
 
 
 
Sélection d’ouvrages présentés en hommage  
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. 
 
 
J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie, en 
hommage de son auteur, Mme Viviane Comerro, son livre 
intitulé  Les traditions sur la constitution du muṣḥaf  de 
‘Uthmān, Beyrouth, Orient-Institut, 2012, 219 p. 
 
Le livre de Viviane Comerro, publié dans la collection des 
Beiruter Texte und Studien de l’Institut allemand, constitue 
une contribution remarquable à l’histoire d’un épisode 
fondamental de l’histoire de l’islam, celui de la mise par 
écrit du Coran sous le califat de ‘Uthmān (règne de 644 à 
656).  Dans  le  débat  ouvert  par  les  tenants  de  l’école 
hyper-critique qui rejetaient toute possibilité d’exploiter 
les récits transmis par la tradition musulmane sur les 
débuts de l’islam pour en écrire l’histoire, des voix se sont 
élevées pour défendre l’utilisation par les historiens de 
ces sources qui, comme le rappelle justement Viviane Comerro, ont une « visée peut-être 
d’abord doctrinale avant d’être historique » (p. 6). Deux questions se posent : celle de 
l’authenticité et de la véracité de l’information d’une part, celle des intentions des 
auteurs. Sur le premier point, l’auteur prend la suite de l’enquête de Harald Motzki, 
centrée sur le récit classique dérivant d’al-Zuhrī (mort en 124/742), mais elle élargit son 
champ d’investigation à d’autres narrations dues à d’autres contemporains d’al-Zuhrī. 
Sur le second, Viviane Comerro entame une démarche originale qui la conduit à analyser 
la façon dont des savants musulmans du IXe au XVe siècle ont repris les données de ces 
sources anciennes et les ont adaptées à d’autres enjeux.  
 
Le point de départ est constitué par la version quasiment canonique du récit de la mise 
par écrit du Coran transmise par al-Bukhārī (mort en 256/870) que l’auteur analyse de 
manière détaillée. Elle examine d’une part les informations qui dérivent d’al-Zuhrī et de 
l’autre le projet qui sous-tend la présentation finale : il s’agit en effet pour les savants 
musulmans de cette époque d’expliquer, face à la polyphonie, voire à la discordance des 
témoignages qui signalent par exemple plusieurs codices concurrents, que le texte du 
Coran, autrement dit la vulgate ‘uthmānienne, correspond bien, et lui seul, à la 
Révélation.  
 
Viviane Comerro étudie avec précision et finesse les textes et la façon dont les auteurs 
qu’elle a retenus composent ou recomposent l’événement. Un premier exemple est tiré 
du Tafsīr d’al-Ṭabarī (mort en 310/923) : il lui permet de définir une série de « motifs 
narratifs », des informations ponctuelles qui sont susceptibles d’être agencées d’une 
manière ou d’une autre dans des récits ayant trait à un événement donné. Cette analyse, 
qui constitue la matière du ch. 3, permet de revenir dans le chapitre suivant au point de 
départ, le récit proposé par al-Bukhārī.  Il  en  ressort  que  les  informations,  loin  d’être 
livrées de manière  neutre  comme  il  pourrait  sembler  de  prime  abord,  ont  été 
sélectionnées de manière à offrir une image plus consensuelle de la mise par écrit,  plus 
légitime également puisqu’elle est le fait des trois meilleurs Compagnons du Prophète, 
les trois premiers califes.  Viviane  Comerro  en  vient  même  à  proposer  une  hypothèse 
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