FMI : Lancement du rapport d`octobre 2015 Perspectives

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FMI:Lancementdurapportd’octobre2015
Perspectiveséconomiquesrégionalespourl’Afrique
subsaharienne
Dakarle27octobre2015
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Fairefaceàunenvironnementquisedégrade
1. Fairefaceàunenvironnementquisedégrade
2. CompétitivitéenAfriquesubsaharienne:stagnationouprogression?
3. InégalitésetrésultatséconomiquesenAfriquesubsaharienne
AbdoulMBAYE,modérateur
Consacrer un rapport à la conjoncture et aux perspectives économiques de l’Afrique
subsaharienne n’est pas un exercice aisé tant les économies de cet ensemble géographique
sontdisparates.L’exercicedevientencoreplusdifficilelorsquel’onprendenconsidérationla
présenced’uneagrégationd’économies,etnond’unblocconstituéd’économiesenrelations
fortesetinterdépendanteslesunesdesautres.
LeFMIs’ylivrepourtant2foisparan,parvenantdansunecontinuitérassurante,àproposer
des confirmations de politiques économiques à conduire, ou à faire preuve d’originalité en
conseillantdenouvellesdirectionsdanslesquelless’engager.
Laperformanceméritaitd’êtresoulignée.
Il nous appartient à nous, acteurs de la vie économique et politique des Afriques
subsahariennes,deprendreconnaissancedecesrapportscontenantdesavisd’experts,aussi
dedonnernotreopinion.
Puis au delà des opinions, nos dirigeants doivent faire des choix de politiques publiques
réaménagées,réajustées,visantlacorrectionetl’efficacité,etsachantfairelaplacejusteaux
partenaires intérieurs et extérieurs de la marche vers le développement et la croissance
économique.
Commençons par l’indispensable prise de conscience d’une croissance en baisse et qu’il est
pourtant urgent et nécessaire de maintenir à un niveau minimal de vigueur dans la durée,
souspeinedegravesrisquesetperturbations.
Parsonintégrationàl’économiemondiale,larégionfaitfaceàunchocquideparsanature
n’est pas sans précédent, mais face auquel la région ne s’est, une nouvelle fois, pas
suffisammentpréparée.
Le choc est d’abord pétrolier, mais par la baisse des cours du pétrole plutôt que par sa
hausse.Pareillesituationaexistéen1986,en1999eten2008.Achaquefois,lacroissancede
larégions’enesttrouvéeréduitede2pointsde%environ.
Mais la région subit concomitamment un repli des prix des produits de base. Le choc 2014
devraitdoncdavantagesecompareràceluide2008aveccependantunedifférencenotable:
letassementdescoursdupétroleetdesproduitsdebasebienquesimultanéetbrutaln’avait
pasduréplusde6moisàl’époque.Cettefoislapériodede15moisestdéjàdépassée.
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Cesrappelspourexpliquerqu’ilaitéténécessairederendrepluspessimisteslesprévisions
decroissancedelarégionramenéesde4,5%à3,75%pour2015,età4,25%en2016.
Les perspectives pourraient cependant encore s’assombrir, car s’il est prévu une légère
remontéedutauxdecroissancedel’économiemondialeen2016,l’environnementextérieur
demeurerasansaucundoutedifficilepourlespaysdelarégion.Lescausesprincipalesdela
vigueurdesacroissancecesdernièresannéesfaiblissenteneffetoudisparaissent.
Lescoursdupétrolepourraientsubirdurablementleseffetsdel’évolutiondesproductions
et demandes à l’échelle mondiale. Ceux des autres produits de base seront affectés par la
baisse rapide et durable de la demande mondiale, notamment en provenance des pays
émergents,dontlaChine.
La région avait également profité dans une large mesure de conditions de financement
mondiales particulièrement favorables pour soutenir la croissance de l’investissement tant
public que privé. La conjoncture s’est aujourd’hui retournée : les marges souveraines
augmentent, et les capacités d’emprunt des pays de la région seront en baisse rapide pour
des raisons budgétaires et de viabilité de la dette. Le financement extérieur se montrera
immanquablementfrileuxetpluscher.
UnralentissementplusprononcéenChinepourraitmêmeavoirpourconséquenceunrepli
plus important des cours des produits de base. Une réévaluation des risques pourrait alors
provoquer des sorties de capitaux, créer des tensions sur les taux de change, rendre les
financements très coûteux et même inaccessibles, entraînant des ajustements budgétaires
pluslourdsetunebaisseplusmarquéedestauxdecroissance.L’inflationquienrésulterait
pourrait en outre provoquer un resserrement de la politique monétaire et freiner encore
davantagelacroissance.
Alors donc que revenus et recettes se réduisent du fait de cette conjoncture particulière, il
m’apparaît essentiel de rappeler que le rapport d’avril 2015 avait attiré l’attention sur un
futurquiadéjàdémarré.Latransitiondémographiquedelarégionenferaàl’horizon2035
leplusgroscontributeurdemaind’œuvreàl’échellemondiale.
Larégiondevraêtreenmesure,dansunehypothèsebasse,decréer18millionsd’emploisà
forte productivité par an jusqu’en 2035, ce qu’elle n’a jamais pu faire. A défaut, on devine
sanspeinelesgravesproblèmeséconomiquesetsociauxauxquelselledevrafaireface.
Onpourraitmereprocherdenoircirletableau,maisc’estméthodepourforceràlaprisede
conscienced’unmoyentermeporteurdegrosrisquesetdangers.
Etoncomprendaprèscesconstatsdressés,qu’ilsoitnécessairepourlarégiondetrouverles
bonslevierspouragirfaceàl’urgence.Maisilluiesttoutaussiindispensabledetrouverles
bonnes recettes pour le moyen terme, susceptibles de créer de la résistance et de la
résiliencefaceauxchocsexogènesquinemanquerontpasdeseprésenterdenouveaudansle
futur.
Larégiondonneeneffetl’impressiondesavoirprofiterdesaccalmiesetdespériodesfastes
de l’économie mondiale, sans jamais avoir suffisamment tiré les leçons des moments
difficilespours’armercontreleurrécurrence.
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Ilestdoncnécessairederecouriràunedoublethérapeutique.
Celle de l’urgence : les mesures sont d’abord budgétaires et monétaires. Mr NORD y
reviendrasansdoute,etévoqueraenparticulierlesindispensablesajustementsbudgétaires
rappelant de mauvais souvenirs. Mais toutefois atténués par des propositions visant à
transformerlamobilisationdesrecettesinternescommemoyenleplusdurabledefinancer
infrastructuresetbesoinsdedéveloppement.
Celledumoyentermeavecdécisionsimmédiates:
Parce qu’il est désormais grand temps de réexaminer et remettre en cause la nature de
l’intégrationdenotrerégionàl’économiemondiale.
Lesdonnéesetconstatstirésdesrapportsd’avriletd’octobredecetteannéepermettentde
mettre en exergue que, après souvent près de 60 années de politique économique
indépendante,larégionestrestéeprisonnièredelanondiversificationdesonéconomie.Età
la fois la nature et le fort degré de sa dépendance vis à vis de l’économie mondiale ne lui
donnequetrèspeudemaîtrisesurlepilotagedesacroissance.
L’undesgrandsméritesdes2rapports2015estd’insister,audelàdesmesuresdel’urgence,
surlanécessitéderechercherdessolutionsdurablespermettantdefairefaceauchocactuel,
quineserasansdoutepastemporaire,etceuxàvenir.
Pourcefaire,lerapportd’avrilappelaitlespolitiquespubliquesàcorrigerladépendanceà
l’égarddesmatièrespremièresetd’uneagriculturenonsuffisammentproductive.
Dans un contexte de retour à des ajustements budgétaires et de conditions d’accès aux
financementsextérieursdevenuesplusdifficilesellesdevaientsepréoccuper:
1. d’améliorer la qualité de l’éducation et de la formation tout en faisant face aux
conséquences budgétaires de l’accélération de l’afflux des jeunes vers écoles et
universités,
2. dereleverlaproductivitéagricole,
3. dediversifierl’économieversdesactivitésàforteintensitédemaind’œuvre,
4. depoursuivrelacouverturedesbesoinsd’infrastructures.
Les politiques publiques devaient donc retenir le recours accru au secteur privé comme
indispensablepoursouteniroureleverlacroissanceéconomique,alorsquecedernier
auraunetendancenaturelleaureplienraisondeperspectivesassombries.
Ellesdevaient:
1. chercheràréduirelesécartsderémunérationetdeflexibilitéentrelesmarchés
dutravailinformeletdutravailformel.
2. engagersansdélaisunprocessusd’améliorationduclimatdesaffairesen
insistantsurcelledel’indicateurdeprimautédudroit.
3. faireprocéderàlalevéedetouteslescontraintesàl’investissementprivéparune
actionsurlesgouletsd’étranglementinfrastructurels.
L’amélioration de l’accès au crédit et l’inclusion financière sont également au nombre des
objectifs pressants devant aider à accroître la contribution du secteur privé aux
performanceséconomiquesdelarégion.
Toutesrecommandationsconfirméesparlerapportd’octobre.
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Danslasolutionàtrouveràceséconomiesdépendantesdesproduitsdebasepétroliersou
non, et particulièrement sensibles à des chocs récurrents, le rapport d’avril s’achevait par
une proposition forte: à savoir l’intégration aux chaînes de valeur mondiale rendue
possibleparlamondialisationdelasous-traitancemanufacturièreetdes services.
Lerapportd’octobreneremetpasenquestioncespropositionsdepolitiquespubliques,non
pluscellesd’uneforteassociationdusecteurprivéàlaluttecontre«ventscontraires»
et«environnementquisedégrade».Ilapporteparcontreuncomplémentintéressantportant
sur les moyens de renforcer la compétitivité de la région. En effet, seul un niveau de
compétitivité relevé peut permettre la diversification de l’économie de la région, son
intégration aux chaînes de valeur mondiale, et l’accroissement de sa participation au
commercemondial.
Juin 2014 a sans doute marqué la fin d’une période faste pour la région, faite de cours de
produits de base élevés, et d’une liquidité mondiale abondante. Il convient désormais de
s’adapter à cette nouvelle conjoncture, et d’enfin tirer les leçons d’une économie mondiale
faite de cycles hauts et bas, en construisant des capacités de résilience face aux chocs.
L’exemple d’autres régions du monde doit inspirer la nôtre. Le levier de la compétitivité a
toujours joué un rôle clé dans la croissance durable des autres pays du monde, et tout
dernièrementenAsie.
Malheureusement les constats faits par le rapport d’octobre sont ceux d’un recul de la
compétitivitéenAfriquesubsaharienne.Elleestégalement«larégionlaplusmalclasséeau
regarddel’indicemondialdecompétitivité».
Despropositionssontdoncfaitespourluttercontresadégradationetenreleverleniveau.
Poursuivantsarecherchededividendesdecroissance,lerapports’achèveparunchapitre
quipourraitensurprendreplusd’un,mettantàmallepréjugéinjusted’unFMIquiserait«
contrelespauvres».
Ilcommenceparconstaterquelarégionnequittejamaislepodiummondialdesinégalités:
1. lapauvretéyareculé,maissontauxresteleplusélevédumonde,
2. lesinégalitésderevenuysontlesplusélevéesaprèslarégionAmériquelatineet
Caraibes,
3. lesinégalitésgenreysontlesplusélevéesaprèsleMoyenOrientetl’Afriquedu
Nord.
MrNordreviendrasansaucundoutesurlesmesuresdecorrectionconseillées,maisonpeut
d’oresetdéjàreleverquelaréductiondesinégalitésetleuralignementsurcellesdespaysde
lazoneASEANpermettraitdebénéficierd’unpointdepourcentageentermedecroissance
auniveaudelarégion.
JusteavantdepasserlaparoleàMrNORD,jesouhaiteraispourmapartdonneruneopinion
personnellesurl’intégrationdenotrerégionaucommercemondial.
Lefaireparlebiaisdeschaînesdevaleurmondialeestuneformidableopportunitéprésentée
parlerapportd’avril,sousréservedepouvoirreleverleniveaudeproductivitédelarégion
commenousyinvitelerapportd’octobre.
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Celui d’avril n’oubliait toutefois pas que le commerce mondial s’alimente également de
commerce régional, soulignant que notre région est la moins intégrée du monde. Elle est
moitié moins intégrée que les autres pays émergents ou en développement. Ce passif doit
égalementêtrecorrigé.
Maiscommentfairecommercer,commentintégrerleséconomiesd’unpaysAetd’unpaysB
tous deux fournisseurs de produits de base qu’ils ne transforment pas, et importateurs des
produitsalimentairesetmanufacturiersqu’ilsneproduisentpas?Accordsdelibreéchange,
unions douanières, unions monétaires ne seront pas solutions. La solution est bien la
diversificationdeleursappareilsproductifs.Maiscetteintégrationrégionale,étapeversune
intégrationmondiale,aunautrepréalablequejemerisqueàqualifierainsi:laconstruction
d’économiesnationalesdavantageintégréeseninterne.
Je vois comme axe majeur d’intégration interne les campagnes devant nourrir les villes.
C’estlesensdurôleimportantquidoitêtredonnéàl’agriculture:larendreplusproductive.
Mettreenvaleurdesterresarablesnonexploitées.
Développer le chaînon de la transformation. Réaliser de considérables économies sur les
comptescourantsparuneréductiondelafacturealimentaire,mêmesicelacorrespondàun
retrait du commerce mondial. Ne pas faire dépendre la nourriture et donc la vie des
populations africaines de l’extérieur. Créer du revenu en particulier chez les plus pauvres,
masse constituant encore l’essentiel des populations de la région, et donc lutter contre les
inégalités,maisparlaproduction.Utiliserlesecteurpouraideràl’émergenced’uneclasse
moyenne,etaudéveloppementdel’épargne.
Le second axe d’intégration interne porte sur la construction d’une sous-traitance de
proximitéenmêmetempsquesecréentlesindustriesmanufacturières.Carjenevoispasun
large accès à une sous-traitance mondiale se passant d’un apprentissage préalable ou
concomitantàlasous-traitancedeproximité.C’estdéjàl’unedesgrandesfaiblessesdenos
secteursmanufacturiers:uneentrepriseyestàchaquefoisobligéedereproduiretouteune
chaînedeproduction,aprèsavoirparfoismisàsachargelaréalisationdelarouteversson
usine,etlaproductiond’énergiedequalité.Commentdanscesconditionsgagnerleparidela
compétitivitémondiale?
Dans un axe comme dans l’autre, la petite taille des marchés nationaux et la faiblesse des
revenusdesconsommateursimposentlerecoursàl’intégrationrégionaleparlatombéedes
barrières douanières et non tarifaires, et la réalisation d’infrastructures répondant
notamment à l’impératif logistique. Les chaînes de valeur doivent donc être construites en
prioritédansuneperspectivesousrégionale,sansjamaisrenoncerauxopportunitésvenues
durestedumondial.
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