Les nouveaux pays industrialisés, qui semblaient les grands gagnants de la mondialisation
économique grâce à leur faible coût de production, ont bénéficié d'investissements très
importants en provenance des pays riches. La crise asiatique a cependant montré l'étendue de
leur dépendance à l'égard de marchés financiers prompts à l'emballement spéculatif comme à
la panique.
Les pays les plus pauvres restent largement en dehors du processus de mondialisation
économique car celui-ci requiert des institutions stables, un respect du droit de la propriété
privée, une absence de corruption ainsi qu'un certain développement humain (santé et
éducation) que ne présentent pas la plupart de ces pays. Leur ressource économique
principale, l'agriculture, reste dominée par les stratégies protectionnistes des pays riches, sauf
pour les cultures propres aux pays pauvres.
L'Afrique est peu intégrée à l'économie mondiale et son intégration ne se fait pas suivant ses
conditions.
Dans le marché du commerce mondial unifié, la contribution africaine n'est que de 2 %. Cette
situation ne provient pas d'une politique africaine de repli sur soi : depuis les années 80,
l'Afrique a largement ouvert ses marchés, suivant les conseils du FMI et appliquant les plans
d'ajustement structurel (PAS). Or, cette ouverture des marchés africains a paradoxalement eu
pour effet de diminuer sa contribution au commerce mondial, qui s'élevait à 4 % en 1980 (soit
le double d'aujourd'hui).
La marginalisation de l'Afrique, qui est manifeste lorsqu'on considère la diminution constante
de sa part du marché mondial, de l'investissement (le couple R&D constitue en cette fin de
siècle un enjeu majeur, l'Afrique représente moins de 1% des dépenses mondiales en la
matière) et de la technologie de l'information (l'Afrique n'abrite que 0,8 % des personnes
ayant accès à Internet dans le monde ; c'est à peine 0,1 % pour les 48 pays d'Afrique
subsaharienne qui abritent 10 % de la population mondiale), s'explique par des facteurs
historiques ainsi que par les politiques adoptées et par la qualité de l'infrastructure
socioéconomique.
C'est le modèle de développement imposé à l'Afrique qu'il convient de remettre en question.
Depuis le milieu des années 80 et les plans d'ajustement du FMI, l'économie africaine a en
effet été progressivement extravertie au fur et à mesure que la pauvreté grandissait. S'il est
vrai qu'une modernisation des infrastructures et une démocratisation des appareils d'État
étaient nécessaires, les bouleversements imposés par le FMI ont en réalité abouti à une
situation dramatiquement absurde. Alors qu'en France, par exemple, 75 % de la production
nationale est destinée au marché intérieur (les 25 % restants étant destinés au commerce
international), c'est l'inverse qui se produit en Afrique : les ¾ de la production sont exportés et
il ne reste plus que les miettes pour les populations locales.
Il faut donc réfléchir aujourd'hui à un modèle de développement différent, accordant la
priorité aux marchés intérieurs africains et au financement par la mobilisation de l'épargne
africaine. Un modèle de développement permettant à l'Afrique, comme cela a été possible
pour les pays riches du Nord, d’ancrer d'abord solidement son économie sur le plan intérieur
avant de s'ouvrir sur le monde.