La philosophie de l'esprit face au réel
Autor(en): La Harpe, Jean de
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue de théologie et de philosophie
Band (Jahr): 31 (1943)
Heft 126
Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-380430
PDF erstellt am: 17.04.2017
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LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT FACE AU REEL
Des quatre ouvrages dont nous nous proposons de rendre compte, deux
concernent l'histoire de la philosophie, les deux autres des problèmes de
philosophie générale centrés sur des préoccupations et mathématiques et
biologiques ;malgré l'extrême différence des sujets traités, un fil commun
les relie, àsavoir l'idée que l'esprit est une faculté de sélection autant qu'une
puissance créatrice ou conservatrice.
Victor Delbos :De Kant aux Postkantiens, avec une préface de Maurice
Blondel. Collection de la Philosophie de l'Esprit. Aubier, Ed. Montaigne.
Paris 1940.
Parmi les historiens de la philosophie, Victor Delbos s'était acquis l'une
des plus grandes réputations par ses mémorables travaux sur Spinoza et sur
Kant, sans parler d'autres, moins considérables. Lorsqu'il mourut àParis,
en 1916, il était depuis de nombreuses années professeur d'histoire de la
philosophie àla Sorbonne ;le livre dont il s'agit ici est la reproduction d'un
cours professé en 1909, et quoiqu'il date de trente-trois ans, il n'a rien
perdu de sa valeur. On peut appliquer àl'œuvre magistrale de Delbos le mot
fameux de Thucydide :Ktèma eis aei. Delbos condense sous un petit volume
de deux cents pages l'essence de longues recherches d'un extrême intérêt.
Il s'agit en effet de déterminer comment la métaphysique de Kant, rapide¬
ment résumée, aservi àl'élaboration de la philosophie des Romantiques
allemands :Fichte, Schelling et Hegel. En révolutionnant la métaphysique
classique de son temps, celle de la substance, Kant avait cru faire œuvre
définitive :«Il s'imaginait échapper àce qui est cependant le sort des
doctrines fécondes, lesquelles ne peuvent prolonger leur existence qu'en se
faisant une autre vie dans d'autres esprits, au contact d'autres besoins,
d'autres tendances, d'autres problèmes qui les renouvellent» (p. 40). Pendant
un temps les historiens voyaient dans la métamorphose de la métaphysique
kantienne de la «chose-en-soi »en un idéalisme de plus en plus absolu, jus-
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qu'au «panlogisme »hégélien, une sorte de processus anonyme et néces¬
saire :Kant aurait involontairement conduit ses successeurs, en vertu des
implications secrètes de son système, àla théorie idéaliste de la déduction
absolue, qui nous semble aujourd'hui le renversement de sa propre perspec¬
tive philosophique.
Or Delbos, qui aétudié le kantisme comme personne, montre comment, à
partir de ce qui demeurait d'inléterminê dans les œuvres du maître, ses
successeurs ont progressivement introduit dans le criticisme leurs propres
préoccupations et l'ont fait progressivement dévier de la direction profonde
qui était la sienne au titre de «philosophie critique »;ils l'ont fait par voie
d'interprétation et de commentaire, jusqu'à ce qu'ils l'aient assez transformé
pour s'en dégager presque complètement.
Delbos part de ce qui demeurait «d'ouvert »dans les Critiques, àsavoir
le problème de «la-chose-en soi », tour àtour interprétée en un sens idéaliste
ou réaliste, et celui de «la philosophie comme système ». Il s'ingénie àfaire
l'analyse pénétrante de ce qu'en pensèrent Jacobi, Reinhold, Schulze, puis
Fichte ;tout ce travail de lente élaboration conduit les interprètes de Kant
àdicter àla philosophie un double impératif :la systématisation complète à
partir d'un principe premier qu'il s'agissait préalablement de définir.
«Ce travail de réflexion philosophique... est solidaire de la constitution
progressive de l'idéalisme spéculatif allemand. On dirait volontiers de cet
idéalisme qu'il aopéré, àtravers les données historiques, sur la chose-en-soi
de Kant, comme il aopéré, àtravers les données sensibles de la perception,
sur le non-moi ;il aprétendu faire rentrer en lui-même, expliquer par la vertu
de son premier principe, ce qu'il yavait tout de même de positif dans cet obs¬
tacle àson développement et il ade cette façon supprimé l'obstacle. Par
toute sa vie même il annonce la mort de la chose-en-soi »(p. 58).
En ce qui concerne la systématisation de la pensée kantienne sur cette
voie nouvelle, ce fut essentiellement l'œuvre de Fichte que de découvrir
les «principes susceptibles d'organiser systématiquement la philosophie »
(p. 65). Au contraire, au cours de ses recherches, Kant semblait n'avoir
«conçu l'esprit qu'en fonction de la science qu'il s'agit d'expliquer »;après
seulement que sa doctrine eut été définitivement établie, «jusqu'aux derniers
moments de sa vie, il ala préoccupation de présenter un système complet
de la raison pure »(p. 59).
Après cette introduction capitale, Delbos s'efforce de montrer dans un
second chapitre comment se constitua graduellement la doctrine hégélienne
de l'Esprit absolu, conçu comme pensée infinie, au travers de la doctrine
fichtéenne définissant ce principe «comme représentation, comme conscience
et comme Moi », puis par l'entremise de Schelling le ramenant àl'identité du
sujet et de l'objet. Dans un troisième chapitre, l'auteur expose la méthode
de démonstration de Fichte, puis celle de Schelling se forma la didactique
hégélienne par laquelle Delbos conclut... Mélange inextricable de créations
personnelles et d'une sorte d'atmosphère générale qu'ils s'assimilent de plus
en plus. Hegel aprétendu être le dernier mot, la consommation finale de
LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT FACE AU RÉEL 49
«tout le progrès de la connaissance et de tout le progrès de l'être dialecti-
quement envisagé ». La tentative en fut aussi vaine que le sont toujours
des prétentions aussi outrecuidantes.
aEn revanche, Hegel peut, sans trop d'erreur, être représenté comme
l'achèvement de l'évolution qui, de l'idéalisme kantien, la pensée était
posée comme législatrice du monde connaissable pour nous, faisait sortir
l'idéalisme absolu, la pensée est posée comme créatrice de tout le monde
réel »(p. 170).
Delbos se fait fort de le confirmer dans un quatrième chapitre, il décrit
la réaction de Schopenhauer et Herbart contre l'idéalisme spéculatif. Cette
admirable étude historique confirme tout l'essentiel des interprétations de
M. Brunschvicg dans plusieurs de ses écrits, comme aussi les pénétrantes
analyses que Meyerson consacre au problème de la «déduction absolue chez
Schelling et Hegel» dans le deuxième volume de L'Explication Iansles Sciences.
Emile Bréhier: La Philosophie et son passé. Nouvelle encyclopédie philo¬
sophique. Presses universitaires de France. Paris, 1940.
M. E. Bréhier est le successeur de Delbos dans sa chaire de la Sorbonne ;
il en est le digne continuateur. Il est l'auteur de la meilleure histoire de la
philosophie en langue française ;on ne saurait trop en recommander la
méditation attentive àceux qui veulent avoir une vue d'ensemble de l'his¬
toire des doctrines philosophiques ;on connaît également son livre sur Plotin,
qui est de premier ordre.
Or, M. Bréhier, dans ce petit volume de quelque cent quarante pages,
nous apporte le fruit de son long travail d'historien des idées et des systèmes,
ainsi que le résultat de ses réflexions sur ce que signifie la vérité d'une grande
doctrine philosophique par rapport àl'ensemble de la pensée philosophique
et de son évolution.
Ce livre est formé de deux parties bien distinctes :la première compte
deux études ;l'une, La Philosophie et son passé, donne son titre àl'ouvrage ;
l'autre, La Causalité en histoire de la philosophie, ne fait que prolonger et
préciser la première sur plusieurs points importants. Ces deux chapitres
forment un tout de soixante-quinze pages.
La deuxième partie est consacrée àl'idée de Création chez Descartes.
Celle-ci se relie au problème que M. Bréhier s'est posé depuis longtemps, à
savoir l'idée d'une philosophie chrétienne, qu'il résout par la négative.
«Sur cette question tout au moins, les relations restent tout àfait exté¬
rieures entre le dogme chrétien et la philosophie cartésienne. Il règne aujour¬
d'hui une telle confusion sur les rapports de la philosophie et de la révélation
religieuse qu'il peut être bon de méditer l'exemple de Descartes »(p. 17).
Si captivante que soit la méditation de ces pages lucides et bien informées,
nous nous bornerons àen recommander la lecture àceux que préoccupent
les destinées du cartésianisme; nous nous proposons, en revanche, d'insister
un peu sur la première étude consacrée àla philosophie et son passé,
qui est extraordinairement riche en suggestions dans sa brièveté et sa
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concentration puissante :aucune prolixité, une pensée presque ànu
M. Bréhier aadmirablement su se dégager des formules toutes faites, si
courantes en histoire de la philosophie ;il asu reprendre un problème par
sa base et le méditer au contact immédiat de la réalité historique et de la
succession des grandes doctrines philosophiques :ce problème est, àla lettre,
celui du «progrès de la philosophie »qui tourmente tant d'esprits au contact
de la succession des doctrines, souvent décevantes, aussi longtemps que l'on
n'a pas pris la peine de dépasser les apparences de monotonie et de répéti¬
tion, pour atteindre aux problèmes profonds qui échappent àl'amateur, ici
plus que partout ailleurs.
L'idée centrale que l'auteur expose en une langue vigoureuse et limpide,
c'est qu'il existe une sorte de «temps spirituel »propre àchaque grande
œuvre qui conditionne sa vitalité, ses evanescences et ses reprises ;«cette
durée intérieure, qui condense tant de passé, est bien différente du temps
extérieur de l'expression ». Il yaune réalité spirituelle qui transcende le
temps extérieur des événements et qui se condense parfois dans un esprit
génial d'une énorme «durée »(p. 40).
Ainsi le problème majeur des influences et des circonstances historiques,
du milieu moral, physique et intellectuel, se déroule l'existence du philo¬
sophe, tout important qu'il soit (car M. Bréhier n'en prend point prétexte
pour contester la portée de cette étude préalable qui s'avère indispen¬
sable, ni pour encourager les mysticismes faciles n'est pas l'essentiel qui
réside ailleurs :
«Ce qui est essentiel dans une pensée philosophique, c'est une certaine
structure, mettons, si l'on veut, un certain mode de digestion spirituelle,
indépendant des aliments que son temps lui propose. Cette structure mentale
qui appartient, par accident, au passé, est donc, au fond, intemporelle, et
c'est pourquoi elle aun avenir et pourquoi nous voyons son influence se
répercuter sans fin appréciable »(p. 41).
M. Bréhier montre le passage de la méthode du «commentaire», qui dura
des siècles, àl'histoire proprement dite de la philosophie qui date de l'époque
rationaliste ;la réaction romantique d'un Hegel acompromis celle-ci sous
les dehors séduisants mais trompeurs de la dialectique historique, qui crée
une perspective unique par rapport àune «optique »déterminée et person¬
nelle. Autrement dit, c'est tout le problème de l'objectivité des idées et
des doctrines qui est évoqué en quelques pages d'une singulière force de
suggestion.
Acela se rattache l'étude attentive du sens de la notion de causalité histo¬
rique, le concept de causalité étant, comme M. Lalande l'a montré ailleurs,
d'entre les plus équivoques par ses origines pratiques et son anthropomor¬
phisme invétéré.
Passer de M. Bréhier àl'exposé de V. Delbos, ou l'inverse, c'est passer de
la théorie àla vérification par le fait, car rien n'illustre de façon plus perti¬
nente les réflexions de l'un que l'étude des variations du kantisme chez l'autre.
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