1 Synthèse du colloque par Jean-Marc Aimonetti MCF

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Synthèse!colloque!AGIS!2016!
Colloque « Autour de lentrée en institution des personnes âgées
et /ou handicapées !
Vendredi'27'mai'2016''Marseille'
Synthèse du colloque par Jean-Marc Aimonetti MCF, Aix-Marseille Université
Bonsoir,
Je vous propose de commencer par une petite devinette. Que ceux qui pensent que le
mot troglodyte a été prononcé deux fois lèvent la main. Que ceux qui pensent que
c’est paquebot en fassent autant maintenant. C’est là qu’on voit ceux qui ont écouté.
Je vous donne la réponse : troglodyte, zéro. Paquebot, deux fois. Et oui, Roch Valles
et Fernando Pereira nous ont parlé de paquebot. Pour ceux qui rêvent de croisière, le
paquebot de Roch s’appelle Dead line, et celui de Fernando est comparé à une caserne
ou un hôpital. Pourquoi cette comparaison ? Parce que ce sont des institutions totales.
Ce sont des structures qui répondent à tous nos besoins vitaux pendant un temps
donné. On choisit le temps de la croisière, on ne choisit pas celui de l’hôpital. Le
temps de l’institution totale est celui d’une dysmétrie relationnelle nous dit Gérard
Ribes : tôt ou tard, quelqu’un nous dira : « nous savons ce qui est bon pour vous ».
Nous passons d’un temps individuel, instantané et incertain à un temps collectif,
normalisé et imposé. Le temps me semble le thème central de ce colloque. Il y a le
temps d’avant, le temps de l’annonce de l’entrée en institution, le temps de l’annonce
de la maladie, le temps de l’annonce du handicap, et le temps d’après. Ces ruptures
nous ont déjà concernés, elles nous concerneront tous un jour, il suffit d’être patient.
Philippe Pitaud nous dit que l’annonce du diagnostic, quel qu’il soit, est une bombe
entre les mains du médecin. Au point que Sophie Donnet se pose la question de dire
ou ne pas dire. Laurence Joachim rappelle la loi Kouchner de 2002 : le médecin doit
dire, pire prédire, mais sans nuire. Ce n’est pas si simple. D’ailleurs Augustin
Giovannoni nous parle d’aporie, un problème insoluble et inévitable ; en gros une
impasse. Jennifer Giraud illustre bien cette notion d’impasse ; c’est une ingérence
complexe entre laisser le patient ou ses proches dans le déni et notre volonté de
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sécuriser un environnement délicat. Augustin rappelle la notion de parrêsia, devons-
nous avoir le courage de tout dire au risque de froisser ?
Pour Philippe, le médecin a une part essentielle dans l’annonce. Les médecins
devraient être formés à cela. Ils devraient être remplis d’humanité afin d’établir une
rencontre, pour autant qu’on puisse parler de rencontre. Traduisons : qui a la bonne
méthode pour annoncer une mauvaise nouvelle ?
Selon Roch Valles, l’annonce devrait être faite au kairos, le temps idéal. Ceci est
particulièrement vrai quand le diagnostic concerne un enfant. L’enfant naissant déserte
la vie. Fanny Acquaviva nous l’a dit : l’annonce de la surdité d’un enfant est une
catastrophe. Les médecins ont le savoir, ils parlent de prothèse et de rééducation. Ils
coupent alors la parole des enfants et des parents.
Le temps des premiers mots marque la rupture entre l’avant et l’après. Cet instant
précis est unique : les mots doivent être fondateurs. Sophie Donnet nous le rappelle,
dire la maladie, c’est la rendre réelle. Pour Pitaud, l’annonce permet de comprendre.
Et nous retrouvons cette notion de temps avec Fanny Acquavica. L’annonce doit nous
aider à prendre le temps de comprendre mais quand on parle d’enfants, la réponse
médicale est donnée trop vite, avant que l’on ait compris.
A cet instant, nous devenons selon Jean-Louis Charlet un patient, celui qui supporte
l’adversité avec constance (encore une histoire de temps). En ce sens, nous sommes en
opposition avec le médecin, celui qui agit. Laurence Joachim a souligné cette relation
asymétrique patient médecin et cette même asymétrie se retrouve entre le patient et
l’infirmier selon Jérôme Daeron. A chaque soin, l’infirmier nous rappelle notre statut
de patient, cette rupture avec le passé. Les infirmiers et les médecins sont aussi
présents aux urgences. Louis Tosti nous l’a bien dit : le temps des urgences
neurodégénératives n’existe pas. La lumière artificielle, le rythme effréné, la technicité
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omniprésente ne sont pas le temps du patient dément.
Le temps du placement en institution n’est pas plus glorieux selon Olivier Bonzom.
Nadia Remadnia nous a bien dit que le placement en institution se fait souvent dans
l’urgence, en général après un passage aux urgences. Nous retrouvons le dilemme
entre le temps idéal, celui de la préparation à un faux choix et la question essentielle
de l’éthique. Ce temps n’est pas infini nous dit De Alcala : si je ne me décide pas, on
décidera pour moi. Quelle humanité reste pour l’accueilli ? Pierre ajoute que ce n’est
plus avec un sujet sensé que nous discutons mais avec les démons que nous avons
réveillés dans son esprit. Faut-il encore que nous connaissions ces démons. Pensons à
Myriam qui a fui les rafles ; pour Myriam, l’institution est le camp auquel elle avait
échappé jusque-.
Alain Villez et Jean-Alain Margarit le rappellent : le placement n’est jamais consenti.
La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement est un leurre, pire une duperie
pour Amyot. Pourquoi ? Parce que le domicile est la norme selon Farida Abdouss, un
espace identitaire voire une extension du soi, une sorte de double-peau nous dit
Amyot.
Fernando Pereira confirme que l’entrée en institution marque la perte de l’identité
individuelle nos pairs sont les fantômes de notre avenir, pire d’un présent éternel.
Gérard Ribes parle même de traumatisme. Paradoxalement, Farida rajoute que l’entrée
sera d’autant plus dure pour ceux qui n’ont pas eu de domicile, ceux qui viennent de la
rue ou de la prison. C’est sans doute la même chose pour les patients déments admis
aux urgences. Cette admission reflète une incapacité structurelle, humaine, ou
relationnelle à gérer le patient plutôt que la pathologie. Ce n’est pas mieux pour les
personnes en situation de handicap cognitif. Gérard Zribi a souligné la force des mots :
lorsque ces personnes vieillissent, on développe des parcours adaptés. Brigitte
Dherbey nous a bien présenté les parcours de vie. Mais nous, nous n’avons pas de
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parcours de vie, nous vivons, c’est tout. Ennuyer va plus loin : la compensation est une
fausse réponse, comme les talonnettes de Sarkozy, on pallie un déficit.
Jean-Louis Charlet nous a dit souffrir, c’est certes subir une souffrance, mais c’est
aussi la supporter. C’est bien là tout le paradoxe pour les parents d’enfants en situation
de handicap, pour tous ceux qui souffrent, pour tous ceux qui entrent en institution.
Souffrir, c’est aussi ressentir la vie. La souffrance doit, à ce titre, aussi être supportée
par le médecin. Il ne s’agit pas qu’il ait mal ; non, il doit supporter le patient, le
soutenir. Il se crée une relation d’échange remplie de compassion, on souffre
ensemble. On partage notre vulnérabilité nous dit Ennuyer, on est entamé en
accompagnant l’autre ajoute Ribes.
A partir de là, Alain Villez nous le dit, nous pourrons redonner la parole à la personne.
C’est ce défi d’interactions et d’amitié qui nous rend humain. Saniye Bilgili, dans le
même sens, rappelle que l’entrée dans l’institution marque souvent le retour à une vie
sociale disparue depuis longtemps à domicile dans notre société individualiste. Brigitte
a aussi souligné que le domicile est parfois une impasse. Roch Valles continue en
précisant que le mot réussir provient de l’italien uscita l’issue. Si on arrive à sortir de
son « chez soi » pour aller non pas « chez l’autre » mais dans un nouveau « chez soi »,
on pourra s’en sortir. Parfois, on pourra même sortir de ce nouveau chez soi pour
retourner à l’ancien chez soi avec un peu d’art et d’imagination, pensons à M. R.
Pour Zribi, la loi de 2002 devrait nous orienter vers la désinstitutionalisation. Cette
réorientation ne viserait pas à faire des économies. Non, nous devons inventer une
nouvelle articulation entre le domicile et l’institution afin de redonner sa place à la
personne, qu’elle puisse sauver sa peau, voire changer de peau, muer selon Amyot.
L’accompagnement des enfants sourds en Suède est un bel exemple de solutions
innovantes.
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Il en est de même pour la maladie. Guérir, ce n’est pas revenir. Guérir, c’est naître
différent. On ne peut se remettre de la maladie que si l’on accepte de faire de la
blessure quelque chose que l’on comprenne, qu’on en fasse une œuvre d’art. Etre
humain, c’est bien plus qu’être mortel. Etre humain, c’est rester toujours capable de
mémoire et d’imagination. Et nous retrouvons pour finir notre thème central du
temps […] la mémoire est le passé qui nous aide à construire le futur avec un peu
d’imagination. Le présent doit être la juste présence à l’autre. Le présent doit être une
bulle d’humanité que l’on partage l’âgé, le déficient, le malade peuvent donner
autant qu’ils reçoivent.
jean-marc.aimonetti@univ-amu.fr
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