Malvoyance Amblyopie - Paul JEAN

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MALVOYANCE AMBLYOPIE
L'amblyopie peut être définie comme "une diminution, uni ou bilatérale, de certaines
aptitudes visuelles, principalement de la discrimination des formes".
1 Classification et origine
Selon le classement de l'Organisation mondiale de la santé la malvoyance (ou basse vision) est
une déficience ou l'acuité visuelle du meilleur œil après correction est supérieure à 1/50 et
inférieure à 3/10. En France est considéré comme aveugle toute personne dont la vision avec
compensation ne dépasse pas 1/10 et amblyope celui dont la vision est inférieure à 4/10. Il
convient de préciser que d'autres critères que l'acuité jouent un rôle important dans la
déficience visuelle. Ce sont par exemple le champ visuel, la sensibilité lumineuse et la sensibilité
chromatique.
Les amblyopies peuvent être classées en fonction de leur cause. Cette classification soustend également le pronostic de récupération: aléatoire pour l'amblyopie organique et d'autant
meilleur que le sujet est jeune et l'amblyopie détectée à son début pour une amblyopie
fonctionnelle
1.1 Amblyopie organique
La baisse d'acuité visuelle est due à une cause organique. Elle peut être unilatérale ou plus
généralement bilatérale.. On peut distinguer:
· les amblyopies congénitales en général bilatérales et souvent sévères
· les amblyopies acquises souvent métaboliques dues à l’ingestion de substances
toxiques (méthanol, traitement prolongé à la quinine ….) ou dans les pays en voie de
développement à des malnutritions (manque de vitamine A). Elles peuvent aussi être
consécutives à un accident ou une maladie touchant l’un des constituants de l’œil
(glaucome, rétinite pigmentaire, DMLA…)
1.2 Amblyopie fonctionnelle ou ex-anopsia
Elle est définie comme une baisse d'acuité visuelle, le plus souvent unilatérale, sans lésion
apparente qui puisse expliquer cette diminution. C'est le résultat d'une faille dans le
développement fonctionnel du système visuel. Cette amblyopie fonctionnelle est considérée
comme profonde si l'acuité de l’œil atteint compensé est inférieure ou égale à 1/10, moyenne
lorsqu'elle est comprise entre 2 et 5/10 et légère si elle est de l'ordre de 6 à 7/10.
On peut différencier deux causes principales:
· la plus fréquente est due à un défaut de réfraction
o amblyopie anisométropique plus fréquente si les deux yeux sont hypéropes,
l’œil le moins hypérope va seul développer sa fonctionnalité. Cette amblyopie
est unilatérale.
o amblyopie méridionale : un fort astigmatisme n’a pas été détecté et compensé
suffisamment tôt. Quand on le compense, on constate que l’acuité obtenue
reste faible. Cette amblyopie est en général bilatérale.
o amblyopie isométropique : Elle est bilatérale chez des enfants dont une forte
amétropie n’a pas été compensée assez tôt. Après compensation l’acuité reste
faible mais progresse ensuite régulièrement
· le strabisme : dans le cas d’un strabisme unilatéral et constant, l’œil dévié va devenir
amblyope. Le problème du strabisme étant vaste et fort complexe, nous ne traiterons
©Paul JEAN
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à la fin du chapitre que le cas du strabisme accommodatif où le rôle de conseil de
l’opticien est important.
2 Compensations pour les malvoyants
Dans les malvoyants, il faut distinguer :
· les malvoyants jeunes pour lesquels l’opticien fournira l’équipement optique prescrit
mais qui sont en général pris en charge par une structure comprenant
ophtalmologues, orthoptistes, rééducation fonctionnelle …
· les malvoyants âgés dont le nombre est actuellement en augmentation compte tenu du
vieillissement de la population. Ces derniers recherchent un moyen pour continuer à
pouvoir lire, regarder les photos de leurs petits enfants, voir la télévision.
Nous ne traiterons que les cas rencontrés couramment en magasin d’optique.
2.1 Malvoyance due à une altération du sens lumineux
On utilise des filtres colorés qui sont généralement incorporés aux verres correcteurs et
montés dans des montures de lunettes comportant des coques latérales pour éviter le flux
lumineux incident latéral. Citons à titre indicatif les quatre principaux types de filtres utilisés:
- UV 400 nm (couleur rose) pour atténuer la diffusion dans le cas de troubles de
transparence;
- UV 450 nm (couleur jaune orange) améliore la perception des contrastes et neutralise les
radiations bleues dans le cas des DMLA;
- UV 550 nm (couleur brun rouge) dans le cas des rétinopathies pigmentaires;
- UV 650 nm (couleur rouge sombre) pour les achromates présentant une forte photophobie.
2.2 Atteinte de la rétine centrale
C'est le cas le plus fréquent et pratiquement celui pour lequel l'opticien s'intéressant à la
basse vision pourra proposer des aides efficaces.
Cette dégénérescence de la rétine centrale peut se traduire par une diminution de la densité
des récepteurs fonctionnels dans la zone maculaire ou par des scotomes centraux (perte totale
de fonctionnalité de la macula). Dans ce dernier cas, après une période d'apprentissage, une zone
pseudo maculaire peut se développer. Elle se crée en général au voisinage du scotome central
dans la région encore active de la rétine qui présente la meilleure acuité. Compte tenu de la
variation rapide de l'acuité en fonction de l'excentricité du point de la rétine concerné, l'acuité
sera faible.
La demande de compensation est plus importante pour la vision de près ou la vision
intermédiaire (télévision). En effet la lecture d'un journal nécessite une acuité de 6 à 7/10 alors
qu'une personne ayant une acuité de 2/10 conserve une autonomie de déplacement.
· Principe de la compensation
Le pouvoir de discrimination dépend de la densité des photorécepteurs fonctionnels contenus
dans la rétine centrale ou dans la zone pseudo maculaire. Si la densité des éléments sensoriels
diminue, la perception des détails va être altérée. Pour maintenir la discrimination, il faut
agrandir l'image rétinienne de façon à ce qu'un nombre suffisant d'éléments sensoriels encore
fonctionnels soient stimulés. Le moyen le plus simple d'agrandir l'image rétinienne d'un objet est
de le rapprocher de l'œil. Pour un sujet jeune ayant un fort pouvoir accommodatif ce
rapprochement pourra s'avérer suffisant en VP. Un sujet âgé devra disposer d'une aide visuelle.
Dans l'exemple suivant, on a représenté l'image rétinienne d'un mot équivalent au P5 à 40cm
sur l'aire maculaire (a). Sa dimension est inférieure à celle de la fovéa.
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Dans le cas d'une destruction partielle de cette aire maculaire (b), la lecture de ce mot n'est
plus possible. L'image rétinienne obtenue à l'aide d'un système optique de grossissement 3 (c)
permet de stimuler plus d'éléments fonctionnels (On remarquera que l'image rétinienne aurait eu
la même taille en plaçant l'objet à 13,3 cm).
· L'opportunité d'une aide visuelle au près:
Les tests de lecture pour la vision de près permettent de constater rapidement si une aide
visuelle grossissante peut apporter ou non une amélioration de la lecture. Le test de lecture est
placé à 25 cm et si le client est âgé on place devant ses yeux une addition de + 4 d. La capacité de
lecture est contrôlée en monoculaire. Si le sujet ne reconnaît que des caractères isolés,
l'adaptation d'une aide visuelle grossissante n'est pas recommandée. Si le sujet peut lire en
enchaînant un texte du test, en comparant la taille des caractères lus avec celle des caractères
d'un journal on aura une idée du grossissement qui sera vraisemblablement nécessaire. Il est
aussi important de voir si le sujet est motivé. C’est le problème délicat pour l’opticien qui
s’intéresse à la basse vision. On ne peut redonner à la personne la vision qu’il avait avant sa
maladie et souvent il est déçu par l’augmentation de la vision qu’on peut lui procurer et il renonce
(souvent aussi compte tenu du prix de l’équipement).
o Les différentes compensations optiques
Les aides visuelles disponibles sur le marché ont été mises au point pour répondre à un but
bien défini. Il pourra se révéler nécessaire de prescrire plusieurs aides en fonction des besoins
du patient. D'une manière schématique, la loupe et les systèmes microscopiques servent pour une
lecture rapide et de durée limitée, les systèmes téléloupes et télescopiques pour des lectures
prolongées et pour regarder la télévision et les lunettes d'approche pour les activités hors de la
maison ou à l'école pour reconnaître des objets éloignés. N’oublions pas que plus nous
souhaiterons un grossissement important plus le champ de vision sera réduit ce qui pose de
graves problèmes pour la lecture.
§
Les loupes
C'est en général le premier instrument optique que les malvoyants vont utiliser pour améliorer
leur vision de près. Leur grossissement utile est relativement faible, compris entre 1,5 et 2,5.
Elles ne permettront la lecture que pour des malvoyants ayant une acuité restante supérieure à
0,2.
Plusieurs modèles sont disponibles: les loupes à main, les loupes à pont ou sur pied, les loupes
à poser et les loupes éclairantes.
§
Systèmes myopisants
Plus la distance d'observation est réduite, plus la taille de l'image rétinienne est grande. Cet
effet est utilisé par les forts myopes qui retirent leurs lunettes et regardent de très près quand
ils ont besoin d'une acuité importante. En plaçant de fortes additions convexes devant l’œil, le
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sujet pourra lire à une distance rapprochée. Dans la pratique, ces systèmes se présentent sous
forme de verres lenticulaires unifocaux ou sous forme de verres bifocaux. La distance
d'observation est inversement proportionnelle à celle du système (pour un grossissement 5, le
texte est placé à environ 6 cm de l’œil). Pour les personnes âgées n’ayant plus d’accommodation, le
grossissement que l’on peut espérer est faible.
§
Systèmes télescopiques de Galilée
Le système télescopique dits de Galilée est constitué d'un objectif de puissance positive et
d'un oculaire de puissance négative. Il fournit une image droite. Ces systèmes sont utilisés en
monoculaire.
En général, ils peuvent être utilisés pour la vision à distance et pour la vision de près en
rapportant une bonnette additionnelle sur l'objectif.
Exemples de système télescopique de Galilée
Il existe une très grande variété de systèmes sur le marché. Chaque type possède des
caractéristiques spécifiques de grossissement, de champ, de distance de travail, de luminosité.
§
Téléloupes de Kepler
Ces systèmes s'apparentent au principe optique de la jumelle de campagne. Ils se composent
d'un objectif et d'un oculaire convergent avec, dans l'intervalle optique, un système de prismes
redresseurs.
Avec ce principe, on peut réaliser des grossissements importants tout en conservant une
bonne qualité d'image sur tout le champ et surtout une distance de lecture plus confortable. Par
exemple, pour un grossissement de ´5, le texte devra être à 6 cm de l’œil avec un système
microscopique, 13 cm avec un système télescopique et 24,5 cm avec une téléloupe. Étant donné
l'éloignement de la distance de lecture, il est possible de concevoir des téléloupes binoculaires à
fort grossissement. La plupart peuvent être utilisées en vision de loin pour de rapides
observations.
o Aides électroniques
L'autre solution qui s'est considérablement développée en raison des progrès techniques,
consiste à utiliser un circuit fermé de télévision pour agrandir le texte que l'on veut lire. Le
texte est déplacé sous une caméra à mise au point automatique. L'image se forme sur le
téléviseur que le sujet regarde dans les conditions habituelles. Un boîtier électronique permet de
régler le grossissement dans une plage importante et pour les plus perfectionnés un traitement
de l'image (modification du contraste, de la couleur de fond...). A grossissement identique, le
champ est plus important que pour les systèmes optiques. Par contre, ils ne permettent pas
d'effectuer des travaux manuels, leur utilisation reste réservée à la lecture et à l'écriture. Il
faut de plus un apprentissage pour que le sujet apprenne à déplacer le texte sous la caméra tout
en fixant l'écran sur lequel il lit.
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3 Cas particulier du strabisme convergent accommodatif
Nous traitons ce cas car l’opticien, en plus de fournir l’équipement, aura un rôle de conseil
auprès de la famille de l’enfant pour renforcer les préconisations de l’ophtalmologue et aussi
souvent de l’orthoptiste.
3.1 Type et évolution
Le strabisme convergent accommodatif est dû à des troubles de la régulation de la synergie
accommodation convergence avec comme facteur déclenchant une hypermétropie variant suivant
les cas de 2 à 5 dioptries. Cette ésotropie apparaît souvent vers l’âge de deux ans mais elle peut
se produire plus tôt ou un peu plus tard. Parfois elle n’est détectée que vers l’âge scolaire. Il est
normal que le début soit assez tardif puisque la fonction accommodative n’est vraiment
développée chez l’enfant que vers cet âge de 2, 3 ans. Il existe des facteurs d’accélération : une
vision de près sollicitée trop tôt chez l’enfant, une légère anisométropie ou une acuité
relativement faible pouvant être due à un astigmatisme se superposant à l’hypermétropie. Au
départ, ce strabisme n’existe qu’en vision de près ce qui explique qu’il est, dans de nombreux cas,
détecté avec retard.
Ces strabismes sont très souvent monoculaires et une amblyopie relative de l'œil dévié est un
fait banal dès que la déviation existe à l’état plus ou moins constant.
3.2 Principe du traitement
Le traitement va dépendre du stade d’évolution. Si la déviation est détectée à son tout
premier stade alors qu’elle n’est pas permanente, l’élimination du facteur accommodatif par port
de la compensation amène la guérison. Si on ne détecte le strabisme que lorsqu’il s’installe de
façon permanente, en plus du port de la compensation, il sera nécessaire de lutter contre le
début de suppression par un traitement orthoptique. Si les parents ont attendu trop longtemps
avant de consulter, le port des lunettes sera toujours prescrit mais il faudra lutter contre
l’amblyopie de l'œil dévié qui s’est installée. Un traitement orthoptique sera toujours nécessaire
pour consolider la vision binoculaire si elle est retrouvée. Parfois un traitement chirurgical sera
nécessaire.
3.3 Compensations optiques
Les sujets étant jeunes et leur amplitude d’accommodation très grande, la mesure de la
réfraction sera faite sous cyclopégique par l’ophtalmologiste. La majorité des auteurs sont
maintenant pour une compensation égale à la correction totale pour l’hypéropie aussi bien que
pour l’astigmatisme s’il existe. Pour une anisométropie c’est plus difficile et chaque cas est
particulier. Mais dans tous les cas, les lunettes prescrites doivent être portées constamment.
Une compensation pour la vision de près peut être prescrite suivant le cas considéré.
3.4 Traitements optiques
·
L’occlusion totale
Si la déviation n’a pas été repérée suffisamment tôt, l’amblyopie de l'œil dévié a déjà pu
s’établir. Il faut donc lutter contre cette suppression en obligeant cet œil à « travailler ». Le
meilleur moyen reste l’occlusion totale de l'œil directeur. Cette occlusion ne doit être
interrompue sous aucun prétexte pendant la durée prescrite. Elle est en général réalisée avec un
pansement occlusif et est souvent mal supportée au début par l’enfant puisqu’il ne dispose plus
que de son « mauvais œil ». Il est donc indispensable de s’assurer de la collaboration des parents
afin qu’ils ne tolèrent aucun retrait des lunettes et de l’occlusion. La durée de cette occlusion
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totale est variable et dépend beaucoup de l’avancement de l’amblyopie. La surveillance par
l’ophtalmologiste permet de déterminer le temps optimal.
·
Occlusion partielle
Elle peut être intermittente. Dans ce cas, on bouche un œil totalement mais pendant quelques
heures par jour. Elle est souvent prescrite lorsque la vision de l'œil strabique est suffisamment
améliorée.
o Elle peut être continue mais partielle.
o L’ophtalmologiste peut prescrire un Ryser, film plastique dépoli plus ou moins
opaque que l’on colle sur le verre. Il réduit l’acuité de l'œil devant lequel il est
placé d’une quantité déterminée. Il est placé devant le meilleur œil pour
diminuer son acuité lorsque l'œil dévié a déjà bien récupéré après une
occlusion totale. Les deux yeux ont avec ce dispositif des acuités de même
niveau.
o L’autre grande méthode consiste en la prescription de secteurs. Elle semble
moins utilisée maintenant. Ces secteurs opaques obligent les deux yeux à
travailler chacun dans une direction du regard. Par exemple avec des secteurs
nasaux, l'œil droit verra à droite et l'œil gauche à gauche. Leur emploi ne peut
se faire que si l’amblyopie a presque disparu sinon l’enfant tournera la tête.
C'est d'ailleurs un moyen simple pour les parents de pouvoir suivre la vision de
leur enfant. Il faut les prévenir que dès qu'ils constateront que leur enfant
tourne la tête pour voir du côté de l'œil qui a été amblyope, il faut vite
retourner consulter l'ophtalmologiste car l'amblyopie se réinstalle. La forme
des secteurs peut varier suivant la pénalisation recherchée du bon œil.
Suivant l'âge et le type de problème, l'ophtalmologue prescrira les différents types de
pénalisations en général après une occlusion totale. Ces pénalisations nécessitent une surveillance
rigoureuse et sont en général accompagnées par un traitement orthoptique.
3.5 Le traitement orthoptique
Il est un complément aux autres traitements. Il vise à consolider la vision binoculaire et la
fusion en augmentant l’élasticité du réflexe accommodation convergence et en traitant les
troubles sensoriels s’il y a lieu. Le traitement se fait souvent d’abord au synoptophore, il est
complété par des exercices qui peuvent être faits à la maison. Comme tout traitement
orthoptique, il nécessite une bonne coopération de l’enfant et de sa famille.
©Paul JEAN
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