Éric Rommeluère Le bouddhisme n`existe pas

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pas « fusionné », puisque le « monothélisme » est une hérésie) mais la
précision de la théologie n’empêche
pas que la spiritualité chrétienne soit
souvent teintée d’idolâtrie ou même
de magie. Il nous faut donc écouter
Gilles Bernheim quand il nous met
en garde contre la manière qu’ont
les Églises et les fidèles de s’approprier le Dieu incarné.
Paul Thibaud
salutaire. Mais il est ici question de
bien autre chose. Enseignant bouddhiste dans la tradition zen, Éric
Rommeluère anime en outre l’association « Un Zen occidental ». Ces
deux termes désignent le double
enjeu de ce nouvel essai. Il s’agit de
rejoindre, dans sa radicale étrangeté,
l’enseignement du Bouddha et, sans
rien sacrifier de cette radicalité, d’en
comprendre et d’en vivre la pertinence pour des Occidentaux de notre
XXIe siècle commençant.
Éric Rommeluère
Le bouddhisme n’existe pas
La verdeur iconoclaste qui se
donne libre cours chez bien des
maîtres de l’école sino-japonaise du
Chan/Zen est connue : « Si tu rencontres le Bouddha, tue-le ! » Sans
surenchère verbale, mais aussi sans
concession sur le fond, l’auteur situe
leurs paroles extrêmes ou leurs comportements provocants dans l’éclairage du bouddhisme du « Grand
Véhicule » ou – selon la traduction
qu’il affectionne – du bouddhisme
de la « Grandeur ». Ni religion ni
système philosophique que nous
pourrions surajouter dans un paysage culturel déjà bien encombré,
l’enseignement du Bouddha requiert
un « saut intérieur » : il invite à « un
autre possible que le possible », il
ouvre sur un absolu inconditionné
(p. 97). Tout le reste est moyen ou
« dispositif ».
Paris, Le Seuil, 2011, 191 p., 17 €
Voici quatre ou cinq ans, Éric
Rommeluère publiait Les bouddhas
naissent dans le feu1, un essai plein
de fougue qu’il terminait sur ces
lignes :
En vérité, le bouddhisme n’existe
pas. Ce n’est qu’un mot qui, pris
trop au sérieux, devient source d’enjeux et d’affrontements.
L’auteur mesurait-il la hardiesse
du propos ? Et surtout, ses lecteurs
pouvaient-ils en reconnaître tous les
enjeux ?
Il est de bon ton désormais, surtout depuis l’Orientalisme. L’Orient
créé par l’Occident d’Edward Said2,
de démasquer « hindouisme »,
« bouddhisme » et autres « -ismes »
comme autant d’abstractions réductrices, comme les créations artificielles du regard occidental (et colonial) sur l’Autre. Mise en garde certes
Pour être contingents et toujours
provisoires, les moyens ou les dispositifs n’en sont pas moins indispensables. Les bouddhistes occidentaux,
ou les Occidentaux qui prennent
refuge dans l’enseignement et la communauté du Bouddha, se trouvent
donc devant un immense chantier. Ce
n’est certes pas la première fois que
1. Éric Rommeluère, Les bouddhas naissent dans le feu, Paris, Le Seuil, 2007.
2. Edward Said, l’Orientalisme. L’Orient
créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, 1997.
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