Histoire des « particules élémentaires

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Histoire des
« Particules Élémentaires »
De « l’atome » de la Grèce antique au
boson de Higgs du CERN
Clément Sire
Laboratoire de Physique Théorique
CNRS & Université Paul Sabatier
www.lpt.ups-tlse.fr
La notion de « constituant élémentaire »
« Théorie » atomiste de la Grèce antique :
Anaxagore (500-428), Leucippe et Démocrite (~460370), Épicure (~342-270)…
Une théorie matérialiste plus philosophique
que « physique » :
Apporte une « réalité rationnelle » à la
constitution du monde : les atomes (le plein), le
néant (le vide), et… le mouvement
Retire aux dieux leur caractère spirituel
La matière ne peut se diviser infiniment : l’atome,
parcelle d’être, se conserve éternellement
La notion de « constituant élémentaire »
La naissance de la chimie moderne au
18ième siècle : les éléments
 L’école anglaise de chimie (H. Cavendish,
J. Black…) identifie et « pèse » l’« air fixe »
(CO2), l’« air inflammable » (H2), l'« air
phlogistiqué » (N2), l'« air déphlogistiqué » (O2)
Lavoisier établit la conservation de la masse
dans une réaction : « Rien ne se perd, rien ne
se crée, tout se transforme » (mort de la
théorie du phlogistique). Les substances se
décomposent en éléments. Exemple :
l’eau (H2O) ou l’air (O2+N2)
La notion de « constituant élémentaire »
L’atome moderne (ou presque !) devient
une évidence au 19ième siècle :
Dalton caractérise les atomes par leur masse
Gay-Lussac : les rapports des volumes des
constituants et des produits de réactions sont
entiers (« discontinuité » de la matière)
Avogadro : un même volume de gaz (à P et T
fixés) contient toujours le même nombre de
molécules (~1023/l), et ce, quel que soit le gaz
; notion de molécules
Pasteur, Bravais… expliquent la nature (et les
symétries) des cristaux
La notion de « constituant élémentaire »
L’atome moderne (ou presque !) devient
une évidence au 19ième siècle :
La théorie des gaz (Clausius, Maxwell,
Boltzmann…) permet d’estimer la taille des
molécules
Mendeleïev classe les atomes par masse
croissante
L’atome n’est pas ἄτομος !
L’atome se complique :
Découverte de l’électron (étude des rayons
cathodiques) par Joseph J. Thomson (1897) :
particule légère de charge e (mesurée par
Robert Millikan ; 1910)
Modèle de l’atome planétaire neutre par
Ernest Rutherford : un noyau très petit formé de
« protons » (le noyau de H – William Prout ;
1815) entouré de Z électrons ; lien avec le
tableau de Mendeleïev
L’atome n’est pas ἄτομος !
L’atome se complique :
A la suite des travaux de W. Bothe & H. Becker,
et de I. & F. Joliot-Curie, J. Chadwick (au
laboratoire d’E. Rutherford, qui a l’idée en 1920)
découvre le neutron n en 1932 : une sorte de
proton de (quasiment) même masse, mais de
charge nulle
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Quelques ordres de grandeurs
mp=1,672 623×10-27 kg ; mn=1,0014 mp
me=9,109×10-31 kg
Taille typique du noyau : 10-15 m
Taille typique de l’atome (nuage électronique
compris) : 10-10 m
Énergie de 1 g de matière = Hiroshima
E=mc2
Les forces élémentaires
Électromagnétisme (théorie de la lumière et
de son interaction avec la matière chargée)
Existence du photon, le grain de lumière
(Einstein, 1905) ; m°=0
Quelle est la force prodigieuse qui
maintient la cohérence du noyau chargé ?
Yukawa (1935) prévoit l’existence des « pions »
(π+, π−, π0) en prévoyant sa masse ~mp/9 ;
découverte en 1947-1950
La force « forte »
Une force est transmise par l’échange virtuel de
particules médiatrices (portée ~ 1/m)
Les accélérateurs de particules
 Accélération de particules chargées (e, p, π+,…
mais pas n) par de forts champs électriques
alternatifs
 Courbure de leur trajectoire par de forts champs
magnétiques
 Cyclotron (1930), synchro(cyclo)tron (1946)…
 Collision sur une cible ou sur un jet de direction
opposé : transfert énergie → masse (E=mc2 !)
 Nécessité de mettre au point des détecteurs de
plus en plus élaborés pour observer le fruit des
réactions
Le CERN
 27 km de circonférence et
de 50 m à 175 m sous terre
 2500 permanents + 10000
scientifiques de 110 nations
et 600 institutions
 Budget ~1 Md€/an=109€ !
 3 Prix Nobel (dont Georges
Charpak – 1992)
Le CERN : CMS (15x15x21m ; 17500 t)
Le CERN : ATLAS (46x25x25m ; 7000 t)
Le CERN : ALICE (16x16x26m ; 10000 t)
Le CERN : un concentré
extraordinaire de technologie !
Superordinateurs (25 millions de Go de données
générées par an !) ; réseau de dizaines de milliers
d’ordinateurs répartis dans ~100 centres de calcul ;
connexions ultra-rapides 6000 Gbit/s en interne,
jusqu’à 100 Gbit/s vers l’extérieur
Le Web a été inventé au CERN en 1990
10000 aimants supraconducteurs (à -271°C ;
40000 tonnes d’He ; 6 semaines pour refroidir) pour
générer localement des champs magnétiques
2 millions de fois le champ terrestre
Composés électroniques ultra-rapides
Et hum… consommation électrique = 1/3 de Genève
Le CERN : exemple de résultats de collisions
Collision p-p (accélérés à 99,9999991% de c ;
E=7000 mpc2 = énergie cinétique de 7
moustiques par p ; 11000 tours/s) dans CMS ou
d’ions de plomb dans ALICE
CMS
ALICE
Depuis 1935 : une zoologie de
« particules élémentaires »
Découverte de l’antimatière en 1933
(particules de charge opposée et de même
masse que la particule associée)
Anti-hydrogène créé au CERN en 1995 et maintenu 15
minutes en 2011
Découverte de « leptons » similaires à
l’électron : e− / e+, μ− / μ+, τ− / τ+, et de leurs
neutrinos associés ,ne , nμ, nτ
Radioactivité ¯ (Becquerel, P. & M. Curie, Rutherford, I. & F Joliot-Curie)
comme dans
Depuis 1935 : une zoologie de
« particules élémentaires »
 Existence des neutrinos postulée en 1931 par
W. Pauli et confirmée expérimentalement en 1956
(émission solaire de 65 Md/cm2/s ! 1 année-lumière = 1014
km de plomb pour en arrêter la moitié…)
 La radioactivité ¯ implique l’existence d’une
nouvelle force à l’échelle nucléaire aussi à
l’origine de la fusion nucléaire dans les étoiles
(et peut-être bientôt sur terre, avec ITER) :
la force « faible »
 La théorie (Glashow, Weinberg, Salam ; 1968)
prédit l’existence de trois particules W± et Z0
médiatrices de cet interaction, découvertes en
1983, au CERN
Depuis 1935 : une zoologie de
« particules élémentaires » (instables)
Multitude de « mésons » comme le pion :
π+, π−, π0,K+, K-, K0, KS0, KL0 (kaons), η0,
ρ+,ρ–, ρ0, φ, D+, D–, D0, DS+, DS–, J/ψ, B+, B–,
B0, ϒ…
Mais aussi de « baryons » comme les
« nucléons » (p, n), mais aussi :
Δ++, Δ+, Δ0, Δ−, Λ0, Λ+c, Λ0b, Σ+, Σ0, Σ−, Σ++c,
Σ+c, Σ0c, Σ+b, Σ0b, Σ−b, Ξ0, Ξ−, Ξ+c, Ξ0c, Ω−,
Ω0c, Ω−b…
Désespérant !!!
La théorie des quarks
“Three quarks for Muster Mark!”
Murray Gell-Mann et G. Zweig montrent
mathématiquement en 1964 que la
zoologie « désespérante » alors connue de
mésons et baryons peut être décrite
« simplement » grâce à seulement
3 particules les constituant : les quarks
u (up), d (down), et s (strange)
De 1965 à 1975, des considérations
théoriques (Glashow, Iliopoulos…)
imposent l’existence de 3 autres quarks :
c (charm), t (top), b (bottom)
La théorie des quarks
“Three quarks for Muster Mark!”
Les 6 quarks ont depuis tous été découverts
(c – 1974 à Stanford/Brookhaven, b – 1978, t – 1995 au
Fermilab)
Par exemple :
Baryons : p=uud, n=ddu, Δ0 =udd,
Λ0b =udb, Ξ+c=usc, Σ0=uds…
Mésons : π+=us̄, φ=ss̄, J/ψ=cc̄, B– =ūb…
Les quarks ont une charge électrique
±1/3 ou ±2/3 (u=2/3, d=-1/3…) et sont
caractérisés par d’autre « saveurs »
(couleur, étrangeté…)
Le proton p
Le « Modèle Standard »
Les 6 quarks
Les 3 leptons et leurs neutrinos
Les « bosons » médiateurs des interactions
Le photon : interaction électromagnétique
Les W± et Z0 : interaction « faible »
Les gluons : interaction « forte » nucléaire
Et…
Le boson de Higgs
à l’origine de la masse
Le boson de Higgs H
Existence postulée mathématiquement
indépendamment par Robert Brout, François
Englert, Peter Higgs, Carl Richard Hagen,
Gerald Guralnik et Thomas Kibble (1964)
(Prix Nobel 2013 pour Englert & Higgs)
A basse énergie/température (notamment
notre « époque » dans la vie de l’univers),
l’espace est peuplée d’une « mélasse » de
H, qui donne leur masse effective aux
bosons W± et Z0 (force faible), mais aussi
aux quarks et leptons
Le boson de Higgs H
A haute énergie/température (les premiers
instants du Big Bang), l’espace se vide de
H, et les bosons W± et Z0 ont une masse
nulle, comme le photon : la force faible
« s’unifie » avec la force électromagnétique
(et normalement, toutes les autres)
La Grande Unification !
Le boson de Higgs H
 Même si les résultats ne sont pas encore définitifs,
la découverte du boson de Higgs a été annoncée
le 4 juillet 2012. Les dernières analyses publiées
en mars 2013 montrent que la particule observée
« ressemble de plus en plus » au Boson de Higgs
de la théorie la plus simple (il en existe plusieurs
versions)
 CMS et ATLAS (indépendamment) : mH=133 mp (à
moins de 1% près).
Le futur du modèle standard
et ses limites
 Bien caractériser le boson de Higgs observé pour
contraindre la théorie (modes de désintégration)
 Existence de nombreux paramètres (mesurables)
dans la théorie ; pourra-t-on un jour expliquer les
masses des « particules élémentaires » ?
 Intégrer le fait que les neutrinos aient des masses
non mesurables aujourd’hui, mais non nulles
 Violation non observée de la symétrie CP par
l’interaction forte (axions ???)
 Intégration de la force de gravité et lien avec la
cosmologie (supersymétrie ???)
Les succès du modèle standard
 Multiples prédictions théoriques (souvent guidées
par l’élégance mathématique), vérifiées
expérimentalement plusieurs années plus tard
« Rions un peu » avec le modèle standard
 Lagrangien associé uniquement à la force faible
du modèle standard
« Rions un peu » avec le modèle standard
 Lagrangien complet
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