1 – Pour goûter le Psaume
Le psaume 149, Cantate Domino en latin, est traversé par une atmosphère de
fête, déjà inaugurée par l´alléluia initial. Alléluia signifie « Loué soit Dieu ! » Ce
cri, inconnu des autres livres bibliques, apparaît plus d’une trentaine de fois
dans le psautier. Ici, il encadre le psaume, invitant Israël à louer le Seigneur.
Le psaume se développe en deux parties :
- V. 1 à 6a : la première partie du psaume révèle une structure concentrique.
Au verset 4, introduit par le « car », se concentre le motif de louange :
l’amour de Dieu pour le peuple qu’Il s’est choisi. Son assistance dans le passé,
celle surtout qui se concrétise dans la restauration après le dur exil à
Babylone, peut encore valoir aux fils d’Israël un nouveau triomphe. Les
humbles se voient parés d’une gloire de victoire totale, de la gloire du salut (Is
55, 4-5). Les humbles, anawim en hébreu, ce sont les pauvres de Dieu, non
seulement les opprimés, les misérables, les persécutés pour la justice, mais
aussi ceux qui, étant fidèles aux engagements moraux de l´Alliance avec Dieu,
sont écartés par ceux qui choisissent la violence, la richesse et la puissance. La
catégorie des "pauvres" n´est pas seulement une catégorie sociale, mais un
choix spirituel. Tel est le sens de la célèbre béatitude : « Bienheureux les
pauvres en esprit, parce que le Royaume de Dieu est à eux » (Mt 5, 3).
Autour de ce noyau, les versets 1 à 3 et 5 à 6 : le psalmiste invite les
fidèles d’Israël à célébrer en utilisant toutes les ressources chorégraphiques
et musicales en usage dans les grandes fêtes liturgiques : chant, joie, danse,
instruments… Ceci n’est pas sans rappeler la joie de David dansant devant
l’arche d’alliance, jouant de la harpe et du tambourin (2 S 6, 5) et sa longue
louange adressée au Seigneur après sa victoire sur les Philistins (2 S 22).
- V 6b à 9 : la seconde partie du psaume suscite l´étonnement, parce qu´elle
est remplie d´expressions guerrières.
Dès la fin du verset 6, le chant des fidèles se transforme en
acclamation belliqueuse. Il nous semble étrange qu´en un même verset, le
psaume mette ensemble les louanges du Seigneur dans la bouche et l´épée à
deux tranchants dans les mains. Une des hypothèses de datation du psaume
qui le situe à l’époque des Maccabées1 permet de comprendre pourquoi.
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1 Les Maccabées sont une famille juive qui mena la résistance contre la politique d’hellénisation
forcée pratiquée par les rois séleucides, parmi lesquels le roi Antiochus IV Epiphane, roi de
Syrie (175-164) qui profana le temple de Jérusalem et interdit la religion juive (1 M 1, 41-64).
Grâce au secours divin, Judas Maccabée et ses frères, fils du prêtre Mattatias, reconquièrent
l’autonomie nationale et la liberté du culte. (1 M 4, 36-57)
Les Maccabées, combattants de la liberté et de la foi, s´appelaient hasidim en
hébreu, "les fidèles" à la Parole de Dieu et aux traditions des pères. Le
psaume 149 évoque par trois fois ces « fidèles » (versets 1, 5 et 9), c´est-à-
dire ceux qui répondent avec fidélité à l´amour paternel du Seigneur.
Les versets 7 à 9 expriment l’espérance d’un asservissement des
populations ennemies lorsque les "pauvres" se rangent du côté de Dieu pour
lutter contre le mal. La « guerre sainte » évoquée dans ce psaume n’est que la
figure de la vraie guerre sainte que les chrétiens mènent dans le monde, non
pas avec l’épée à deux tranchants, mais avec des armes spirituelles (Ep 6, 14-
17). Si le Christ a pu dire : « J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33), c’est qu’il a lutté,
non pas avec le glaive mais avec la croix. Jésus a radicalement changé le sens
littéral du psaume 149 par l’ordre qu’il a donné à Pierre (Mt 26, 52) de rentrer
son épée et dans son enseignement du sermon sur la montagne sur la force
de la non-violence.
2 – Pour aller plus loin
La violence dans la Bible
Les appels à la vengeance dans les psaumes sont-ils différents de
cette image de Dieu que nous nous faisons nous-mêmes quand nous
voudrions qu’il punisse les méchants ? La prière des psalmistes, cri des faibles
et des opprimés, est un appel à la justice de Dieu. L'histoire du peuple d'Israël
ressemble à celle de tous les peuples du monde. Elle raconte des luttes pour
survivre ou pour dominer. Le peuple cherche à gérer la violence, à organiser
une société plus juste. Mais la Bible nous révèle surtout l'histoire de Dieu avec
son peuple et la manière dont il le fait progresser vers son Amour parfait.
• Dei Verbum 12 nous dit : "Puisque Dieu dans la Sainte Ecriture a
parlé aux hommes à la manière des hommes, il faut que l’interprète de la
Sainte Ecriture... cherche avec attention ce que les hagiographes (= auteurs
inspirés, NDLR) ont vraiment voulu dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer
par leur paroles... On doit tenir un compte exact soit des manières natives de
sentir, de parler ou de raconter courantes au temps de l’hagiographe, soit de
celles qu’on utilisait à cette époque dans les rapports humains."
• Les interventions de Dieu sont toujours pédagogiques,
proportionnées à ce que le peuple élu peut " supporter" au vu des mœurs de
l'époque. Par exemple, la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent » (Lv 19,
17-18) était un principe juridique : la peine devait rester égale à l’offense.
C'était une avancée par rapport à ce qui se vivait dans les peuples de
Mésopotamie.