Sites d’émergence cutanée made easy Volume 3 | Numéro 2 | Juin 2012 www.woundsinternational.com Introduction Des formes rudimentaires de trachéotomie apparaissent sur des artéfacts égyptiens datant de l’an 3600 av. J.C.1, et les peuples de la Syrie ancienne utilisaient des cathéters fabriqués à partir de tiges de roseaux. Les dispositifs percutanés sont maintenant d’usage commun en pratique clinique dans une vaste gamme de domaines thérapeutiques. Ces dispositifs créent une plaie (le site d’émergence cutanée) qui requiert des soins appropriés pour prévenir des complications, comme une infection ou une hypergranulation. La prise en charge efficace d’un site d’émergence cutanée peut être difficile. Toutefois, il est possible de diminuer les risques par une approche qui combine des soins de base de qualité, une surveillance rapprochée et la formation des patients et de leurs soignants. Auteurs: Spruce P, Warriner L, Keast D, Kennedy A. Les coordonnées complètes des auteurs sont données en page 6. Qu’est-ce qu’un site d’émergence cutanée ? Divers dispositifs percutanés sont utilisés à l’heure actuelle en pratique clinique, dont les cathéters de dialyse péritonéale (DP), les sondes de gastrostomie percutanée endoscopique (GPE), les canules de trachéotomie, les cathéters suspubiens et les dispositifs d’accès vasculaire. Ces dispositifs sont indiqués chez des patients dont le maintien des fonctions physiologiques ne peut pas être assuré en résultat d’une maladie ou d’une incapacité et dont la survie dépend de thérapies de soutien additionnelles. Les dispositifs percutanés sont introduits par le biais d’une incision chirurgicale pratiquée dans la peau pour accéder aux structures, organes ou tissus sous-jacents et permettre l’administration ou le retrait de fluides ou de gaz. Cette brèche de la peau correspond au site d’émergence cutanée ; dans certaines spécialités et/ou pays, elle est également désignée sous les noms de site (ou point) d’entrée, de pénétration ou d’insertion. En outre, des dispositifs de fixation externe qui maintiennent en place les broches ou les fiches utilisées pour stabiliser une fracture osseuse sont parfois posés chez des patients qui ont subi un traumatisme ou requièrent un traitement orthopédique. Une plaie percutanée est formée à l’interface entre la fiche ou la broche et la peau — cette interface est appelée « orifice de fiche ou de broche »2. Face à une plaie aiguë ou chronique, l’objectif final est la cicatrisation. En revanche, en ce qui concerne le site d’émergence cutanée, le but est de maintenir une ouverture saine dont l’exsudation est minimale. Bien que la plaie ait naturellement tendance à se refermer autour de la structure tubulaire insérée3, tous les dispositifs percutanés et les broches ou fiches de fixation externe se comportent comme des corps étrangers dans les tissus, empêchant la fermeture de la plaie. La cicatrisation ne peut avoir lieu qu’après le retrait du dispositif à la fin du traitement. Encadré 1 Risque de complications au site d’émergence cutané QD’après les estimations, les cathéters veineux centraux sont à l’origine de 250 000 à 400 000 cas d’infections sanguines chaque année dans le monde, la mortalité associée atteignant 10 à 35 %4 Q Les infections au site d’émergence cutanée d’un cathéter de dialyse péritonéale entraînent une multiplication par six du risque de péritonite, motivant le retrait du cathéter dans 50 % des cas5 Q Une infection sur broche est une complication majeure des techniques de fixation externe utilisées en cas de fracture complexe ou de difformité d’un membre2. Les taux rapportés vont de 1 % pour les infections graves (par ex. ostéomyélite) à 80 % pour les infections mineures6 Q La gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) est la méthode d’élection pour la nutrition/l’hydratation artificielle entérale à long terme. Une infection locale se développe dans approximativement 2 % à 39 % des procédures 7 La durée durant laquelle le dispositif percutané ou système de fixation externe demeure en place dépend du domaine thérapeutique ou du traitement requis. Plus ce dispositif ou système demeure en place longtemps, plus la probabilité de complications est élevée2. Par exemple, une fiche ou une broche orthopédique pourra être retirée après consolidation de la fracture, mais un patient qui ne peut pas s’alimenter ou boire requerra peut-être un soutien nutritionnel par GPE à vie. Pourquoi la prise en charge des sites d’émergence cutanée est-elle difficile? Les sites d’émergence cutanée sont à risque d’infection accru, et les patients chez qui la pose d’un dispositif médical est requise peuvent également présenter des comorbidités associées qui augmentent le risque de complications de la plaie. Il est important d’adopter une approche holistique pour maintenir la perméabilité du site d’émergence cutanée aussi longtemps que possible et prévenir les complications. Chaque dispositif a des exigences spécifiques en matière de parcours des soins. La prise en charge inadéquate d’un site d’émergence cutanée peut accroître le risque de complications susceptibles de résulter en une diminution de la qualité de vie, ou encore de conduire au décès ou à l’arrêt du traitement (Encadré 1). Développement de pratiques exemplaires Les directives de pratiques exemplaires qui sont axées sur les soins des plaies aiguës et chroniques ne sont pas nécessairement appropriées à la prise en charge des sites d’émergence cutanée. Des travaux additionnels sont requis pour élaborer des recommandations destinées aux cliniciens qui soient spécifiques à la prise en charge des sites d’émergence cutanée sur la base des données disponibles et des pratiques exemplaires. Principes de base pour la prise en charge d’un site d’émergence cutanée Chaque dispositif aura des exigences spécifiques en matière de parcours des soins, et il est important de respecter les instructions du fabricant et les protocoles en place à l’échelle locale. Ces éléments peuvent éventuellement être incorporés dans des recommandations cliniques, mais plusieurs principes de base sont applicables au site d’émergence cutanée de tout dispositif médical. 1 Sites d’émergence cutanée Les principes de prise en charge de base comprennent les suivants : Q Assurer la perméabilité et le bon fonctionnement du dispositif Q Maintenir l’intégrité de la peau avoisinante Q Prévenir les infections et autres complications. Prise en charge efficace du dispositif Le risque de complications au niveau et au voisinage d’un site d’émergence cutanée dépend de l’état général du patient et du type de dispositif utilisé. Ce risque peut être diminué en utilisant des soins de base de qualité, une surveillance rapprochée et une formation appropriée pour assurer la prise en charge qui s’impose. Tous les dispositifs doivent être positionnés, immobilisés et ancrés correctement8,9. Il sera éventuellement nécessaire d’utiliser des pansements appropriés pour faciliter l’immobilisation du dispositif2. Le dispositif risque toutefois d’endommager la peau avoisinante par pression ou friction en résultat des mouvements du patient ou d’un positionnement médiocre. Les pansements ou bandelettes adhésives éventuellement utilisés ne doivent causer aucun traumatisme additionnel du site, et ils doivent être remplacés quand ils deviennent humides ou souillés pour réduire le risque d’infection10. Il convient en outre d’inspecter les dispositifs pour s’assurer qu’ils sont bien ajustés et ne présentent aucune fissure ou craquelure (ce qui pourrait conduire à des fuites de liquides et leur contact avec la peau avoisinante). Le site peut être vérifié lors du nettoyage effectué en routine. made easy et de s’écouler dans la brèche créée au site d’émergence cutanée. Prévention des infections aux sites d’émergence cutanée Tous les sites d’émergence cutanée sont colonisés par des bactéries ; une colonisation bactérienne importante peut conduire à une infection de ce site. Les agents pathogènes fréquemment mis en jeu comprennent Staphylococcus aureus, y compris des SARM, Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli. Les infections fongiques représentent souvent un problème quand les dispositifs sont composés de polyuréthane ou de Silastic, comme les sondes de GPE et les cathéters suspubiens11. L’infection peut être superficielle et confinée à la zone entourant le site d’émergence cutanée ou elle peut se propager à la fistule ou au tunnel, augmentant le risque d’envahissement bactérien des structures sous-jacentes. Ceci peut représenter un problème majeur si le dispositif devient lâche ou si son positionnement est incorrect. Nettoyage de la plaie par une technique aseptique Pour certains dispositifs, comme les tubulures centrales ou les cathéters veineux centraux percutanés (CVCP), on utilise une technique aseptique12 pendant l’ensemble du traitement, puis on applique un film transparent afin de pouvoir surveiller le site d’émergence cutanée. Cette procédure est répétée chaque semaine13, mais le nettoyage du site d’émergence cutanée doit être plus fréquent si une infection est suspectée2. Maintien de l’intégrité de la peau La peau qui entoure le site d’émergence cutanée doit être propre et sèche pour empêcher une croissance bactérienne. Durant la période postopératoire immédiate, il est souvent recommandé de maintenir un environnement propre sur le plan clinique et non perturbé pour promouvoir l’épithélialisation du sinus d’émergence8,9. L’utilisation d’une crème barrière n’est pas indiquée en routine dans les soins de la peau entourant un site d’émergence cutanée. Si une crème barrière est employée pour traiter une irritation ou une excoriation cutanée, le clinicien doit s’assurer que le produit n’endommagera pas le dispositif ou ne risquera pas de se liquéfier Le but du nettoyage est de réduire le nombre de micro-organismes présents et d’éliminer les exsudats, le sang et les débris de la plaie autour du site et du dispositif, pouvant représenter un support pour la croissance bactérienne14. Une solution salée normale et des agents antiseptiques comme la povidone iodée, la chlorhexidine et le polyhexaméthylène-biguanide (PHMB) sont fréquemment employés6,15. Nettoyage de la plaie par une technique « socialement acceptable » En ce qui concerne les sites d’émergence cutanée de certains dispositifs, une technique de nettoyage « socialement acceptable » peut être utilisée pour maintenir la zone en question exempte de contaminants et réduire la charge bactérienne. Les protocoles de soins qui utilisent cette approche recommandent souvent un nettoyage de routine quotidien, bien que la fréquence puisse varier en fonction de l’état de la plaie et du volume des exsudats ou sur les conseils du clinicien en chef. Établir une routine de nettoyage régulier peut aider le patient ou son soignant à surveiller le site et à détecter tout signe de complication à un stade précoce. Cette approche repose sur une méthode simple à trois étapes : 1. Nettoyage de la peau autour du dispositif en utilisant un savon doux et de l’eau tiède 2. Nettoyage du dispositif conformément aux instructions du fabricant, en éliminant l’exsudat ou le sang sec qui s’est éventuellement accumulé et le savon résiduel 3. Séchage minutieux de la zone concernée au moyen d’un tissu propre. Durant toute procédure de nettoyage, la prudence s’impose pour empêcher le passage de liquides dans le dispositif. Dans l’idéal, le site d’émergence cutanée et le dispositif doivent être soigneusement séchés au moyen d’un tissu approprié. Certains tissus, comme la gaze, peuvent libérer des fibres au niveau du site d’émergence cutanée. Il faut donc les éviter, car le risque d’irritation et d’inflammation additionnelles est augmenté. Les autres recommandations générales comprennent les suivantes : Q Les patients devraient prendre une douche plutôt qu’un bain, encore que ceci puisse varier selon les dispositifs. Il est judicieux de recommander aux patients de prendre une douche immédiatement avant que le pansement soit changé ou le jour où le pansement est changé2 Q Les patients doivent être informés du fait que les gels de douche ou shampooings risquent de provoquer une réaction au site d’émergence cutanée16. Rôle des pansements Des pansements peuvent être appliqués pour produire une barrière efficace et 2 empêcher la pénétration de bactéries et d’autres contaminants dans le site d’émergence cutanée. Les informations concernant l’utilisation de pansements sont généralement axées sur leurs indications et avantages et n’ont pas tendance à recommander un produit particulier. Par exemple, et dans un consensus récent sur la prise en charge des orifices de broches, la plupart des répondeurs (76 %) ont convenu que les plaies devraient être pansées, mais un accord n’a pas été atteint quant au type de pansement à utiliser. Plusieurs éléments ont fait l’objet d’un fort accord : le matériau du pansement doit éliminer l’excès d’humidité de la plaie (86,7 %), les pansements doivent être maintenus propres et secs et ils doivent être changés une fois par semaine ou plus fréquemment si la plaie est infectée2. L’utilisation de pansements imprégnés d’agents antiseptiques dans la prise en charge des sites d’émergence cutanée a augmenté. Dans une revue récente, Hadaway a décrit l’utilisation du PHMB pour réduire les taux d’infection du site opératoire (ISO)17. Les organismes identifiés dans les ISO étant les mêmes que ceux qui sont impliqués dans les infections sanguines liées à des cathéters, l’auteur suggère que le PHMB pourrait être utile dans la prise en charge des sites d’émergence cutanée de ce type de dispositifs médicaux. Infection en tant que complication au site d’émergence cutanée Le risque d’infection doit toujours être pris en considération, et il est important de reconnaître les facteurs de risque associés aux différents dispositifs et traitements. Il est recommandé de soumettre le patient et la plaie à une évaluation approfondie afin d’identifier les risques et de mettre en place les mesures qui s’imposent pour réduire la probabilité de survenue d’une infection. La fréquence des évaluations ultérieures variera selon que le dispositif est utilisé à court terme ou implanté à demeure. Quels sont les facteurs de risque associés ? Plusieurs facteurs peuvent augmenter le risque d’infection aux sites d’émergence cutanée. Ces facteurs peuvent concerner : Q L’état général du patient et des facteurs relatifs à l’hôte, par exemple les comorbidités qu’il présente éventuellement (comme un diabète, une anémie et une malnutrition) ou ses choix en matière de mode de vie (comme le tabagisme) Q L’utilisation de médicaments qui entravent la cicatrisation, par exemple les stéroïdes ou les agents cytotoxiques Q Le degré d’urgence de la procédure quand elle a été réalisée (intervention planifiée ou non) et l’utilisation d’antibiotiques en prophylaxie au moment de l’insertion. Identification d’une infection au site d’émergence cutanée Après l’introduction du dispositif, il est normal que des signes d’inflammation (par ex. chaleur, écoulement sanglant ou jaunâtre, douleur et érythème) soient observés autour du site d’émergence cutanée. Toutefois, ces signes devraient se dissiper dans les 72 heures qui suivent18,19. C’est une réponse normale qui ne doit pas être considérée comme une infection. Les signes et symptômes d’infection comprennent une douleur, une production accrue d’exsudats, une chaleur et un érythème. La voie d’accès peut devenir élargie ou des signes de destruction tissulaire peuvent être observées3 et le patient peut présenter une pyrexie. Un écoulement séreux (taché de sang) ou purulent est indicateur de la présence de bactéries et du développement possible d’un abcès ou d’une infection du tunnel. Une ultrasonographie ou d’autres examens (par ex. microbiologie) peuvent être effectués pour le confirmer. Comment traiter une infection au site d’émergence cutanée ? Il est important que toute infection soit identifiée et diagnostiquée à un stade précoce afin qu’un traitement efficace puisse être instauré rapidement. Chaque domaine thérapeutique utilisera des recommandations spécifiques pour la détection et la prise en charge d’une infection, qui dépendront de la surveillance du patient, de la réalisation éventuelle de cultures microbiologiques et de l’utilisation d’un traitement approprié (par ex. d’une antibiothérapie générale), si indiqué. On peut envisager d’appliquer des pansements imprégnés d’agents antiseptiques comme l’argent, l’iode, le PHMB, la chlorhexidine et le miel pour leur fonction barrière quand une infection localisée est suspectée. Dans une étude de faible envergure randomisée et contrôlée utilisant des pansements imprégnés de PHMB, une réduction du taux de colonisation par des souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (SARM) a été rapportée autour de sites de trachéotomie20 ; en outre, une évaluation non comparative portant sur un petit nombre de patients a montré qu’un pansement à l’argent était efficace en termes de réduction des nombres de SARM autour de sites de GPE21. Divers pansements antimicrobiens spécifiquement conçus pour être utilisés autour des sites d’émergence cutanée sont maintenant disponibles, y compris des modèles fenêtrés, des modèles à fente qui s’adaptent autour du dispositif ou des modèles en forme de disque (comme les pansements hydrocellulaires KendallTM AMD) (Figure 1). Sinon, il est possible de découper des pansements antimicrobiens appropriés de façon à ce que leur forme concorde avec le site d’émergence cutanée. Biofilms et sites d’émergence cutanée Un biofilm se développe quand des micro-organismes flottant librement adhèrent à une surface, se répliquant rapidement et formant des colonies qui tolèrent les antibiotiques, antiseptiques et désinfectants22. La formation d’un biofilm sur des dispositifs percutanés est un risque spécifique, notamment sur des dispositifs tubulaires en latex ou silicone dont la surface intérieure ou extérieure peut être colonisée durant l’insertion11. Plus le dispositif demeure en place longtemps, plus ces organismes ont tendance à former des biofilms, qui sont maintenant considérés comme une cause contributive majeure au développement d’une infection bactérienne et d’une inflammation chronique. Toutefois, le lien entre une contamination par biofilm et la survenue d’une infection n’a pas encore été élucidé11. 3 Figure 1: Un disque hydrocellulaire antimicrobien Kendall™ AMD peut être appliqué autour d’un dispositif percutané pour protéger et prendre en charge le site d’émergence cutanée (photo reproduite avec la permission de G Totten, Service rénal, Antrim, Irlande du Nord). Le biofilm qui se forme sur un dispositif ne représente pas une infection clinique, mais il peut conduire au remplacement ou au retrait du dispositif. Prise en charge des biofilms aux sites d’émergence cutanée Plusieurs mesures générales de soins de la plaie peuvent permettre de perturber la formation d’un biofilm, y compris l’utilisation d’une technique aseptique pour prévenir la survenue d’une infection nosocomiale ou croisée au site. Figure 2: Tissu d’hypergranulation exophytique autour d’un site de GPE chez un bébé âgé de 12 mois (photo reproduite avec la permission d’A Kennedy). Hypergranulation en tant que complication au site d’émergence cutanée Il est relativement fréquent qu’un tissu de granulation excessif (hypergranulation) se développe autour d’un site d’émergence cutanée, mais on n’en connait pas entièrement la cause. Pour les plaies chroniques, les causes proposées comprennent une inflammation prolongée27,28, une friction externe ou un traumatisme mineur persistant29,30, ainsi que l’usage excessif ou inapproprié de pansements occlusifs31. des vêtements34. Dans cette situation, une pestilence de la plaie peut être rapportée si la charge bactérienne est également importante. Combinée aux saignements et à l’exsudation accrue, l’hypergranulation peut avoir un impact négatif sur la qualité de vie du patient26 et il est important d’identifier et de corriger la cause sous-jacente. Si elle n’est pas détectée ou traitée, l’hypergranulation risque d’imposer le remplacement ou le retrait du dispositif. Comment identifier une hypergranulation ? Certains dispositifs peuvent empêcher la formation d’un biofilm parce qu’ils sont imprégnés d’agents antimicrobiens ou parce qu’ils présentent à leur surface un matériel qui réduit l’adhérence des micro-organismes25,26. Le développement d’un tissu d’hypergranulation peut causer une augmentation de l’exsudation, ce qui peut conduire à une macération de la peau avoisinante et à un souillage L’hypergranulation n’est généralement pas douloureuse, ce qui explique que le patient ne remarquera pas nécessairement sa présence. Elle peut se présenter comme : Q Un tissu d’hypergranulation « sain » — une structure humide à l’aspect en chou-fleur et de couleur rouge rosâtre35 qui peut saigner mais qui est sinon asymptomatique34. Q Un tissu d’hypergranulation « pathologique » — une masse rouge foncé ou bleuâtre qui est surélevée par rapport à la plaie et qui peut être déshydratée, friable et facile à détacher27. Il est important que l’hypergranulation soit Figure 4: Site de GPE sain (photo reproduite avec la permission de L Warriner) Figure 5: Tissu d’hypergranulation autour d’un site de GPE (photo reproduite avec la permission de L Warriner) Figure 6: Excoriation autour d’un site de GPE (photo reproduite avec la permission de L Warriner) Il est recommandé de nettoyer le site avec une solution salée ou des agents antiseptiques en conjonction avec une technique de débridement appropriée pour perturber le biofilm23. Toutefois, l’éradication est difficile en raison de la tolérance des organismes du biofilm qui se forme sur les dispositifs24. En ce qui concerne les sites d’émergence cutanée, on pense que l’hypergranulation se produit en résultat d’une friction constante entre le dispositif et la peau causée par un mauvais ajustement ou une immobilisation insuffisante du dispositif32. Une humidité excessive due à une fuite de liquides et entraînant une détérioration de la peau peut également représenter un facteur contributif33 (Figures 2 à 6). Figure 3: Hypergranulation chez un garçon âgé de quatre ans chez qui un dispositif à profil bas a été posé. Noter les signes de saignement récent et l’excès de tissu de granulation causant un mauvais ajustement du bouton de gastrostomie (photo reproduite avec la permission d’A Kennedy). 4 détectée à un stade précoce pour qu’un traitement puisse être instauré avant que des complications additionnelles ne se développent autour du site d’émergence cutanée. La prise en charge en routine des sites d’émergence cutanée est souvent assurée par les patients et leurs soignants, et il est donc essentiel de leur fournir des informations appropriées et des aides visuelles pour leur permettre de reconnaître cette complication. Comment prendre en charge l’hypergranulation ? La prévention de l’hypergranulation nécessite des soins réguliers et systématiques au site d’émergence cutanée. Ceci fait intervenir un nettoyage de la peau avoisinante et du dispositif pour prévenir une infection et toute macération cutanée. Une inspection quotidienne du site d’émergence cutanée par le patient ou un soignant est recommandée, mais les vérifications peuvent être plus fréquentes si des complications sont détectées. En l’absence de données probantes de haute qualité sur les modalités optimales de prise en charge de l’hypergranulation, les options dépendront peut-être de la familiarité avec les produits offerts sur le marché, de leur disponibilité et des protocoles en place à l’échelle locale. Le clinicien devra prendre en considération l’efficacité de l’intervention, le confort du patient et les risques pour le dispositif et les tissus avoisinants. Objectifs du traitement L’objectif est d’appliquer une pression douce suffisante pour réduire le tissu d’hypergranulation et contrôler l’excès d’exsudats et la charge bactérienne qui lui sont associés33. Si l’hypergranulation est causée par une inflammation, on envisagera d’immobiliser le dispositif de façon à minimiser la friction autour du site d’émergence cutanée32. l’hypergranulation. Cette bande a l’avantage d’exercer une pression pour réduire l’hypergranulation, et elle peut être découpée de façon à ce que sa forme soit adaptée au site26,32. Pansements antimicrobiens Figure 7: Rash d’origine fongique et hypergranulation chez un nouveau-né après traitement par le nitrate d’argent en applications topiques par un médecin inexpérimenté et non formé (photo reproduite avec la permission d’A Kennedy). uniquement par un expert spécialement formé36. L’intervention est généralement pratiquée au bloc opératoire et elle peut être douloureuse pour le patient. On peut utiliser des pansements contenant un antimicrobien topique pour réduire la charge microbienne et la réponse inflammatoire qui en découle. L’utilisation du polyhexaméthylènebiguanide (PHMB) dans cette indication est relativement récente, mais ce composé possède une efficacité contre un éventail de bactéries et d’espèces fongiques38 et il n’est pas désactivé en la présence de substances organiques comme le sang ou le pus39. Pansements hydrocellulaires Le nitrate d’argent est employé depuis longtemps dans le traitement du tissu d’hypergranulation26. Il peut être utilisé en application topique sous la forme d’une solution contenant 95 % de nitrate d’argent et 5 % de potassium. L’efficacité d’un traitement qui utilise une ou deux applications par jour pendant quatre jours au maximum a été démontrée37. Il sera éventuellement nécessaire de protéger la peau avoisinante au moyen d’une simple crème ou pommade barrière pour prévenir les brûlures chimiques et pour prendre en charge les exsudats plus importants associés à cette technique35. Toutefois, et à moins qu’elle ne soit pratiquée par un médecin possédant des compétences et connaissances appropriées, cette méthode est maintenant déconseillée en raison du risque de traumatisme de la plaie et d’aggravation de l’inflammation27 (Figure 7). Stéroïdes topiques Élimination par des moyens physiques et chimiques Il est possible d’appliquer des stéroïdes topiques pour réduire la réponse inflammatoire26, mais la prudence s’impose si une infection fongique risque d’être présente. Si des stéroïdes topiques sont utilisés, il faudra respecter les instructions du fabricant du dispositif et éventuellement recouvrir la zone traitée avec un pansement hydrocellulaire ou non adhérent. Le tissu d’hypergranulation peut être excisé par débridement ou curettage chirurgical. Cette procédure effectuée en une fois requiert un haut niveau de compétence clinique, et elle doit être réalisée Haelan Tape® (Typharm) est une bande chirurgicale transparente imprégnée d’un stéroïde à faible dose qui est spécifiquement commercialisée pour le traitement de Les pansements hydrocellulaires sont de plus en plus utilisés pour produire une réduction atraumatique de l’hypergranulation. Le pansement appliqué sur la plaie exerce une pression localisée qui peut contribuer à réduire l’œdème et à niveler le tissu affecté27. Certains ont suggéré d’utiliser deux couches de mousse pour augmenter la pression32. Un audit indépendant effectué récemment chez 24 patients présentant une hypergranulation au site d’émergence cutanée d’un dispositif médical a évalué l’efficacité d’une approche thérapeutique standardisée faisant intervenir : Q Une routine quotidienne comportant un nettoyage du site d’émergence cutanée et une inspection du dispositif. Q Un changement quotidien du pansement hydrocellulaire imprégné de PHMB (pansement hydrocellulaire antimicrobien Kendall™ AMD découpé pour produire une fente s’adaptant autour du dispositif et recouvert d’un pansement en mousse de polyuréthane conventionnel). Q Évaluation après deux semaines puis toutes les deux semaines pendant six semaines. L’utilisation d’un pansement hydrocellulaire imprégné de PHMB et d’un pansement hydrocellulaire conventionnel pendant deux semaines a produit une résolution du tissu d’hypergranulation chez 33 % des patients. Une résolution complète de l’hypergranulation a été rapportée lors de l’évaluation effectuée à six semaines chez 16/24 patients (66,6 %) au total33. 5 Le rôle de l’éducation Pour être en mesure de prodiguer les meilleurs soins à leurs patients, il est important que les cliniciens se tiennent au courant des dernières technologies et procédures9. Un grand nombre de patients chez qui un dispositif est en place à long terme sont encouragés à assurer leur propre prise en charge à domicile. Les professionnels de la santé doivent offrir un support adéquat à ces patients afin qu’ils puissent prendre en charge leur dispositif d’une manière appropriée pour prévenir la survenue de complications. Il est important que les patients adhèrent aux modalités de prise en charge du dispositif et des tissus avoisinants au risque de compromettre le succès de l’intervention. Les patients qui assurent leur propre prise en charge doivent : Q Se montrer capables d’effectuer la prise en charge du site d’émergence cutanée avant leur renvoi de l’hôpital et recevoir des instructions écrites sur les soins de routine du dispositif et de la peau avoisinante afin de prévenir toute complication . Q Savoir comment reconnaître les signes et symptômes d’infection et d’hypergranulation. Toute recommandation fournie aux patients et à leurs soignants doit être simple, cohérente et accompagnée d’informations claires comportant des illustrations et diagrammes. Le cas échéant, les informations doivent être fournies dans la langue parlée par le patient. Références 1. Sittig E, Pringnitz JE. Tracheostomy: evolution of an airway. AARC Times 2001. 2. Royal College of Nursing. Guidance on pin site care. Report and recommendations from the 2010 Consensus Project on Pin Site Care. RCN, London 2011. 3. McClave SA, Neff RL. 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Membre du personnel infirmier clinique spécialisé, Service de pédiatrie, chirurgie et soins des plaies, Hôpital pour enfants de Sydney, NSW, Australie Résumé Les dispositifs percutanés créent une plaie (le site d’émergence cutanée) qui demeure ouverte aussi longtemps que le dispositif est in situ. Ces plaies sont difficiles et requièrent une prise en charge efficace pour prévenir des complications, comme une infection ou une hypergranulation. Il est important de maintenir le site d’émergence cutanée propre et sec et d’inspecter régulièrement le dispositif pour s’assurer qu’il est correctement positionné et immobilisé et ne présente aucune fissure ou craquelure. Un grand nombre des patients chez qui un dispositif est en place à long terme assureront leur propre prise en charge à domicile. Il faut non seulement qu’ils soient formés à la prise en charge du dispositif et de la peau avoisinante, mais aussi qu’ils apprennent à identifier toute complication à un stade précoce et sachent comment procéder dans cette éventualité. Comment citer ce document : Spruce P, Warriner L, Keast D, Kennedy A. Exit site wounds Made Easy. Wounds International 2012; 3(2): Disponible à : http://www.woundsinternational.com © Wounds International 2012 6