Selon Campbell1, le terme de «qualité de vie» est entré
dans le vocabulaire américain entre la Seconde Guerre
mondiale et le «Great Society Program » de Lyndon
Johnson. Ce terme a été utilisé pour souligner que la
seule affluence matérielle ne suffit pas pour «bien vivre».
Depuis, la qualité de vie est devenue un paramètre
important dans le domaine des soins de santé et des poli-
tiques sociales. Les difficultés inhérentes à sa définition
et à sa mesure compliquent toutefois l’appréhension de
ce concept.
George et Bearon2, soutiennent qu’il est difficile de défi-
nir la qualité de vie parce que les gens n’accordent pas la
même valeur aux choses. De nombreux déterminants ou
indicateurs ont certes été proposés comme critères nor-
matifs de la qualité de vie, mais nous ne disposons tou-
jours pas d’une définition consensuelle de ce concept
pour orienter les recherches, ce qui entraîne des inco-
hérences dans l’interprétation de ce qui en fait constitue
la qualité de vie. Dalkey et Rourke, par exemple, propo-
sent une définition exhaustive de la qualité de vie comme
étant «le sentiment de bien-être d’une personne, sa satisfac-
tion ou son insatisfaction face à la vie, au bonheur ou au mal-
heur» 3 (p.11-210). Campbell et coll. quant à eux allèguent que
le bonheur et la satisfaction sont des concepts différents,
et précisent que «la satisfaction fait intervenir le jugement
ou la cognition, alors que le bonheur est davantage du ressort
du sentiment ou de l’affect» 4 (p.8).
Dans la mesure où la qualité de vie est devenue un thème
essentiel pour la planification, la mise en œuvre et l’éva-
luation des soins de santé et des politiques sociales,
l’étude décrite dans le présent article a comme objectif
d’évaluer la validité et la fiabilité d’un instrument conçu
pour apporter une solution à certains des problèmes sou-
levés par la mesure de ce phénomène.
PROBLÈMES DE MESURE
Pour mesurer la qualité de vie, les chercheurs ont utilisé
soit un instrument unique qui aborde plusieurs dimen-
sions, soit plusieurs instruments qui, pris ensemble, mesu-
rent la qualité de vie sans en donner une évaluation glo-
bale. Les chercheurs ne sont toutefois pas parvenus à se
mettre d’accord sur le nombre potentiellement infini d’as-
pects de la vie qu’il conviendrait d’inclure dans la mesure
de la qualité de vie. Les dimensions suivantes ont néan-
moins été incluses dans au moins deux des études passées
en revue : l’opinion des sujets sur leur propre qualité de
vie ou leur satisfaction de vie, le statut socio-économique,
la santé physique, l’affect, le stress perçu, l’amitié, le
mariage, les objectifs dans la vie, le logement et le quar-
tier, la ville et le pays, l’estime de soi, la dépression,
les mécanismes de défense psychologiques, les aptitudes
permettant de faire face à l’adversité. Au vu de l’impor-
tance que revêt la satisfaction de vie, son inclusion dans
les échelles de mesure fait l’objet d’un consensus gran-
dissant. Campbell et coll. 4signalent que dans une étude
nationale, les sujets interrogés ont répondu en termes
de satisfaction de vie quand des questions spécifiques leur
étaient posées sur leur qualité de vie. Cette constatation
confirme que les tentatives de conceptualisation de la
qualité de vie passent généralement par la satisfaction de
vie dans l’esprit du plus grand nombre. De plus, la satis-
faction de vie est une notion utilisée abondamment dans
les recherches sur la qualité de vie. Laborde et Powers 5
lui ont donné le nom de baromètre de qualité de vie. Des
centaines d’études ont analysé la satisfaction de vie chez
les personnes âgées, et les grandes théories du «vieillis-
sement réussi» l’utilisent comme critère de résultat 2.
Psychological Abstracts donne une liste de plus de 400
études menées depuis 1965 qui évaluent des aspects de
satisfaction de vie pour tous les groupes d’âge 6. Si on
devait choisir une seule dimension, c’est donc bien la satis-
faction de vie qui semble être l’indicateur le plus impor-
tant de la qualité de vie.
L’autre dilemme de la mesure de la qualité de vie tient
à la nécessité de faire un choix entre des mesures objec-
tives et subjectives. Les mesures subjectives dépendent
de la description par le patient de sa propre expérience
de vie, ce qui n’est pas le cas des indicateurs objectifs 7.
Une approche typique utilisant des indicateurs subjectifs
consistera, par exemple, à demander aux sujets d’indi-
quer leur degré de satisfaction par rapport à différents
aspects de leur vie, comme par exemple leur famille ou
leur couple.
Parmi les indicateurs objectifs figurent le revenu, l’éduca-
tion et le type de profession. George et Bearon 2esti-
ment qu’il convient d’utiliser les deux types d’indicateurs
pour évaluer la qualité de vie et qu’il faut aussi bien mesu-
rer les ressources et le statut que l’expérience subjec-
tive. Campbell 1quant à lui explique que les indicateurs
subjectifs évaluent directement l’expérience de vie, alors
que les indicateurs objectifs se contentent de mesurer
les éléments qui influencent cette expérience.
Il en veut pour preuve que le nombre de personnes se
décrivant comme «très heureuses» a régulièrement
décliné entre 1957 et 1972, malgré l’amélioration de la
plupart des indicateurs socio-économiques objectifs pen-
dant cette période. Cette tendance est encore plus accen-
tuée parmi les classes sociales favorisées. Il en tire donc
la conclusion que les indicateurs objectifs sont de simples
mesures de substitution de la qualité de vie.
Bien que la qualité de vie globale ait été mesurée en éva-
luant la satisfaction, les différences dans l’importance
accordée aux dimensions spécifiques contribuant à la qua-
lité de vie ont pour leur part été négligées.
L’INDICE DE QUALITÉ DE VIE : DÉVELOPPEMENT
ET PROPRIÉTÉS PSYCHOMÉTRIQUES
MÉTHODOLOGIE
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 88 - MARS 2007 33