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se plaît à souligner que les Grecs ont eu « non le goût, mais la rage » de la magie2 et ce
sont bien des auteurs de langue grecque qui sont à l’origine de passages de cette œuvre
où les recettes magiques abondent, comme le conrment les recherches menées sur les
sources de Pline. Ainsi, pour le catalogue des remèdes tirés des animaux uniquement
sauvages ou uniquement apprivoisés (XXIX, 58-143 ; XXX, 19-149), une source
essentielle serait peut-être Xénocrate d’Aphrodisias, contemporain de Pline3. D’autre
part, les autorités citées par le naturaliste lui-même à propos de recettes magiques
sont majoritairement grecques4. Parmi celles-ci, le rôle principal est joué par les
apocryphes hellénistiques, se rattachant à la littérature aujourd’hui largement perdue
des Physica, qui visait à découvrir et employer les forces mystérieuses des créations
de la nature5 et faisait une si large place à la magie que les recettes de magie médicale
nirent par être qualiées de physica6. Les noms de Pythagore et de Démocrite, sous
lesquels quelques-uns de ces livres étaient placés, sont souvent mentionnés par Pline7,
mais c’est surtout « Démocrite », en réalité sans doute Bolos de Mendès, qui domine
les sources de l’Histoire Naturelle8. D’autre part, Pline désigne parfois la source de
recettes magiques par le terme global de magi, qui se réfère à des sources de langue
grecque et sans doute aux apocryphes hellénistiques9.
2 XXX, 8 : rabiem, non auiditatem (tr. A. Ernout, CUF, 1963). Voir par exemple XXVIII, 5-8, où
des recettes magiques employant des parties du corps humain sont attribuées à des auteurs grecs.
3 Voir j. ScarBorough, « Pharmacy in Pliny’s Natural History », pp. 59-85, sp. 67-69. Xénocrate
était traité de charlatan par Galien (De simpl. med., X, 1 = Kühn, XII, 248 sv.).
4 Voir par exemple l’attribution de diverses recettes à des sages-femmes grecques (XXVIII, 38 ; 81 ;
82 ; 83 ; 262 ; XXXII, 135 ; 140), à Anaxilaüs (XXX, 74) ou Apion (XXX, 18).
5 Sur cette littérature, voir notamment M. WellMann, « Die des Bolos Democritos ».
6 Voir par exemple les titres des chapitres de Marcellus (note 143) ainsi que Cassius Félix, XXXIII,
4 ; 5 ; LVII, 4 ; LXIX.
7 Pythagore et surtout Démocrite sont accusés d’avoir appris et enseigné la magie, dans l’historique
de la magie du livre XXX (9-10), ainsi qu’en XXIV, 166 et XXV, 13. Pythagore est donné comme source
de divers passages marqués par la magie (XX, 101 ; 192 ; XXII, 20…) ; sur Démocrite comme source, voir
note suivante.
8 « Démocrite », mentionné dans les indices de trente des trente-six livres de l’Histoire Naturelle,
est donné comme caution de bon nombre de recettes clairement magiques (XXIV, 160-166 ; XXVI, 18-
21 ; XXVIII, 112 ; 118 ; XXXII, 19...) et semble à l’arrière-plan intellectuel de l’œuvre plinienne. Une
partie importante des faux démocritéens circulant dans l’Antiquité semble due à Bolos de Mendès. Ce
personnage est nommé par Columelle (VI, 5, 17), une scholie à Nicandre (, 764), Stéphane de
Byzance (suAet le lexique Suda ( n° 481 et n° 482). Il vécut en Égypte à une époque située
entre 250 et 115 avant J.-C. et, d’après M. Wellmann, serait l’initiateur de la littérature des (M.
WellMann, « Die des Bolos Democritos », p. 3). Sur le pseudo-Démocrite et son rôle dans l’His-
toire Naturelle, voir dernièrement P. gaIllard-Seux, « Sympathie et antipathie », sp. 120-123 et n. 62, où
est indiquée la bibliographie sur Bolos.
9 Selon Bidez-Cumont, Pline aurait employé ce terme quand le même texte se retrouvait dans plu-
sieurs des apocryphes utilisés par le naturaliste (j. BIdez/F. cuMont, Les mages hellénisés, t. 1, p. 130).
Environ quarante-deux notices médicales sont ainsi placées sous le nom des magi. Que ce terme fasse ou
non allusion à une convergence de sources, il se réfère pour Pline à une autorité de langue grecque, les
Grecs ayant adopté et diffusé la magie selon lui (XXX, 6-10).
PATRICIA GAILLARD-SEUX