41
4. Équilibre et transformations de phase
On appelle phase toute partie macroscopique physiquement homogène d'une substance
qui, étant séparée des autres parties du système par des frontières de séparation, peut être
extraite du système par un procédé mécanique.
Considérons, par exemple, un récipient fermé contenant une certaine masse d'eau
surmontée d'un mélange d'air et de vapeur d'eau. Ce système est diphasé. Il se compose
de deux phases: une phase liquide (eau) et une phase gazeuse (mélange d'air et de vapeur
d'eau). S'il n'y avait pas d'air, le système contiendrait tout de même deux phases.
Introduisons dans l'eau des morceaux de glace. Le système devient triphasé et comporte
maintenant trois phases: une phase solide (glace), une phase liquide (eau) et une phase
gazeuse (air plus vapeur d'eau). Ajoutons de l'alcool à l'eau. Le nombre de phases ne
varie pas; l'alcool étant miscible dans l'eau, on obtient un mélange physiquement
homogène. Mais si on ajoute à l'eau du mercure, le mercure ne se mélange pas à l'eau et
le système comporte deux phases liquides: mercure et eau. Lorsqu'on évalue le nombre de
phases, il n'importe nullement qu'une phase donnée se présente d'un seul bloc ou sous la
forme de plusieurs parties distinctes. Ainsi, les gouttelettes de brouillard en suspension
dans l'air forment avec ce dernier un système à deux phases: une phase liquide (eau) et
une phase gazeuse (l'air humide). Un système peut comporter plusieurs phases solides et
liquides, mais il ne peut comporter qu'une seule phase gazeuse, puisque tous les gaz sont
miscibles.
La principale question de la théorie des phases est la mise en évidence des conditions
dans lesquelles un système comportant deux ou plusieurs phases est à l'état d'équilibre.
Cet état d'équilibre inclut l'équilibre mécanique et l'équilibre thermique. L'équilibre
thermique implique que toutes les phases du système se trouvent à la même température.
La condition nécessaire à l'équilibre mécanique est l'égalité de pressions d'une part et
d'autre des frontières de séparation des phases adjacentes. Cette dernière condition n'est
d'ailleurs vraie que si les surfaces de séparation sont planes. Si les frontières sont
incurvées, cette condition est mise en défaut par l'action des forces de tension
superficielle. Ainsi, dans les conditions d'équilibre, il existe sur la surface de séparation
d'un liquide (goutte sphérique) et de sa vapeur une différence de pression 21
2
p
pK
σ
−= ,
1KR= est la courbure de la surface de séparation. Nous commencerons par négliger
la courbure de séparation des phases, ce qui revient à admettre qu'elles sont planes ou de
faible courbure.
L'égalité de la température et de la pression ne signifie pas encore que le système se
trouve à l'équilibre, car les deux phases adjacentes peuvent se transformer de l'une à
l'autre. Ces transformations sont appelées transformations de phase. Lors des
transformations de phase, certaines phases croissent, les autres diminuent et peuvent
même disparaître complètement. Le système se trouve en état d'équilibre quand toutes les
masses de toutes les phases restent constantes. Par conséquent, il existe encore une autre
condition d'équilibre: l'absence de transformations mutuelles des phases en présence.
C'est une condition essentielle de la théorie de l'équilibre des phases et des
transformations de phase.
42
En qualité d'exemple de changement de phase, on peut citer le changement de l'état
d'agrégation de la substance. On désigne par état d'agrégation les états solide, liquide et
gazeux des substances. Les états solide et liquide sont dits états condensés. La
vaporisation signifie le passage de l'état liquide à l'état gazeux. La transformation inverse
est la condensation. Le passage direct de l'état solide à gazeux s'appelle sublimation. Le
passage de l'état solide à l'état liquide est la fusion, et la transformation inverse la
solidification. Un exemple bien connu de sublimation est le passage de la glace à vapeur
d'eau (par temps froid et sec le linge humide devient sec). L'état solide des substances
peut se réaliser sous forme de différentes formes cristallines. C'est le phénomène de
polymorphisme. La glace en est un exemple.
4.1 Vaporisation et condensation
Considérons un exemple de changement de phase: la vaporisation et la condensation.
Cette exemple permet de bien mettre en évidence la signification de l'équilibre entre
phases. Soit un ballon fermé contenant de l'eau, au dessus de laquelle se trouve sa vapeur.
Le volume du ballon est constant et on maintient la température constante. Les molécules
d'eau sont continuellement en mouvement et traversent tout le temps la surface de
séparation entre le liquide et la vapeur. Ces deux phases échangent constamment ses
molécules. Si le nombre de molécules passant du liquide à la phase vapeur est plus grand
que celui qui passe en sens inverse, la quantité de liquide diminuera, ce qui correspond à
la transformation de vaporisation. On dit que la vapeur se trouvant au-dessus du liquide
n'est pas saturée. Si, au contraire, un nombre plus de grand de molécules passent du gaz
au liquide qu'en sens contraire, la vapeur se condense à l'état liquide. Dans ce dernier cas,
on dit que la vapeur est sursaturée. Si, enfin, le nombre de molécules allant dans un sens
est égal au nombre de molécules allant en sens contraire, on se trouve en présence d'un
état d'équilibre ou statistique, caractérisé par ce qu'en moyenne les quantités de substance
se trouvant dans chacune des phases restent constantes. C'est l'état d'équilibre de phase.
Les quantités de substances de chaque phase restent en moyenne constantes.
4.2 Conditions d'équilibre entre les phases d'une substance chimiquement
homogène.
On peut déduire la condition d'équilibre phases avec les postulats de la thermodynamique.
La phase dans laquelle un corps se trouve dépend de la température et de la pression. Par
exemple, un gaz peut être liquéfié en augmentant la pression à température constante.
Aussi, un solide peut fondre en le chauffant à pression constante. Nous avons déjà référé
que, à l'équilibre, les pressions et les températures de toutes les phases sont les mêmes. Si
les paramètres sont maintenus constants, l'énergie libre de Gibbs ne peut que décroître. La
thermodynamique permet ainsi de prédire la phase stable d'un système à température et
pression constante: c'est la phase de plus faible énergie de Gibbs, G. Cette proposition
nous servira de base pour établir les conditions d'équilibre entre les phases du système.
Soit un système constitué par deux phases, 1 et 2, pouvant se transformer l'une dans
l'autre. Soit m1 la masse de la première phase et m2 celle de la seconde. Notons g1 et g2
les énergies spécifiques de Gibbs respectives. Le potentiel de Gibbs de tout le système
sera:
43
11 2 2
Gmg mg
=
+
Si nous posons que la température et la pression sont maintenus constantes, les quantités
g1 et g2 ne varieront pas lors des transformations de phase puisqu'elles ne dépendent que
de la pression et de la température. Il est évident que la masse totale m = m1 + m2 doit
rester constante mais les masses m1 et m2 peuvent varier. Ces variations de la proportion
des masses de chaque phase ne peuvent varier que dans le sens qui assure une valeur
minimale pour G, compatible avec les conditions données. Dans le cas où 12
gg<, toute
la transformation de la phase 2 à la phase 1 donne lieu à une diminution de G. C'est donc
cette transformation qui se produira jusqu'à ce que la totalité de la phase de 2 se
transforme en phase 1, qui est la phase stable. Le système ne comportera alors qu'une
seule phase et son potentiel thermodynamique prendra la valeur mg1 . Les phases ne
seront en équilibre que si
(
)
(
)
12
,,gpT gpT=
La condition d'équilibre des phases correspond à l'égalité de leurs énergies libres de
Gibbs spécifiques.
L'énergie interne U et l'entropie S du système ne sont connues qu'à une constante près.
Par la suite, le potentiel de Gibbs G = U - TS + PV et sa valeur spécifique
()
1,gpT ne
sont connues qu'à une fonction linéaire de la température près. L'ambiguïté qui en résulte
doit être exclue de l'égalité ci-haut. Pour ce faire, il suffit d'adopter la convention
suivante: les potentiels g1 et g2 seront définis par l'intégration de l'expression
dg sdT dp
α
=− + , rapportée à un même état initial. La condition d'équilibre
() ()
12
,,gpT gpT= exprime que la valeur du potentiel thermodynamique spécifique doit
rester constante quelles que soient les transformations de phase se produisant dans le
système. Ainsi, lors des changements de phase d'une substance, l'énergie de Gibbs varie
toujours de façon continue. De ce point de vue, le potentiel thermodynamique massique
diffère des autres grandeurs physiques: volume spécifique, entropie et coefficient de
chaleur spécifique, etc., qui, lors de transformations de phase, varient par saut.
44
Figure 4. 1 : isotherme d'une substance vérifiant l'équation de Van der Waals à une
température inférieure à la température critique.
Appliquons la condition
()
(
)
12
,,gpT gpT= aux transformations du liquide en vapeur et
de la vapeur en liquide de l'eau. Considérons une isotherme d'une substance vérifiant
l'équation de Van der Waals à une température inférieure à la température critique,
comme montre le la figure 2.1. Les branches EG et LD en traits gras représentent les états
stables de la substance: l'état gazeux et l'état liquide. Le segment GA de l'isotherme
correspond à la vapeur sursaturée et le segment LB au liquide surchauffé. Ces segments
sont représentés par des trais fins continus. La branche ACB, en tireté, correspond à des
états absolument instables de la substance. Le segment horizontal LCG en trait gras
représente l'isotherme d'une substance à l'état biphasé. Lorsque le point représentatif de
l'état du système se déplace le long de l'isotherme, la température est constante (dT = 0),
et la variation de g peut s'écrire:
dg dp
gdp
α
α
=
=
Étudions la variation de la fonction g le long de l'isotherme théorique EACBD. Sur la
branche EA, la différentielle dp est positive et, par conséquent, le potentiel g croît. Sur la
branche ACB, dp change de signe et g commence à décroître. Lors de la variation le long
de la courbe d'état BD, le potentiel de Gibbs reprend sa croissance monotone. Le
potentiel g reprendra les mêmes valeurs qu'il avait eues le long de la branche AE. Il en
résulte qu'il existe une isobare GL telle qu'en ses points L et G, les potentiels gg et gl ont
la même valeur. Par conséquent
45
0
GACBL
gdp
α
=
ou
GAC LBC
dp dp
α
α
=
∫∫
Cela signifie que les aires GACG et CBLC sont identiques. Menons les isobares MN et
QR se trouvant l'une à gauche l'autre à droite de l'isobare GL. On a alors
,
GG
MM
PP
MG v NL l
PP
g g dp g g dp
αα
=− =
∫∫
Comme GL
gg=, vl
α
α
> et comme les limites d'intégration sont les mêmes, on a
M
N
gg<. On démontre de même que RG
gg
<
. Ainsi, l'énergie libre de Gibbs spécifique
est plus petite selon la branche EG de l'isotherme que l'énergie de Gibbs spécifique
correspondant au liquide le long de la branche BL. Par conséquent, la substance peut
exister à température et à pression données dans les deux états M et N, mais c'est l'état
gazeux M qui est l'état le plus stable. C'est donc l'état gazeux qui se réalisera dans la
pratique. Sur la branche LD, c'est l'état liquide qui a l'énergie de Gibbs spécifique la plus
petite. Des deux états R et Q caractérisés par les mêmes pression et température, c'est
l'état liquide R qui est le plus stable. Lorsque un liquide et un gaz se trouvant dans ces
états sont en contact l'un avec l'autre, le gaz se condense tout entier en liquide. Aux points
G et L, les potentiels de Gibbs de la substance sont égaux; les deux états sont par
conséquent stables. Le gaz à l'état G et le liquide à l'état L sont en équilibre de phase. Le
gaz est alors constitué par la vapeur du liquide.
Problème 1 : Un vase clos à parois épaisses renferme un morceau de glace au-dessus
duquel se trouve de la vapeur saturée. On peut introduire dans le vase de l'air sous haute
pression. De quelle valeur doit être augmenté la pression de l'air contenu dans le vase
pour que la pression de la vapeur saturée augmente de 1%, la température étant
maintenue constante ( T = 250 K)?
Volume spécifique de la glace, 3-1
1,1 cm g
gl
α
=.
Solution: Un accroissement de la pression extérieure de
p
entraîne un accroissement de
l'énergie libre de Gibbs spécifique de la glace gl gl
gp
α
=∆ (en négligeant la
compressibilité de la glace). Pour que l'équilibre ne soit pas rompu, il faut que le potentiel
de Gibbs spécifique de la vapeur augmente d'autant. Pour la vapeur
v
vvv
v
p
RT
gp
M
p
α
∆=∆=
En égalant les deux expressions, on trouve:
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !