terme, la recherche de consensus sociaux et une action protectrice de l'Etat. Cependant, la
lutte entre ces deux capitalismes semble tourner à l'avantage du modèle nord-américain.
– Cette diversité des capitalismes peut être encore plus large. Robert Boyer, dans Les
capitalismes en Europe (1996), souligne la persistance de spécificités à l'échelle des
entreprises et des régions et distingue quatre formes de capitalisme contemporain : le modèle
rhénan (Allemagne), le modèle de marché (Etats-Unis, Royaume-Uni), le modèle social-
démocrate (Suisse, Autriche) et le modèle étatique (France, Italie).
– Le capitalisme peut agir aussi contre lui-même. Pour Karl Marx (Le capital, 1867), les
contradictions internes du capitalisme (suraccumulation du capital, exploitation du prolétariat,
recherche permanente du profit) déboucheront sur sa disparition et l'avènement du socialisme.
Cette prédiction ne s'est pas révélée juste, et c'est au contraire l'organisation collectiviste qui
s'est effondrée dans les années 90. Joseph Schumpeter pensait aussi que le capitalisme courait
à sa disparition étant donné que l'esprit d'innovation ne se retrouvait plus dans les grands
groupes (voir Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942).
2.B.2. La question sociale, facteur de division dans les capitalismes
– Déjà, Michel Albert avait montré que la supériorité du modèle rhénan était de concilier
l'économie de marché et le progrès social sur la base d'une économie sociale de marché
(références à la politique menée en Allemagne dans les années 50 par Ludwig Erhard). A
l'inverse, la politique libérale du modèle nord-américain accentue le dualisme social, ce qui,
pour lui, ne peut représenter un système d'avenir même s'il réussit aujourd'hui.
– La question sociale a été au coeur du débat et du vote des Français lors du référendum sur le
Traité constitutionnel, elle divise donc bien deux grands types de capitalisme : un capitalisme
libéral plus financier et individualiste, et un autre plus social. La question de l'existence d'un
modèle capitaliste social européen et d'une alternative au capitalisme néolibéral reste posée.
Pour Bruno Amable, la convergence annoncée vers un capitalisme néolibéral anglo-saxon
n'est pas inéluctable.
Conclusion
Il existe sans doute non pas un capitalisme, mais plutôt des capitalismes. Les études
historiques confirmeraient cette idée et la tendance actuelle de la diffusion d'un capitalisme
néolibéral mondial développe des réactions qui montrent la diversité des capitalismes. Ce
constat de la diversité ne remet pas cependant en cause l'existence de certaines régularités
dans le capitalisme. Un ou plusieurs, ce dernier n'a plus aujourd'hui de concurrent.
C'est une opportunité à saisir pour le penser et le repenser. Ne pas s'imaginer qu'il ne peut pas
s'améliorer et qu'il n'y a qu'une seule voie, celle du néolibéralisme. D'une certaine manière, le
plus grand adversaire du capitalisme est le capitalisme lui-même, car sa réussite ne doit pas
déboucher sur un modèle unique, ce qui serait, sans nul doute, un risque pour son futur. Le
capitalisme ne peut se résumer à la sphère économique, et c'est de sa capacité à intégrer les
nouvelles questions sociales que dépendra son avenir.
Daniel Fleutôt
AEHSC Charles de Gaulle, Caen.
« Les épreuves d’économie aux concours des grandes écoles de commerce », Alternatives
économiques, Hors série Pratique,n°21bis, novembre 2005.