Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 4 -
ci résulte d'un couplage inédit entre différentes distorsions structurales permise par la structure en couches
du matériau : les chercheurs ont en effet montré qu'elle résultait des interactions à l'échelle atomique aux
interfaces entre les couches. « Cela a ouvert un champ d'investigation tout à fait neuf, se souvient le professeur
Ghosez : on allait pouvoir imaginer de nouveaux matériaux sur base d'une ingénierie à l'échelle atomique
des propriétés aux interfaces.» Pourquoi un tel enthousiasme ? Faisons une analogie. L'électronique actuelle
est basée sur un matériau très simple, le silicium. A partir de ce composé unique, on a pu créé une variété
incroyable de dispositifs : diodes, transistors, mémoires ! Comment ? En créant des interfaces entre des zones
dopées différemment ou avec d'autres matériaux. La fonctionnalité est créée par l'interface ! Le défi était donc
de contrôler ces interfaces de manière aussi fine que possible. « C'est ce que nous aimerions arriver à réaliser
avec nos matériaux, les oxydes ABO3, qui sont plus complexes, possèdent naturellement des propriétés bien
plus excitantes que le silicium, et peuvent être combinés et s'empiler comme des blocs Légo grâce à leur
structure pérovskite identique. Un autre exemple spectaculaire est celui de l'interface entre deux isolants, le
SrTiO3 et le LaAlO3 (2), au sein de laquelle on peut induire un gaz bi-dimensionnel d'électrons de manière
réversible, ouvrant de nombreuses perspectives dans le domaine de l'électronique (lire l'article The interface
between two non-conductive materials can be conductive). Contrôler (3) et agir sur les interfaces dans
les nanostructures ABO3 devrait nous permettre de générer une multitude de dispositifs nouveaux avec des
propriétés inédites et peut-être un jour de remplacer le silicium … Un rêve parfois appelé oxytronique ! »
Vers la spintronique
Un des nouveaux articles qui vient d'être publiés par Philippe Ghosez et son groupe exploite les découvertes
réalisées en 2008. Dans celui-ci (4), écrit en collaboration avec Nicholas Bristowe maintenant à l'Imperial
College de Londres et Julien Varignon actuellement à l'Unité CNRS-Thalès à Paris, les physiciens liégeois
montrent que certains matériaux à base de titane ont des propriétés magnétiques inédites. Ce qui est
remarquable car le titane n'est pas habituellement magnétique. Ce que les chercheurs ont montré, c'est que
s'il est combiné de manière spécifique avec certains éléments (par exemple du barium et du lanthane au sein
d'une structure pérovskite : (Ba,La)TiO3), le composé présente alors une magnétisation spontanée faisant de
lui un ferromagnétique s'apparentant à un aimant permanent. Si le ferromagnétisme est assez rare dans la
nature, ce qui accroît encore l'intérêt pour cette découverte c'est le mécanisme ici à l'origine de cette propriété.
La plupart des matériaux ferromagnétiques sont des métaux. « Dans notre oxyde, explique le professeur
Ghosez, les électrons ne sont pas mobiles et le système est donc en fait un isolant électrique. Ce que nous
avons découvert, c'est une interaction particulière entre les électrons et la structure atomique de cristal à même
de forcer le ferromagnétisme. Outre ses propriétés magnétiques inattendues, ce composé est également un
ferroélectrique impropre hybride. Nous avons donc en fait réussi à concevoir -théoriquement- un matériau qui
est à la fois ferroélectrique et ferromagnétique. Cela présente un intérêt non seulement dans le domaine de
l'électronique mais aussi celui émergent de la spintronique. Par exemple, cela signifie qu'on peut y stocker
de l'information à la fois sous forme électrique et magnétique, faisant de lui un matériau très intéressant pour
fabriquer des mémoires d'ordinateur plus performantes que les dispositifs usuels. Ces mémoires pourraient
également être moins gourmandes en énergie. »
Transformer la chaleur en électricité
Dans un autre article (5) publié cette fois dans Physical Review Letters, Philippe Ghosez, cette fois en
collaboration avec Daniel Bilc actuellement à l'INCDTIM à Cluj-Napoca (Roumanie) et l'équipe du Professeur
Gian-Marco Rignanese de l'UCLouvain, ont décelé des propriétés thermoélectriques exceptionnelles dans