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toires. Bien que le Laboratoire d'hygiène de la ville
de Paris ait des préoccupations sanitaires dans le
domaine des nuisances atmosphériques, il participe
àERPURS en tant que métrologiste. Il en est de
même pour le Laboratoire central de la préfecture de
police qui, malgré l'existence des directions régio-
nales de l'industrie et de l'environnement, dispose
d'installations et d'un personnel capable de conseiller
le préfet sur des questions techniques et scienti-
fiques, et ses attributions lui donnent la possibilité de
dresser des procès-verbaux pour des installations
classées. Ces traditions d'intervention seront prises
en compte par la Direction régionale de l'industrie, de
la recherche et de l'environnement (DRIRE) d'ile-de-
France lors de la création d'AIRPARIF'. Les statuts
de cette association seront amendés par les labora-
toires qui imposeront la sauvegarde de leurs propres
réseaux de surveillance alors que la DRIRE aurait
préféré assumer seule cette responsabilité
".
Pour ce
qui concerne la pollution de l'air, les ingénieurs des
Mines sont incontournables, mais ils devront composer
avec une situation qui, àParis et dans sa région, se
distingue de la pratique nationale.
Outre la diversité des financeurs du projet, conseil
régional, ministère de l'Environnement, de la Santé...,
la réalisation de l'étude nécessite la collaboration de
spécialistes de différents domaines: environnement,
épidémiologie, recherche médicale, santé publique.
Ce réseau de partenaires est àl'origine d'une exper-
tise collective dont les ramifications institutionnelles
sont nombreuses. La mise en œuvre de l'interdisci-
plinarité modifie les perspectives et les méthodes de
travail de professions qui auparavant ne collaboraient
pas entre elles . Ainsi, les métrologistes intègrent
dans leur travail la dimension populationnelle, alors
que les épidémiologistes doivent prendre en compte
les contraintes liées aux capteurs de polluants et aux
mesures. Cette intégration de la dimension popula-
tionnelle et de la santé dans le choix des stations et
le positionnement des capteurs, pour nous limiter à
ces exemples,implique et exige une collaboration
étroite. La création de groupes se réunissant réguliè-
rement, la tenue périodique de réunions associant et
informant périodiquement de l'avancement des études,
sont des facteurs qui contribuentàformer une commu-
nauté d'experts et de scientifiques mobilisée autour
d'un projet. La mise en réseaux d'informations et de
spécialistes se réalise dans un cadre régional mais le
caractère novateur, du moins pour la France, de cette
étude réside également dans les ressources apportées
aux épidémiologistes français par la communauté
épidémiologique européenne et internationale. Les
outils méthodologiques utilisés dans l'étude ERPURS,
outre le fait qu'ils sont en partie issus des dévelop-
pements d'une communauté scientifique opérant à
l'échelle internati onal
e'?",
constitue nt pour les
chercheu rs français des ressources et une aide
appréciable àla poursuite d'une démarche inédite.
Celle-ci, portéedans un cadre interdisciplinaire, inscrite
au sein de nouvelles configurations administratives
et politiques, engendre un processus qui mérite
d'être analysé en s'intéressant aux différents univers
de sens et d'action qui créent l'enjeu politique et défi-
nissent un programme d'action publique.
Une
dynamique
d
'intrication
J. Kingdom
distingue
trois
courants
dans sa
conceptualisation de l'agenda et du processus de
formulation de la politique publique : le courant des
problèmes, et ceux relatifs àla politique publique et
au champ politique."?". Si chaque courant a ses
propres enjeux et une dynamique spécifique, l'exis-
tence de jonctions rend possible l'émergence d'une
fenêtre politique et la mise en œuvre d'une nouvelle
politique publique. Avec ERPURS, l'identification du
problème, les propositions d'actions publiques et les
événements politiques apparaissent étroite ment
associés et imbriqués.
L'évolution de la structuration des intérêts scienti-
fiquesdu champde la santé, l'opportunité d'un nouveau
développement de la santé publique et de l'épidémio-
logie, le rôle accru d'une institution régionale qui
bénéficie de particularités renvoyant aux domaines
sanitaires et politiques créent un champ de forces qui
engendre la politisation et l'ouverture d'un débat
autour de la politique publique àmener. La logique
de fonctionnement de l'appareil politico-administratif
régional facilite l'inscription du problème de la pollution
automobile sur l'agenda politique et apporte sa contri-
bution àla formulation d'une «nouvelle »politique
publique. La décentralisation et la régionalisation
constituent donc des réorganisations administratives
et politiques qui permettent de sortir la pollution auto-
mobile de la marginalitéet de l'isolementdans lesquels
on l'avait enfermée. Parmi les facteurs institutionnels
qui acquièrent au cours des années 1980 une dimen-
sion sociale et cognitive, la relative montée en
puissance des exigences de santé publique et la
redécouverte de l'épidémiologie participent de cette
dynamique désenclavant la pollution automobile.
Une fois posé, le problème de la pollution auto-
mobil e
suscite
des
proposit
ions
de pol itiqu es
publiques destinées àréduire les risques sanitaires
engendrés par ce mode de transport. La définition du
risque par le réseau d'experts et de scientifiques a
d'ailleurs créé des conflits et des oppositions qui
*Association interdépartementale pour la gestion du réseau automatique de surveillance de la pollution atmosphérique, et
d'alerte en région lIe-de-France, créé en 1979.
** Boutaric F. Émergence d'un enjeu politique àParis : la pollution atmosphérique due àla circulation automobile. Pôle Sud
1997 ; 6 : 26-46.
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L'ORS participe au projet APHEA (Air Pollution on Health: an European Approaeh) qui associe des chercheurs de 15 villes
européennes et un expert biostatisticien nord- américain.
**** Kingdom JW. Agendas alternatives and public poliey. Little Brown, Boston 1984.
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 177 - JANVIER-MARS 2003 51