Crise du travail social, malaise des travailleurs sociaux

GRIS (Groupe
de
recherche
mnovallons
ct
sociétés), Umvcrs1tl'
Ùl'ROUl'll
Crise du travail social,
malaise des travailleurs sociaux
François Aballéa*
Si pour l'auteur, crise du travail social et
malaise
des travailleurs
sociaux
ne
sont
pas indépendants l'un
de
l'autre,
ces
deux phénomènes ne
sont
pas
non
plus
de
même nature. Le premier renvoie à
un
mouvement
de destructuration du
champ du travail social
qui
se manifeste
au
niveau
de
son
objet, de ses objectifs
et
de
ses destinataires. Les concepts
de
base du
travail
social : lien social,
insertion, citoyenneté, deviennent flous
tout
comme
celui de famille
paraît
de
plus en plus évanescent, altérant la force et
l'unité
du
travail
social. Les modes
d'actiotts eux-mêmes,
qu'il
s'agisse
de
la
relation clinique ou de
l'action
communautaire,
sont
de plus
en
plus malmenés face à la
montée
de l'urgence. Le
malaise résulterait d'un non -renouvellement de l'expertise, d'une remise en
cause de l'éthique professionnelle, d'une
transformation
du processus de
professionnalisation
et
s'accompagnerait d'interrogations identitaires face
aux
professions nouvelles
et
concurrentes
de
l'intervention sociale. Pris entre un
sentiment d'illégitimité à s'inscrire sur
les
nouvelles lignes de force du
champ
et
l'absence
de
reconnaissance sociale quand ils
s'y
essaient, les travailleurs
sociaux se
trouvent
face à une situation anomique.
li
n première approximation, on
peut
considérer que parler
de
la
crise
du
travail social
d'une
part, du malaise
des travailleurs soctaux
d'autre
part, c'est une
seule et même chose. Imagine-t-on, en effet, le
travail social possible sans les travailleurs
sociaux et pense-t-on des travailleurs sociaux
qui développeraient leur activité essentiel-
lement en dehors
de
la
sphère du travail
social ?
Du
reste, quand on parle aujourd'hui
de
crise
du
travail social ne fait-on pas
référence au malaise que vivent dans leur
identité ct leur exercice professionnel les
travailleurs sociaux?
Pourtant,
il
paraît nécessaire
de
distinguer
la
crise
du
travail soctal
ct
le malaise des
travailleurs sociaux, à
la
fois sur un plan
pratique ct sur un plan théorique.
Sur
un
plan pratique puisque l'on note la
tendance
dans
certaines institutions, les CAF,
les
offices
d'HLM
par
exemple,
ou
dans
certaines catégories
de
travailleurs sociaux,
animateurs,assistantssociauxparfois,àquitter
le
travail social, tout au moins la relation
clinique et
le
contact charnel avec le terrain
pour se situer
sur
des
positions d'expertise
de
questions diverses telles
que
l'accueil local
de
l'enfance,
de
gestion (de dossiers
de
pré-
contentieux
par
exemple)
ou
d'ingénierie (en
matière
de
développement
urbain
entre
autres). Dans le
même
temps,et
peut-être
par
réaction, on voit
des
travailleurs sociaux
dont
la
pratiqucprofessionnelleétaitsollicitéedans
des
champs
éloignés
du
travail
social
rcvcndtquer leur appartenance aux profes-
sionsdu travail social. C'est le cas
des
conseil-
lers en économie sociale ct famtliale,
par
exemple.
11
RECHERCHES ET PREVISIONS 44
-1996
12
Sur
le
plan
théorique, envisager le travail
social
d'un
côté, les travailleurs sociaux
de
l'autre, nécessite
des
références différentes.
Plus exactement, l'analyse diffère selon
que
l'on
met
en
pnorité
l'acccntsurletravail social
ou
sur
les travailleurs sociaux
pour
rendre
compte
des
transformations
qmles
affectent.
Analyser
le
travail social
Donner priorité à 1 'entrée
par
le travail social,
c'est
envisager
un
champ
d'action
dont
il
s'agit
d'analyser
les transformations, c'est-à-
dire
la
rccomposition
intcrncct
la rectification
des
frontières,
en
les
rapportant
à l'évolution
généra
led
u contexte. Dans une telle approche,
les pratiques professionnelles
ct
la situation
de
ceux qui les exercent, les travailleurs
sociaux,
trouvent
leurs principales caracté-
ristiques
dans
les caractéristiques mêmes
du
champ.
Privilégier,commcaxed'étudc,lcstravailleurs
sociaux,
c'est
partir
d'une
analyse
de
la
constitution
et
de
la transformation
d'un
corps
professionnel,
de
l'identité
ct
des
traJectoires
personnelles
et
professionnelles
de
ses
membres,
des
valeurs qui les animent,
des
relations
qu'ils
développent
avec
d'autres
corps professionnels. Dans
une
telle approche,
le travail social
apparaît
comme
un
construit
social
résultant
de
la
dynamique
propre
aux
acteurs
engagés
dans
les
luttes
pour
l'autonomie, la reconnaissance sociale
ct
la
captation
des
bénéfices
économiques
et
symboliques
qui
en
résultent.
Cette différence théorique
dans
les
approches
renvoie
pour
une
large
part
aux clivages
théoriques qui traversent la sociologie
du
travaii,entreunesociologiede
la
détermination
sociale
des
pratiques
et
des
représentations
par
le contexte,
plus
largement représentée
en
France,
ct
une
sociologie
de
l'interaction sociale
qui met
au
prinCipe
de
l'action les déterminants
biographiques
et
les systèmes
de
relations qui
se
nouent
à l'occasion
de
celle-ci. Elle
apparaît
nécessaire
dès
lors, qu'utilisant
une
même
terminologie,
on
parle indistinctement
du
travail social
ou
des
travailleurs sociaux.
Il
en
va ainsi à
propos
de
la
prétendue
crise
du
travail social
E.'t
des
travailleurs sociaux.
La
question se complique d'ailleurs singu-
lièrement
du
fait
que
la
notion
de
crise est elle-
RECHERCHES
ET
PREVISIONS n' 44
-1996
même
polémique. Qu'est-cc qui
n'est
pas
en
crise
aujourd'hui
? Sans
vouloir
chercher
à
fonder
un
concept explicatif
et
dans
un
simple
souci
d'opératiOnnalité
immédiate,
on
appellera crise
dans
les
pages
qui
suivent,
un
processus
de
destructuration-restructura
ti
on
dans
lequel les
phénomènesdedestructuration
l'emportent
sur
les
phénomènes
de
restruc-
turation.
Il
s'agitdonc,ditautrementetd'une
façon simpliste,
d'un
changementqui
ne
paraît
pasonentéversunétatdontonpeutperccvmr
plus
ou
moins clairement le terme.
On
peut
parler
en
ce
sens
de
la
crise
économique actuelle
comme
d'un
processus
de
destructuration
du
modèle
reposant
sur
la
production
ct
la
consommation
de
masse
de
produits
standardisés
par
un
salariat
urbain
tendant
à
s'étendre
à
l'ensemble
de
la
population
active,
sans
que
l'on
perçmve
clairement le modèle qui serait susceptible
de
conduire
à
un
nouvel équilibre.
Crise et malaise :
des notions floues
Si
la notion
de
crise
est
loin
d'être
claire, celle
de
malaise
est
encore
plus
floue. Ni les
sociologues, ni les économistes, ni
même
beaucoup
de
psychologues
en
font usage. En
fait
les
sociologues
utilisent
le
concept
d'anomie
et
c'est à travers celui-ci
que
l'on
peut
chercher à
donner
un
sens
au
malaise
ressenti. L'anomie désigne la situation
d'un
individu
ou
d'un
groupe
qui a
perdu
ses
repères,
notamment
la possibilité
de
situer
son action
par
rapport
à
un
certain
nombre
de
valeurs
qui
servent à l'encadrer,
du
fait
de
la
variabilité
deces
valeurs
ou
du
décalage
entre
les valeurs qui
servent
de
référence à l'action
etlesmoyensd'actiondonnéspourysouscrire.
En cc sens
il
y a malaise parce
que
le travail-
leur
social serait écartelé
entre
les
valeurs,
l'éthique
du
travail social,
et
l'allégeance à
son
institution
par
exemple,
ou
parce
que
les
valeurs
auxquelles
il
lui
est
demandé
de
souscrire,
la
neutralitéentrcautres,entrenten
contradiction avec
des
logiques
de
clientélisme
institutionnel,
ou
encore parce
qu'il
n'a
pas
les
moyens
de
souscrire
aux
valeurs
qui
sont
censées
guider
l'action
comme
le
développe-
ment
de
1
'autonomie
de
la
personne
dans
des
situations d'urgence.
Envisager
ains1 le malmse
des
travailleurs
sociaux
peut
tradmrcceq11'1l faut bien
appeler
une
crise d'1dentité.
Peut-on
dire
ams1 que le travail social
d'un
côté, les travailleurs
sooaux
de
l'autre
sont
affectésd'un
tel processus
de
destructuration-
restructuration
désorienté?
On
a
envisagé
le travail social
comme
un
champ
d'action,
c'est-à-dire
comme
un
domaine
d'activité
caractérisé
par
son objet,
son
système
d'action, son système
d'acteurs,
son
positionnement
par
rapport
à
d'autres
champs.
Le
champ
est
ainsi
un
ensemble
de
positions
dans
un
espace
déhmité
par
la spéoftcité
de
son
contenu
et
par
l'adhésion à
un
certain
nombre
de
valeurs, les valeurs
du
champ,
pos1tions
qUJ,
d'une
part, ne se définissent
et
ne
se
comprennent
que
par
le
rapport
à
l'ensemble
des
au tres positions
et
qui,
d'autre
part,
vont
détermmer
les
pratiques
de
ceux
qui
les occupent.
Parler
de
crise
du
travail social, c'est
donc
analyser les phénomènes qui affectent chacune
des
dimens1ons
du
champ
au
pomt
de
les
destructurer.
Travail social
l'origine
un
modèle cohérent
L'objet
du
travail
sooal,c'cst-à-direconcrète-
ment
ses
objectifs, son contenu instrumental,
ses
destinataires
privilégiés, les
fameuses
«populations
cibles», s'est considérablement
transformé
au
cours
de
l'histoire
du
travail
socia
1.
Il
ne
s'agit
pas
ici
de
refaire la généalogie
du
travail social,
mais
on
peut,
en
simplifiant
à
l'extrême,
caractériser
quelques
moments
le
travail
social
a
paru,
au
moins
rétrospectivement,
présenter
une
relative
cohérence-
objectif, moyen, cible
-qui
permet
de
parler
de
modèle.
Un
premiermodèlesedégagcainsi
autour
du
traitement
de
la «question sociale»
dans
la
seconde
moitié
du
XIX'
siècle, c'est-à-d1re
de
la
question
ouvnère.
La
cible
est
assez
clairement
identifiée,
il
s'agit
de
l'ouvrier
et
de
sa fam1lle, ses enfants
notamment
(plutôt
que
de
la
famllleouvrièredontleconccptreste
encore
lissez flou,
comme
en
témoignent les
travaux
de
Villermé
ct
surtout
de
Le
Play).
L'objectif
(latent
sinon
manifeste)
paraît
également
relatiVement bien Identifié
autour
du
couple
assistance-contrôle.
Ass1stancc
nécessaire
pour
assurer
la
reproduction
de
la
force
de
travail
mise
à
mal
du
fait
de
l'explOitation
de
la classe
ouvnère
ct
de
la
misèreqmenrésulte,renforcéesubjectivement
sinon objectivement
par
les
phénomènes
de
concentratiOn
urbaine;
contrôle
lié
à
la
perception
de
la
dangerosité
des
classes
laborieuses
contaminées
par
le
vtrus
révolutionnaire
ou
anarchiste
ou
plus
simplement
animées
de
sentiments
d'envie
et
de jalousie
toujours
susceptibles
de
générer
des
révoltes
ou
des
émeutes.
Secours
chantables,
quadrillage
par
des
réseaux
d'a1dcs et
d'assistance
s'appuyant
éventuel-
lementsurdesactivitésdomestiquesassurent
une
certaine
efficacité à
l'action
engagée
dans
une
perspective
rééducatrice,
moralisatrice
plus
que
normative.
Ce
modèle
perd
sa
cohérence
au
fur
et
à
mesure
que
la classe
ouvrière
intègre
les
normes, les
valeurs
ou
plus
s1mplement
la
d1sciplinc nécessaire
au
bon
fonctionnement
du
système
productif
industncl
et
capitaliste,
et
que
son
niveau
s'élève
la
mettant
peu
ou
prou à
distance
des
exigences
mmimales
de
la
survie.
La
cible
du
travail social
se
modifie
alors.
Il
s'agit
de
la famille
ouvrière
dont
il
convientd'assurcr
la
bonne
santé
physique
et
intellectuelle
grâce
à
une
hygiène
plus
stricte,
un
logcmcntconstruitct
tenu
selon
des
nonnes
formalisées,
des
comportements
hors
travail
débarrassés
des
séquelles
d'une
sociabilité
populaire
et
fortement
intimisée.
Aujourd'hui :accompagner,
et socialiser
L'objet
du
travail
social
n'est
plus
tant
l'assistance
ct
lccontrôle-qui
ne
disparaîtront
jamais
complètement-
que
l'accompagnement
social
et
la soçialisation.
Accompagnement
pour
permettre
de
souscrire
aux
normes,
socialisation
pour
adhérer
aux
valeurs
et
s'approprier
les
exigences
du
système.
Surleplanmstrumcntal,
le travail social
se
fait
éducatif
et
normatif,
via
notamment
l'aide
ménagère
à
destination
des
mères
de
famille
et
des
jeunes
filles,
ct
s'appuie
sur
des
résca
ux
d'mstitutions
mêlant
à la fois les loisirs
et
la
13
RECHERCHES ET PREVISIONS n•
44-
1996
14
fom1at1on
dans une conceptiOn ongmalc
de
l'éducation populaire la1quc ou confession-
nelle.
L'évolution sc poursuit
après
la Seconde
Guerre mondiale.
La
cible
du
travail
soc1al
va
sc
déplacer
de
li!
famille ouvrière à la famille
urbamc au furet à mesure que
sc
développe le
secteur tcrtia1rc ct que s'urbanise
la
société
française. Son objetn'cstplus tant l'éducation
de
la famille
que
sa
participation sociale ct
celle
de
ses membres aux
pnscs
avec
un
chan-
gement exacerbé
par
la mobilité géographi-
que
et professionnelle,
ct
leur maîtnsc
du
fonctionnement social, des services et équipe-
ments
m1s
à leur disposition, renforçant à la
fois leur autonomisation ct leur sentiment
d'
appartcnancccollcctivcou communautaire.
Le
travail
prend
alors
une
connotation
fortement socioculturelle, reposant
sur
l'ani-
mation
ct
le
développement
de
réseaux
associatifs. L'appréhension
de
la
famille sc
veut globale en rupture avec les approches
partielles
ct
spécialisées.
La
visée
est
intégratrice cherchant à corriger les inégalités
qui limitent l'intégration
ou
à raccrocher au
train
du
progrèslcs«inévitables» laissés-pour-
compte
de
la
croissance.
Tout cela est évidemment schématique. A
aucun moment
de
l'histoire
du
travail social
nescsontrencontrésdetelsmodèlcsdanslcur
pureté «idéal typique». A tout moment le
travail a visé les divers objectifs présentés_ci-
dcssus ct a instrumentalisé sa pratique
de
différentes manières. Néanmoins,
il
y avait
peu ou prou une certaine cohérence de fait
même si celle-ci n'a pu être théorisée
qu'a
posteriori.
Une cohérence qui se détruirait
aujourd'hui
C'estcettccohércnceplusou moins étroite qui
se détruirait aujourd'hui. Les «concepts
de
base>>
du
travail social deviennent
«flous>>.
L'assistance charitable
pouvait
servir
de
principe d'identification et declassement à un
certain nombre
de
pratiques bien identifiées
par
leur contenu et leurs effets directs (la
survie)
ct
indirects
(le
maintien
de
la
dépendance). L'éducation familiale
de
la
même
façon. Elle permet
de
rapprocher
un
certain
nombre
de
pratiques
dans
des
domaines
divers (l'hygiène, la tenue
du
logement,
RECHERCHES ET PREVISIONS
44.
1996
l'éducation des jcunesenfants, les loisirs) mais
qui
ont
pour
caractéristique d'inculquer
des
normes générées
en
dehors
du
milieu
sur
lequel
sc
déploie le trava1l social. Certes, le
«concept>>
d'animatiOn paraît déjà avoir
une
vertu identtficatricc plus faible et,
du
reste, le
moment
il
est importé dans le champ
correspond déjà sans
doute
à
une
phase
de
dislocation.
Celle-c1
s'accentue avec la promotion
de
notions comme lien social («maintenir ou
réorgamscr
le
lien
social>>),
exclusion,
citoyenneté, urbanité qui viendraient unifier
le sens des pratiques, ou encore risque (social)
qui servirait à caractériser les
nouveaux
tcrrainsetlcsnouveauxobjetsdu travail social
(population à risque, quartiers à risque
...
).
La
cible elle-même devient floue.
Le
référent
qui renforçait l'unité,
la
visibilité ct
la
cohérence
du
travail social
en
le
centrant
sur
une
population spécifique, la famille, paraît
de
plus en pluséclatédu fait
des
transformations
structurelles qui affectent la famille avec la
diversité des modes
de
fondation
de
celle-ci,
mariage, union maritale, remariage
et
la
dynam1que
de
son évolution qui fait sc
succéder
des
statuts
matrimoniaux
ou
conjugaux divers. Transformation qui a non
seulement
pour
effet
de
brouiller les repères
traditionnels mais encore
de
renforcer le poids
des nouveaux ,déterminants
de
l'action (la
précarité~
du
fait
précisément
que
ces
mutations structurelles ct cette dynamique
séquentielle fragilisent tant les parents
que
les
enfants accroissant ainsi les risques
de
les voir
sc précariser ct
de
devoir faire face à l'urgence
ct aux contraintes
de
la survie.
Ainsi, même
si
les destinataires
du
travail
social
n'ont
jamais
pu
être
réduits
aux
membres de la famille conjugale constituée
selon
le
modèle canonique des années
60,
il
est
bien
évident
que
les
profils
des
«bénéficiaires» se sont aujourd'hui largement
démultipliés,
jeunes
dans
leur
famille,
célibataires sans domicile fixe, parents aux
prises
avec
le
surcndettemcnt,
isolés
bénéficiaires
du
RMI,
personnes
âgées
isolées
...
, rendant
de
plus
en
plus Illusoire la
capacité
de
maîtriser les conditions
d'une
prise en charge globale ainsi que
de
celle
de
bâtirdesactionscommunautairesdans
le
cadre
d'unepromotioncollective,remcttantencausc
en fait le concept d'action sociale familiale ct
le
concept même
de
polyvalence
de
secteur,
base
du
modèle
d'action,
sans
qu'une
alternative réelle ne sc dégage aujourd'hui
au
tcm1c
d'un
débat
pourtant
vigoureux.
Un
modèle d'action
fortement ébranlé
Le
travail social, à travers
une
histoire qui
n'est pas
iCJ
retracée, avait
fim
pardéfimr,à la
travail social,
on
appelle parf01s le travail
soCial
intégré
sur
un
territoire.
Le
territOire
dans cette accepta
ti
on
n'est
plus seulement
un
espace
de
mise en cohérence
de
moyens
pour
attcindredcs
objccti fsdéfiniscn
dehors
de
1 ui,
mais le lieu
d'émergence
d'une
identité,
de
reconnaissance
d'une
légitimité à faire valoir
des
objectifs
propres
et
des
cohérences
partlcuhèrcsdans
le respect
de
ses spécificités
sociales, économiques ou culturelles.
fin
des années
60
ct
dans
les années
70,
un
Quant
au
système
de
références,
1l
s'était lm
modèle d'action, c'est-à-dire tout à
la
fois
un
aussi progressivement constitué
encadrant
mode
ct
un cadre d'action ou d'intervention,
d'une
façon
plus
ou
moins précise
la
mise en
amsi
qu'un
système
de
références. Or cc
ocuvrcdcl'actionautourdevalcurstellesque
modèled'act10n paraîtaujourd'huifottcmcnt· . · •J'autonomie
par
opposition à l'enfcrmement
ébranlé sans que
non plus ne sc dégage · ' dans ·l'assistance
dépendante,
la
recherche
clauemcnt une alternative. des
démarches
préventives
plus
que
l'inter-
Le
type ou mode d'action n'était pas umvoquc,
il
s'appuyait
sur
les
deux
p11icrscn apparence
de nature opposée que sont
la
relation clinique
individuelle engagée
dans
l'action de soutien
ct l'action communautaire reposant sur
la
mise au jour ct
la
mobilisation des énergies
collectives. Mais, par-delà
la
différence radicale
de
ces deux modes, l'action s'inscrivait
dans
une
même logique
ct
sur
un
même registre
d'appréhension
de
la réalité que l'on peut
décliner
ainsi
par
une
succession
de
caractéristiques : l'aide personnalisée
par
opposition à
la
prestation standard indif-
férenciée; l'action globale prenant en charge
la
totalité des dimensions
de
la
personne ou
du
groupe
par
opposition
à
une
action
spécialisée, sectorielle ou localisée à visée
thérapeutique immédiate :
la
participation
des
bénéficiaires
par
opposition
à l'aide
octroyée ou imposée, à
la
prestation prédéfinie
à consommer en 1
'état;
la solidarité collective,
par
opposition
au
traitement individuel ;
la
pnsc
en compte des spécificités locales des
cultures,
des
modes
de
sociabilité,
par
opposition à l'application uniforme
de
la
réglementation.
Lccadred'mtervenhonprivilégiécetconstruit
au
m11ieu
des
années
60
et surtout, dans les
années
70,
la
polyvalence
de
secteur étaient
sans doute cc qui permettait
le
mieux
de
prendre en compte à
la
fois
la
globalité de
la
situation
ct
de
la
personne et
la
dimension
collective ct communautaire
de
l'action par
opposition à
la
spécialisation
par
type
de
prestation,
d'ayants
droit ou d'institutions.
Il
renvoie à cc
que
dans
les textes relatifs au
vention curative, la neutralité idéologique
et
non les investissements partisans, la pré-
éminence
des
logiques
de
besoin
sur
celle
du
droit, l'universalisme
de
l'action
et
le refus
d'exclusion fondée
sur
des
motifs
ethniques
ou
de
nationalité, le
primat
de
l'efficacité,
c'est-à-dire
la
mise
en
oeuvre
de
la
solution
optimale
par
opposition à
une
recherche
de
l'efficience,c'est-à-dired'unesolution
prenant
par
trop
en considération les problèmes
de
coût.
Ce
système a été
plus
ou
moins
approprié
par
les
travailleurs sociaux
et
sans
doute
ne
s'est-
il
jamais totalement incarné
dans
les
pratiques
de terrain. Mais
il
a constitué
une
sorte
de
référence idéale
et
emblématique
du
travail
social
par
opposition
à
des
systèmes
de
références
concurrents
qui
avaient
pu
ou
pouvaient le concurrencer, qu'il s'agisse
des
systèmes
de
références
caritatifs
ou
des
systèmes
de
patronage.
Cc
modèle
est
sans
doute
leproduitdu
champ
lui-même
et
de
ses
acteurs privilégiés, les travailleurs sociaux,
mais
il
a
été
porté,
par
la
suite,
par
la
plupart
des «agences
de
légitimité»
du
champ
(écoles
de travailleurs sociaux, commissions
du
Plan,
univcrsitairesctchcrcheurs,quand bien
même
ceux-ci
en
dénonçaient
les
dérives
sinon
l'essence, normalisatricc
et
mtégratrice).
Les repères traditionnels
brouillés, des acteurs déstabilisés
Cc
modèle d'action, ainsi systématisé,
paraît
lui
aussi
de
plus
en
plus
malmené
et
traversé
par
des
contradictions
ct
des
tensions
qui
15
RECHERCHES ET PREVISIONS
n•
44
.1996
1 / 12 100%
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