ATELIER PARISIEN D’URBANISME — 17, BD MORLAND - 75004 PARIS - TÉL : 01 42 71 28 14 - FAX : 01 42 76 24 05 - http://www.apur.org CRÉATION D’EMPLOIS ET CRÉATION DE RICHESSES, les déchirures des temps modernes Avec la mondialisation, création d’emplois et création de richesses ne sont plus systématiquement liées À l’image des économies des pays industrialisés, l’économie de l’agglomération parisienne est confrontée à une perte d’emplois chronique et à un taux de chômage très élevé, tandis que la richesse créée (notamment le PIB par emploi) continue de croître et que les valeurs immobilières atteignent des sommets. Un des principaux défis que les collectivités du cœur de l’agglomération parisienne auront à relever dans les années à venir sera donc de rendre compatibles la production croissante de valeur ajoutée et la création d’emplois. Le cœur d’agglomération enregistre des pertes d’emplois En 2003, l’emploi total parisien était estimé à 1 655 000 1, ce qui représente 31,0 % de l’emploi régional alors qu’il représentait près de 34 % en 1990. Paris a perdu 81300 emplois de 1990 à 2003, soit une perte de 4,7 % tandis que l’Île-de-France en gagnait plus de 230 000, soit un gain de 4,5 %. Comme le montre nettement le graphique ci-contre, la capitale et le cœur de l’agglomération, de façon structurelle, semblent accuser plus fortement que le reste de la région les phases de récession économique et bénéficient moins fortement que le reste de la région des phases de croissance. C’est une composante structurelle de toutes les régions métropolitaines mondiales, apparue dans les années 1980 2. Évolution de l’emploi 1990-2003 115 110 105 100 95 90 85 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Paris Île-de-France France 1 – Estimations annuelles d’emplois, INSEE, dernières données disponibles. 2 – Source : Pour une métropolisation raisonnée, sous la direction de Pierre Beckouche, La documentation Française, 1999, 140 p. n0 1 8 A V R I L 2005 CRÉATION D’EMPLOIS ET CRÉATION DE RICHESSES Mairie de Paris – DGIC 80 « Paris pour l’emploi », organisé par la Ville de Paris : il faut tout mettre en œuvre pour favoriser la rencontre de l’offre et de la demande d’emplois Évolution du taux de chômage et évolution du nombre d’emplois par commune entre les recensements de 1990 et 1999 Franconville Montmorency Arnouville les-Gonesse Sarcelles Cormeilles en-Parisis Montmagny Enghien Saint-Gratien les-Bains Garges les-Gonesse Bonneuil en-France Pierrefitte sur-Seine Villepinte Villetaneuse Stains Epinay-sur-Seine Maisons-Laffitte Aulnay sous-Bois Dugny Argenteuil le-Blanc Mesnil Sartrouville Villeneuve la Garenne Sevran Le Bourget l'Œle Saint-Denis Gennevilliers Va la Courneuve Bezons Houilles Drancy Montesson Colombes Livry-Gargan Saint-Denis Bois Colombes les-Pavillons sous-Bois Aubervilliers AsniËres la-Garenne Colombes Nombre d'emplois total recensés Saint-Ouen Bondy 250 000 Levallois Perret Neuilly-sur-Seine Puteaux 19e 17e Croissy sur-Seine Noisy le-Sec Pré Saint Gervais 18e Romainville Villemomble Rosny sous-Bois 10e Suresnes 8e Rueil-Malmaison Bougival Bagnolet 2e 3e 1er 100 000 50 000 4e 7e Vincennes Bry-sur-Marne 15e Boulogne Billancourt Marnes la-Coquette esnay Villiers sur-Marne 14e Ville-d'Avray Kremlin BicÍtre Meudon Maisons Alfort l Saint-Maur des-Fossés Cachan Vitry sur-Seine Bourg la-Reine Sceaux Chennevières sur-Marne Villejuif Fontenay aux-Roses le-Plessis Robinson Champigny sur-Marne Alfortville Bagneux Clamart Jouy-en-Josas Ivry-sur-Seine Arcueil Ch‚tillon Viroflay Vélizy-Villacoublay Joinville Gentilly Montrouge Chaville Versailles Charenton Saint-Maurice Malakoff Source : recensement de la population 1999 –INSEE 13e Vanves Issy-les-M. Sèvres Noisy-le-Grand Nogent sur-Marne 12e Cœur d'agglomération le-Perreux sur-Marne 5e Saint-Cloud 19 1990 99 Fontenay sous-Bois Saint-Mandé 6e Garches Vaucresson Gou sur-M Neuilly sur-Marne 11e 16e a-Celle nt-Cloud Neuilly Plaisance Montreuil 20e année Gagny Les Lilas 9e 150 000 Montferm le-Raincy Pantin Nanterre Co Clichy sous-Bois Bobigny Clichy Courbevoie Chatou sinet 0 Tremblay en-France Gonesse Sannois Carrières-sur-Seine 200 000 Groslay Eaubonne Deuil-la-Barre la-Frette sur-Seine Hausse Plus de 5 points de 2 à 5 points Stabilité de – 2 à + 2 points Soissy-sous Montmorency Ermont Chatenay-Malabry Bonneuil sur-Marne Noiseau Sucy-en-Brie Chevilly Larue les-Loges en-Josas Ormesson sur-Marne Créteil l'Haÿ-les-Roses Choisy-le-Roi Thiais Fresnes Valenton Bièvres 2,5 5 km Antony Verrières le-Buisson Rungis Orly Villeneuve Saint-Georges Limeil Brévannes Boissy Saint-Léger Marolles en-Brie Il n’y a pas de liaison directe entre l’évolution de l’emploi et du chômage Évolution du nombre d’emplois à Paris 1760000 1740000 1720000 1736 860 1709 615 1700000 1 690 686 1680000 1660000 1640000 1 666 602 1666 994 1617 329 1626 865 1620000 1612 865 1600000 1580000 1 655 552 1645 625 1643 227 1 687 941 1 689 292 1 600 717 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 L’emploi salarié à Paris public et privé de 1990 à 2000 1 800 1 600 1 400 578 1 200 525 366 1 036 1 174 366 1 000 800 600 1 184 400 1 310 200 0 1990 1994 emploi privé 1997 2000 emploi public e e Source : IAURIF, Apur, Dreif, 4 , 5 enquêtes régionales sur l’emploi ; – INSEE, 6e et 7e ERE CRÉATION D’EMPLOIS ET CRÉATION DE RICHESSES On observe 3 phases d’évolution sur la période (graphique ci-contre) : • de 1990 à 1998 : baisse de l’emploi liée à la crise économique générale, notamment immobilière à Paris ; • de 1998 à 2000 : augmentation de l’emploi liée d’une part au dynamisme des nouvelles technologies (e-business, téléphonie mobile) et d’autre part à des événements très éphémères (crainte du « bug » de l’an 2000, passage à l’euro) ; • depuis 2000 : de nouveau, dégradation du contexte économique avec impact négatif sur l’évolution de l’emploi (chute des valeurs boursières, en particulier du NASDAQ, attentats du 11 septembre…). Par ailleurs, l’emploi public qui constitue une forte part de l’emploi parisien (366 500 emplois en 2000) ne cesse de diminuer: il ne rassemble plus que 22 % de l’emploi parisien en 2000 contre 33 % en 1990 (graphique ci-contre). Plus globalement, tout au long de ces 15 dernières années, on a assisté à une grande mutation de l’économie : nombreuses fusions-acquisitions (souvent suivies de suppressions d’emplois), externalisations massives des tâches ne constituant pas le « cœur de métier » des entreprises et une désindustrialisation continue depuis 25 ans (graphique ci-contre). Et pourtant le PIB régional par emploi est en constante augmentation Le cœur d’agglomération, moteur de l’économie régionale, perd donc des emplois et pourtant l’économie francilienne produit toujours plus de richesses. On observe en effet en Île-de-France, depuis 1990, une dichotomie entre l’évolution de la richesse créée et la création nette d’emplois salariés. En effet, comme l’illustre le graphique suivant, en indice, le PIB par emploi n’a cessé d’augmenter durant la période 1990-2002, tandis que le niveau d’emploi a plutôt stagné. Évolution comparée du PIB et de l’emploi en Île-de-France (1990-2002) Indice 100=1990 150 140 130 120 110 100 90 80 70 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 PIB par emploi Nombre d'emplois Source : INSEE, Comptes régionaux et estimation annuelles d'emplois Le tissu économique de la région capitale se caractérise par une spécialisation dans des activités très dynamiques, à forte valeur ajoutée productive. Ainsi, c’est dans les secteurs les plus productifs en richesses (services aux entreprises par exemple) que l’Île-de-France se spécialise, créant la plus forte valeur ajoutée (+ 5,3 % contre + 4, 4 % pour la province). Toutefois contrairement aux régions de province, les valeurs ajoutées parisiennes ne s’accompagnent pas du même niveau en volume de création d’emplois. Avec moins d’emploi total et notamment moins d’emplois peu qualifiés, mais en proportion plus d’emplois qualifiés, l’Île-de-France produit donc plus de richesses 3. Ainsi, la croissance économique du cœur d’agglomération reste forte, de plus en plus productive, cependant elle devient de plus en plus pauvre en création d’emplois, exceptée en emplois très qualifiés. « On se dirige donc vers un marché du travail de plus en plus sélectif avec, d’un côté, l’internationalisation, la spécialisation dans le commandement du système productif, l’expertise et l’intermédiation aux marchés, à forte composante d’emplois de cadre ; de l’autre, le déclin des autres métiers sous l’effet des gains de productivité, et du développement du reste de l’hexagone qui fournit un nombre croissant d’emplois aux jeunes qu’il forme 4 ». Ainsi, le constat d’un tel découplage entre la production de richesses et la création d’emplois en Île-de-France permet d’avancer que l’économie francilienne connaît une surproductivité du travail salarié par rapport aux régions de province. Cette surproductivité est d’environ un tiers dans le sec- Part de l’aire urbaine parisienne dans les Emplois Métropolitains Supérieurs nationaux Branches d’activités Information Part en 1999 62,75% Part en 1990 Variation relative 1990/1999 65,76% 3 – Plus de richesse, mais pour un plus petit nombre de personnes ; en effet comme le nombre d’emplois diminue, le revenu par emploi, augmente. 4 – Source : Pour une métropolisation raisonnée, sous la direction de Pierre Beckouche, La documentation Française, 1999, 140 p. Surproductivité francilienne en 2001 Valeur ajoutée – 5% Industries agricoles et alimentaires Surpro- Part de l’IDF Part de l'IDF dans dans ductivité* la FM la province 38,3% 11,6% 13,1% Services aux entreprises 53,43% 53,05% +1% Industries des biens de consommation 38,2% 35,5% 54,9% Banque-assurance 52,83% 51,00% +3% Industries automobile 35,0% 24,0% 31,6% Informatique 51,10% 53,44% – 4% Industries des biens d ‘équipement 30,2% 24,4% 32,3% Art 42,77% 45,70% – 6% Industries des biens intermédiaires 31,9% 11,3% 12,7% Transport 42,46% 45,11% – 6% Construction 7,8% 19,3% 23,9% Commerce de gros 39,86% 38,83% +3% Commerce 18,1% 25,9% 34,9% Télécommunications 38,79% 35,28% +10% Transports 26,5% 36,3% 56,9% Commerce industriel 38,27% 44,58% – 14% Services aux entreprises 30,0% 45,0% 81,8% Recherche 35,70% 41,69% – 15% Services aux particuliers 38,6% 38,7% 63,1% Gestion industrielle 30,32% 35,31% – 14% Tertiaire non marchand 8,8% 22,1% 28,3% Ensemble 44,96% 46,28% – 3% Total 23,2% 28,2% 39,3% Sources : INSEE, estimations d’emplois salariés et comptes régionaux * écart entre la productivité de l’Île de France et la moyenne des productivités des régions de province IDF : Île-de-France – FM : France Métropolitaine CRÉATION D’EMPLOIS ET CRÉATION DE RICHESSES Mairie de Paris – DU Le quartier d’affaires de la Défense. Un des principaux défis que les collectivités du cœur de l’agglomération parisienne auront à relever dans les années à venir sera de rendre compatibles la production croissante de valeur ajoutée et la création d’emplois. teur d’industrie, de 25 % dans le secteur tertiaire marchand, et de 30 % dans les services aux entreprises (la valeur ajoutée francilienne dans les services aux entreprises équivaut à 82 % de celle du reste de la France). Quand on garde par ailleurs à l’esprit que Paris concentre près du tiers des emplois de la région et que sa spécialisation dans les emplois les plus hautement qualifiés s’est encore accrue au cours des années 1990, on peut en déduire que la valeur ajoutée par emploi est encore plus élevée dans la capitale et le cœur d’agglomération. Cette évolution est flagrante quand on observe qu’entre 1994 et 1999, Paris perd 2 % de ses emplois salariés privés mais augmente sa masse salariale privée de 5 % 5. On comprend donc que la métropolisation, globalement créatrice de richesses croissantes, a cependant des coûts sociaux et urbains, notamment en termes de taux de chômage, qu’il convient d’évaluer. 5 – Source : « L’économie et l’emploi à Paris – tome III : Vers un nouveau visage de l’économie parisienne », Laurent Davezies, APUR, mai 2003, 98 p. Le challenge : juguler le chômage L’évolution du taux de chômage depuis 1990 montre que le taux parisien s’est toujours situé sensiblement au-dessus du taux de chômage francilien, et du taux de chômage national cette situation tend à augmenter. En octobre 2004, le taux de chômage était de 11,2 % à Paris, de 9,8 % en Île-de-France et de 9,9 % en France. Le chômage est très inégalement réparti territorialement et fait écho à la localisation ségréguée des catégories socioprofessionnelles. La concentration du chômage se situe dans un radiant nord-est de la petite couronne (incluant les arrondissements nord et est de Paris), territoires où les niveaux de formation sont les plus faibles et participent au décrochage de populations tenues à l’écart du développement économique. Il apparaît donc que le cœur d’agglomération semble perdre des emplois de façon inéluctable, tout en conservant son rôle de pôle de commandement et en produisant toujours plus de richesses. La formation scolaire et professionnelle apparaît comme la condition sine qua non pour intégrer la plus grande part possible de population au système économique qui s’impose aujourd’hui. ■ L’APUR est une association entre la Ville de Paris, l’État, la Région Île-de-France, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et la Caisse d’Allocations Familiales de Paris, la Régie Autonome des Transports Parisiens, régie par la loi de 1901. Président du conseil d’administration : Jean-Pierre Caffet, adjoint au Maire de Paris chargé de l’urbanisme et de l’architecture. Directeur de la publication : Jean-Baptiste Vaquin. Étude, rédaction et conception : Jean-Baptiste Vaquin, Michèle-Angélique Nicol, Barbara Chabbal et Sophie Renouvel, avec le concours d’Émmanuelle Quiniou et Aurélien Rousseau. Contact et vente : APUR/Communication/Service diffusion. 17, boulevard Morland 75004 Paris. Téléphone : 01 42 71 28 14. Prix : 2 € CRÉATION D’EMPLOIS ET CRÉATION DE RICHESSES