unis est de 40 000 décès par an (Figure 2).
Le cancer de la prostate est un cancer hormono-
dépendant (Figure 3) 80 % des malades présentant
un cancer disséminé répondent au traitement hormo-
nal. Cette réponse est limitée dans le temps et la
reprise de la progression a généralement lieu entre
18 et 36 mois après le début du traitement hormonal.
A ce stade hormono-indépendant il n’y a pas de trai-
tement curatif. Le traitement aujourd’hui est centré
sur la réduction de la maladie mesurable et la pal-
liation des manifestations dues à la progression du
cancer et qui sont principalement : la douleur osseu-
se, les fractures pathologiques, l’obstruction des
voies urinaires, la compression médullaire, les
troubles hématologiques et l’oedème.
1. QUELLE EST LA DÉFINITION DE LHORMONO-INDÉ-
PENDANCE ?
Une tumeur devient hormono-indépendante lors-
qu’après une période plus ou moins longue de répon-
se la progression reprend malgré la poursuite d’un
traitement hormonal bien conduit. Cette progression
peut prendre la forme d’une augmentation des taux
de PSA avec ou sans la présence de symptômes dûs
à la progression de la tumeur primitive, ou de ses
localisations métastatiques.
2. COMMENT UNE TUMEUR DEVIENT-ELLE HORMO-
NO-INDÉPENDANTE ?
La théorie classique explique la survenue de l’hor-
mono-indépendance par la présence dans la tumeur
prostatique dès les premiers stades du développe-
ment, de cellules hormono-indépendantes qui seront
sélectionnées par le traitement hormonal. Leur déve-
loppement ultérieur est responsable de la rechute
tumorale après une phase plus ou moins longue de
réponse (Figure 4).
Ceci est prouvé par le fait que dans la population cel-
lulaire tumorale globale la proportion des cellules
hormono-indépendantes augmente au cours de
l’évolution tumorale. Cette proportion est en effet
beaucoup plus importante dans les récidives tumo-
rales après traitement et dans les tumeurs métasta-
tiques que dans les tumeurs primitives avant traite-
ment hormonal.
3. COMMENT UNE CELLULE DEVIENT-ELLE HORMO-
NO-INDÉPENDANTE ?
Pour qu’une molécule d’androgène puisse agir au
niveau de la cellule cible il faut d’abord qu’elle se lie
I. INTRODUCTION
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Figure 1 : Incidence du cancer de la prostate*
(1988-1992).
Figure 2 : Cancer de la prostate. Taux de mor -
talité (1988-1992).
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La prostate est avant tout dépendante des androgènes
Il est bien établi, sur un faisceau d'arguments tirés d'études aussi bien humaines qu'expérimentales, que la
croissance, le développement, le maintien en état et la fonction de la prostate sont avant tout sous la
dépendance de la concentration plasmatique en testostérone
Conclusion
La prostate est considérée essentiellement comme un organe androgéno-dépendant,
contrôlée avant tout par les niveaux de testostérone dans le plasma. Il faut toutefois se
rappeler que la prostate adulte normale fonctionne à l'intérieur d'un “environnement
multihormonal” et répond à une variété de facteurs régulateurs de la croissance.
Le développement pré-natal de la
prostate est sous la dépendance
des androgènes
Le développement post-natal et la
fonction de la prostate sont sous la
dépendance des androgènes
La castration de l’homme adulte
conduit à l’atrophie prostatique
Chez l'homme adulte castré, l'administration
de testostérone exogène entraîne une crois-
sance de la glande, mais seulement jusqu'à sa
taille originale maximale d'adulte. La prosta-
te adulte n'augmente pas de volume en
réponse aux androgènes exogènes, mais
garde sa taille normale.
L'administration de testostérone peut accé-
lérer la croissance d'une prostate immature,
mais sans qu'elle puisse dépasser la taille
adulte maximale.
La prostate embryonnaire se différencie en
réponse à la sécrétion androgénique du tes-
ticule foetal. Ce processus commence
approximativement à la 8ème semaine de
gestation dans l'espèce humaine
Le poids de la prostate croît de façon spectacu-
laire à la puberté, alors que la castration, avant la
puberté, empèche le développement prostatique.
Prostate
Uretère
Canal
mésonéphrique
de Wolff
Bourgeons
prostatiques
épithéliaux
Testicule
Castration
Testostérone
Plasmatique
Poids de la
prostate
Testostérone
La prostate reprend
sa taille originale
Figure 3 : La prostate est avant tout dépendante des androgènes
10
Le cancer de la prostate a une population cellulaire hérogène
Hétérogéneité Tu m o r a l e
Déplétion
androgénique Régression
La déplétion androgénique
détruit les clones hormono-
dépendants
Diminution
de la taille et du
nombre des lésions
* Adapté de D. Paulson
Augmentation
de la taille et du
nombre des lésions
La tumeur est faite d’une population hétérogène de clone de cellules
hormono-sensibles et de cellules hormono-résistantes. Le traitement de
déplétion androgénique n’a pas d’effet direct sur les clones hormono-
résistants.
La composition cellulaire de la tumeur devient de plus en plus
indéfférenciée et hétérogène au fil des doublements successifs ouvrant
le champ à des mutations génétiques
Mort des clones
hormono-dépendants
Tumeur hétérogène
Progression
La déplétion androgénique ne
retarde pas la croissance des
clones hormono-résistants
qui se développent
Figure 4 : Le cancer de la prostate a une population cellulaire hétérogène
11
à un récepteur androgénique (RA) présent dans cette
cellule pour l’activer (Figure 5). Cette activation va
déclencher une cascade de phénomènes au stade
moléculaire aboutissant à la production de protéines
spécifiques à l’activité de la cellule ainsi que des fac-
teurs de croissance qui peuvent agir aussi bien sur la
cellule elle-même que sur les cellules avoisinantes.
L’hormono-indépendance a été classiquement expli-
quée par une diminution avec l’évolution tumorale,
de la densité des RA dans les cellules prostatiques
les rendant ainsi imperméables aux androgènes. Les
études récentes qui utilisent des anticorps monoclo-
naux dans l’identification des RA n’ont pas confirmé
cette hypothèse. Ils ont montré que non seulement
les RA sont présents à tous les stades de développe-
ment de cancer mais qu’ils ont tendance a être sur-
exprimés dans les récidives et les métastases et
continuent de ce fait à jouer un rôle actif dans la
maladie avancée.
La cellule hormono-indépendante est en fait une cel-
lule hypersensible aux androgènes permettant à la
cellule de continuer à se développer dans un milieu
pauvre en androgènes.
Cette caractéristique explique qu’une cellule puisse
se contenter de peu d’androgènes mais n’explique
pas qu’une cellule prostatique puisse se passer com -
plètement d’androgènes et continuer à se développer.
D’autres mécanismes y contribuent.
Avec la progression de la tumeur de nombreuses
mutations des RA surviennent (il en a été dénombré
plus de cinquante). Ces mutations aboutissent toutes
à des “ gains de fonction ” du récepteur qui lui don-
nent la possibilité d’être activés par d’autres molé-
cules que les androgènes.
C’est ainsi que ces RA mutants acquièrent la pro-
priété d’être activés par des :
1 . stéroïdes non androgéniques,
2 . les antiandrogènes stéroïdiens et non stéroïdiens.
Ceci explique par exemple que l’augmentation de la
PSA enregistrée chez certains malades recevant des
antiandrogènes puisse régresser à l’arrêt des antian-
drogènes. En effet chez ces malades les antiandro-
gènes semblent agir comme des promoteurs de la
croissance tumorale plutôt que comme inhibiteurs
car ils activent les récepteurs mutants qu’ils étaient
censés bloquer.
3 . les facteurs de croissance.
L’expression aberrante de facteurs de croissance et la
cascade de conséquences qu’ils provoquent repré-
sentent probablement le substrat principal du méca-
nisme de la croissance cellulaire hormono-indépen-
dante.
Deux types de mécanismes sont impliqués : surex -
pression de facteurs stimulants de la croissance et
sous expression de facteurs inhibiteurs de la crois-
sance tels que la TGF-β. Sous l’effet d’une mutation
génétique continue des cellules tumorales, les cel-
lules canreuses androgéno-indépendantes ont
acquis la capacité de proliférer en l’absence du sou-
tien androgénique.
4 . l’interleukine-6
5 . la LHRH et
6 . autres inducteurs de protéine kinase A et coacti -
vateurs
Des détails supplémentaires sur les transformations
de la cellule et les mécanismes de l’hormonodépen-
dance sont donnés par les Figures 6, 7, 8, 9.
La majorité des spécialistes suivent aujourd’hui la
classification TNM. Certains aux USA restent fidèles
à la classification de Whitmore qui continue à être
citée dans certains articles américains. La figure 10
compare les deux classifications.
II. LA CLASSIFICATION DU CANCER
DISSÉMINÉ DE LA PROSTATE
ENCONCLUSION
L’évolution naturelle du cancer ainsi que la pres-
sion induite par l’appauvrissement des androgènes
circulants secondaire au traitement hormonal,
poussent la cellule à des mutations, principale-
ment au niveau du RA, qui lui permettent
d’acquérir de nouveaux mécanismes de croissance
autres que ceux induits par les androgènes et
d’avoir ainsi la capacité de proliférer en l’absence
du soutien androgénique. La connaissance de ces
mécanismes ouvre le chemin à de nouvelles pers-
pectives thérapeutiques visant à bloquer la crois-
sance des cellules quand le sevrage en androgènes
ne suffit plus.
En effet cette hypersensibilité aux androgènes ne
représente pas la seule anomalie des RA condui -
sant à l’hormono-indépendance.
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