Le symbolisme de la fleur de prunier dans la philosophie, la

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Le symbolisme de la fleur de prunier dans la
philosophie, la politique et l'esthétique chinoises des
Song à nos jours
Marie-Anne Destrebecq *
La fleur de prunier n'est pas une bluette. Ce motif2 connu depuis mille ans
à travers la poésie et la peinture comme « fleur de l'hiver, annonciatrice du
printemps » est devenu aussi un symbole de la résistance chinoise à
l'oppression. Le texte philosophique fondateur de cette figure est caché
dans un traité sur la peinture. Les éléments de recherche furent d'abord,
outre les huit traités picturaux spécialisés dans ce domaine, dont seul le
premier nous intéresse sur le plan du sens, les peintures et leurs auteurs : en
sont témoins les quelques six cents planches qui accompagnent mon
travail. Deux raisons à cela : d'abord la peinture est le vecteur privilégié
choisi par les lettrés pour transmettre cette image ; ensuite il est plus
simple de repérer une peinture en feuilletant même des milliers de planches
que de repérer le mot mei # | dans des centaines de textes. Dans ce
1
Marie-Anne Destrebecq est l'auteur d'une thèse soutenue en octobre 2000 : « Le
personnage conceptuel de la fleur de prunier dans la philosophie, la politique et
l'esthétique chinoises des Song à nos jours », dirigée par Kyril Ryjik dans le cadre de
l'école doctorale « Lieux et transformations de la philosophie », Université Paris VIII
(1200 p., 5 vol. de planches).
2
Sauf mention contraire, le terme s'entend dans l'acception : peinture d'une branche
de prunier en fleurs.
Études chinoises, vol. XXI, n° 1-2, printemps-automne 2002
Journée d'études de l'AFEC du 16 mars 2001
domaine, les indices font souvent défaut. Cette méthode de recherche
iconographique m'a permis de recenser, dans un premier temps, la majorité
des peintres concernés et donc de comprendre la direction à suivre, avant
de m'appliquer à repérer les occurrences du caractère mei dans toutes mes
lectures.
Le Huaguang meipu : fondement philosophique
Le premier peintre de pruniers est cité dans tous les manuels : Huaguang
W^Jt (-1051-1123), moine chan M de l'époque Song du Nord, ami de
Huang Tingjian j U S S (1050-1110) avec qui il entretint une correspondance. Le traité mentionné ci-dessus lui fut attribué et nommé IJËTÉ
#l!it Huaguang meipu (Traité de Huaguang sur [la peinture de fleurs de]
pruniers). Son élève Yang Wujiu Sï*l4£ (1097-1169), dont nous avons
conservé cinq peintures, l'aurait rédigé. Il est facile à trouver, reproduit
dans les anthologies picturales (par exemple, avec des variantes, dans le
Jieziyuan huazhuan ^ - P H JEfiS traduit en anglais et en français3), mais le
chapitre qui nous occupe, le « Quxiang » IXsfe (Saisie des Symboles), est
si obscur qu'il fut mal compris, quand il ne fut pas simplement ignoré. De
plus, enfoui dans un traité pictural, il n'attira pas l'attention des chercheurs
spécialisés dans l'étude du néoconfucianisme élaboré sous les Song par les
cosmologistes. C'est pourtant là que se trouvent les clés pour comprendre
le style elliptique de Huaguang et donc comment cette simple fleur est
devenue sous les Song un symbole puissant de l'identité chinoise, si
puissant qu'elle deviendra sous la domination mongole le signe de
l'opposition à l'envahisseur, puis de la résistance à l'oppression ?
Une étude des trois grands philosophes néoconfucéens contempo-
3
Voir Petrucci (2000) et Sze Mai-mai (1977-1978).
198
Le symbolisme de la fleur de prunier
rains de Huaguang, Shao Yong Wfè (1011-1077), Zhou Dunyi fâWCfâ.
(1017-1073) et Zhang Zai K i c (1020-1077), de leurs sources, principalement le Xici l^ifï dans l'Antiquité, les écrits de Zou Yan UPflj (IIIe siècle
avant J.-C.) et de l'école du yin-yang et des cinq agents (Yinyang wuxing
jia PH^IïfTl^) à l'époque des Royaumes combattants, le Lùshi chunqiu
S f t # $ C compilé par Lu Buwei S ^ F # (? - -235 avant J.-C.) sous les
Qin, le Chunqiu fanlu ^k%U
de Dong Zhongshu TËfafr (-195-115
avant J.-C.) sous les Han antérieurs, permirent de décrypter le « Quxiang ».
Cette philosophie fait appel à une symbolique des nombres sophistiquée,
aux rapports établis par leur intermédiaire entre l'univers et la société.
Huaguang et les trois cosmologistes usent d'un même vocabulaire, mais au
lieu d'élaborer des diagrammes ou des graphiques purement numériques,
nourris des analogies traditionnelles avec saisons, agents (eau, feu, bois,
terre, métal), couleurs, qualités et défauts, etc., Huaguang va jouer des
correspondances entre les nombres de la série décimale et les parties du
prunier. Il attribue aux éléments de la fleur, blanche, ouverte au ciel, yang,
les nombres impairs, et aux parties ligneuses, sombres, plongées dans la
terre, yin, les nombres pairs. À chacune correspond alors une notion
constitutive de la conception chinoise de l'univers : le taiji ;feft les trois
cai lEJJÏ, les cinqxing 3Efr (agents), les septzheng -fcB& (régulateurs), les
neuf bian %*§£ (changements), les deux yi Zlfiï (traits élémentaires
constitutifs des trigrammes), les quatre shi H B# (saisons), les six yao TNX
(lignes d'un hexagramme), les huit gua A$h (trigrammes), dix étant la
perfection, le prunier dans son entier. Viennent s'y ajouter gui ffî, (compas)
et/"M £g (équerre), laoyang 3Ê$k, laoyin 3É^, shaoyang 'p^k et shaoyin
;
P^ (phases croissantes et décroissantes du yin et du yang). Les notions
fondamentales de la philosophie chinoise y sont subtilement mises en jeu :
qi M,, yin-yang |É|S§, cheng jîic (accomplissement), ti fft (corps), xing fô
(forme) et li S (principe interne). Tout cela revêt pour Huaguang et ses
contemporains un air d'évidence qu'il ne manque d'ailleurs pas de
souligner en concluant :
199
Journée d'études de l'AFEC du 16 mars 2001
C'est pourquoi ce qui existe par soi-même et prend figure n'est rien d'autre que
la nature, c'est ainsi. Ceux qui savent l'ont déduit par analogie.
Une fois compris que ce texte n'est pas une élucubration numérologique mais une mise en rapport de la société chinoise à l'univers - la
bonne société chinoise, c'est-à-dire, au début des Song, celle qui revient au
confucianisme des Anciens et aux textes antiques en gommant les
tendances trop bouddhisantes des Tang - on conçoit que l'image d'une
branche de prunier en fleurs puisse désormais symboliser ladite société et
l'identité chinoise, « essentiellement », purement, fièrement chinoise.
Les peintres Song et Yuan : éclat et postérité symbolique du prunier
Huaguang %k% (ca. 1051-1123)
Avec Huaguang, la peinture de pruniers se constitue en sujet particulier,
distinct de la catégorie « fleurs et oiseaux ». Nous savons peu des œuvres
du maître, toutes perdues.
Elles font connaître son nom partout. [...] Chaque fois qu'il peint, Huaguang
brûle de l'encens et entre en méditation : l'idée arrive juste au bon moment, et
c'est d'un coup qu'elle est intégralement achevée. [...] Pinceau et encre ont la
liberté de son cœur. Plus il peint, plus ses œuvres sont élevées. En ce temps-là,
d'illustres personnages composèrent plus de mille poèmes pour en exalter la
beauté. Au cours de sa vie, il créa au moins mille deux cents volumes. Quand
vint la mort, il ne laissa qu'une cape, une ceinture, un tabouret, une table et, à
4
Shangu [ i | ^ (Huang Tingjian), ses dernières œuvres.
4
m% ^m- .]*#£*i$&##»fi,Kafly-#ïffijifc[.. .j«'k**fefftfei« •
200
Le symbolisme de la fleur de prunier
Yang Wujiu j § & # (1097-1169)
Nous connaissons bien les pruniers de son disciple Yang Wujiu, des Song
du Sud, ainsi que ceux de Wang Mian zEJI, des Yuan. Ils sont devenus
références picturales, mais leur portée symbolique, pourtant claire quand
nous « savons », n'a pas été relevée par les commentateurs.
Yang Wujiu est réputé pour avoir résisté aux invitations à la Cour de
Qin Gui i ^ | # (1090-1155), premier ministre sans merci, partisan d'une
paix négociée avec les occupants des territoires du nord de la Chine. En
1165, il peint « Quatre branches de pruniers », à divers stades de floraison,
chacune accompagnées d'un texte en vers. À la lumière de notre
connaissance du symbole, le poème écrit pour la quatrième branche, image
de la fanaison prochaine, déjà parlante telle quelle, apparaît distinctement
politique :
Mon regard se fixe sur les branches du Sud.
Combien de fois n'ai-je pas chanté ce refrain !
Je me plains souvent de leur floraison tardive ;
La pluie les imbibe, le gel les malmène,
La neige les pénètre et le givre les jalouse,
Puis je déplore leur dispersion.
J'avais espéré mélanger la soupe dans les trépieds des Shang.
Si je pouvais rejoindre Qu Yuan dans son affliction !
Heureusement la pointe de mon pinceau est là
Pour évoquer les couleurs glacées,
Comme si c'était toujours le temps du parfum . 5
W f e i l . ^ g ^ ^ , R | i J $ S ^ | g * <• (Introduction au Huaguang meipu ) .
201
Journée d'études de l'AFECdu 16 mars 2001
Les « branches du Sud » sont les Chinois relégués au Sud ; « leur floraison
tardive » évoque les saisons détraquées, les rites alors impossibles à
célébrer au bon moment, ce qui bouleverse la société ; « pluie, vent, neige,
givre » insistent sur cet ébranlement, d'autant plus vif que les Chinois sont
malmenés par l'envahisseur du Nord ainsi évoqué. Le sens du mot
« dispersion » est clair : tous sont à la fois dispersés au nord et au sud et
dissociés dans leurs volontés politiques, certains désirant à la suite de Qin
Gui une paix négociée, d'autres aspirant comme Yang Wujiu à la
reconquête des terres perdues. « Mélanger la soupe dans les tripodes des
Shang », lesquels sont garants de la légitimité dynastique 6, désigne la
tâche du ministre vis à vis de son souverain 7 ; L'exemple de Qu Yuan est
là, comme il est de tradition, pour évoquer le désaccord politique ; « le
temps du parfum » nous ramène à l'époque heureuse d'avant la partition de
la Chine, l'époque des Song du Nord où le prunier en fleurs est modèle de
gouvernement idéal. La double fonction symbolique de la fleur de prunier
est évoquée ici : courage dans les circonstances difficiles et espoir, lié au
souvenir, de temps meilleurs.
Song Boren Sfcféf- (XIIIe siècle)
Les Mongols se faisant menaçants, le pays a besoin d'un ministre fort.
Signe des temps, la préface du Meihua xishen pu U S t Ë S ^ S t (Traité
d'images de fleurs de pruniers), écrite en 1238 par Song Boren, n'est pas
aussi anodine qu'il y paraît du point de vue politique 8. Ainsi la planche
%-5SmfàmAÈ?è
! f I # K i Q i S ^ c * # , f t f f l ^ f l # ° (Beijing, Musée du Palais)
6
Cf. Shiji, trad. Chavannes I, p. 247 et 317-8, IV, p.351-2.
7
Cf. Shujing, VIII.
8
La préface de cet ouvrage, illustré de cent planches gravées a été traduite en anglais
(Bush and Shih 1985, p. 282-284). Une étude en allemand (Wiedehage, 1995) est
disponible à la bibliothèque de l'I.H.E.C, rue du Cardinal-Lemoine. Aucun de ces
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Le symbolisme de la fleur de prunier
intitulée « Marmite » (ding JJH) est-elle suivie d'un quatrain qui se termine
par ces mots :
L'empire regarde avec espoir la préparation de la soupe,
N'y a-t-il personne qui soit capable de s'atteler à cette tâche ?
xTW.ffîm,^mmm^ ?
La « préparation de la soupe » est une allusion au trépied de Shang. Mais il
semble que l'homme capable de redresser la situation manque à l'appel. Ce
traité est réédité en 1261, alors que les problèmes relatifs à la défense
étaient d'actualité : l'année précédente a eu lieu l'avènement de Qubilaï ;
en 1264, Pékin devient la capitale des Mongols qui prendront le titre
dynastique de Yuan en 1271. En 1276, les armées mongoles entrent dans
Hangzhou IJVJ'H , capitale des Song du Sud ; après le suicide de l'empereur
en 1279, les Mongols occupent toute la Chine. La peinture de fleurs de
prunier, forte des symboles donnés par Huaguang, Yang Wujiu et Song
Boren, deviendra l'expression des lettrés sous le joug.
Wang Mian SM. (1287-1359)
Wang Mian peint exclusivement des pruniers et les vingt rouleaux qui lui
sont attribués figurent parmi les plus beaux et les plus réputés que
connaisse l'art chinois. C'est sans doute à lui que le prunier doit son succès
pictural définitif. Là aussi, l'intérêt pour le peintre a pris le pas sur le sens
de l'objet. Wang Mian est pourtant connu pour sa résistance aux Yuan et
son soutien à Zhu Yuanzhang 9KJX^. (1328-1398), bientôt premier
empereur de la dynastie des Ming. Ce sujet est minutieusement discuté, par
travaux ne fait état de la portée politique des fleurs de pruniers. Une traduction en
français, commentée pour éclairer ce sens, est en préparation.
203
Journée d'études de l'AFEC du 16 mars 2001
exemple par Ji Ruoxin fiE^fflrf 9, pour démêler la vérité d'une éventuelle
légende post-événementielle. La plupart de ses peintures sont assorties de
textes sans équivoque. Pourquoi alors ne pas établir de rapport explicite
entre tous ces éléments, entre prunier et résistance à l'oppression ? Voyez
la chute de ce poème :
Lesfleursclairsemées se groupent en blocs de glace et de jade,
Le souffle de la flûte des Qiang ne les abattra pas .
Les Chinois se groupent en résistants, les barbares ne les abattront pas.
Tout Chinois lettré comprend. Pas les Mongols...
Ming et Qing : diversité du sens.
La dynastie Ming étant fondée par un Han, il est compréhensible que le
sens politique des pruniers soit alors mis en veilleuse : ils évoqueront des
circonstances plus personnelles mais toujours douloureuses ou protestataires, de l'abandon amoureux au mécontentement du fonctionnaire victime
d'injustice. Après les aventures vécues sous les Song et les Yuan, il devient
plus facile de se concentrer sur le fait pictural, sans bien sûr négliger les
inscriptions. Les peintres Ming offrent la variété de style connue dans les
autres sujets. Puisant leur inspiration chez les Song, Dai Jin HciË (13881462) et Du Jin £t]g (XVe siècle) copient Ma Yuan M1Ê. (1139-1194) et,
comme lui, glissent des pruniers squelettiques dans leurs paysages.
Certains perfectionnent aussi les techniques du lavis développées par les
peintres chan, comme on peut le voir dans les pruniers de Wu Wei ^ #
(1456-1508) ou Xu Wei # î f (1521-1593). Toutefois, Yang Wujiu et
9
Ji Ruoxin (1985).
204
Le symbolisme de la fleur de prunier
surtout Wang Mian ont engendré une école : Chen Lu WMk (milieu du XVe
siècle), Wang Qian 3£f| (XVe-XVf siècles), et particulièrement Liu Shiru
§iJ1ftfë| (milieu du XVIe siècle), auteur d'un traité sur le sujet, le Xuehu
meipu !f$i#|!W 10. Sous les Qing, les peintures de pruniers sont innombrables : Shitao ^î\w (1641-1707?) en peindra beaucoup. Il inspirera les
« Huit excentriques de Yangzhou », notamment Jin Nong 4£j!| (16871763), Wang Shishen >{ï±\% (1686-1759) et Luo Ping MM (1733-1799).
Les inscriptions révèlent une grande variété de motivations, peu politiques.
Deux passages du Huamei tiba *ff$!Sii$i, recueil de colophons de Zha Li
^ipa (1716-1783), me paraissent importants du point de vue de l'expérience et de la vie des peintres de pruniers. Au printemps 1765, Zha Li et
son ami le gouverneur Wei Zhan Mi& visitent une grotte profonde où joue
une eau courante au bruit torrentueux ; ils posent leurs bâtons, s'asseyent
par terre et écoutent en levant leur coupe le son de la source, clair comme
le jeu du luth et de la cithare. Wei Zhan tend papier, pinceau et encre à Zha
Li, qui écrase l'encre sur une table de pierre, et peint une branche de
prunier. Une autre fois, Zha Li est seul en haut d'une montagne :
Une flamme dans le cœur, immense et sans limite, j'étends le papier et peins un
prunier. C'est un sujet de joie qui me réjouit le cœur, c'est comme cela.
ikmmw&mmmMwmm • n^m*,mmsktt •
Qu'un instant parfait, de pure émotion, au fond d'une grotte ou au sommet
d'une montagne, se traduise immédiatement chez un lettré par l'image
d'un prunier, n'est-ce pas là le plus grand accomplissement ?
Cet ouvrage comprend : une introduction, une anthologie poétique sur l'art de Liu
Shiru, mêlant histoire et poésie du prunier, qui forme la plus grande partie de
l'ouvrage, vingt-cinq planches de modèles, des textes théoriques composés sur le
modèle du Huaguang meipu de poèmes de Liu.
205
Journée d'études de l'AFEC du 16 mars 2001
XXe siècle : retour au sens.
Les surprises viennent aussi bien des Communistes que des Nationalistes.
En 1972 paraît, dans Littérature chinoise, un article consacré aux ballets
révolutionnaires japonais Matsuyama, « dignes d'être pris pour modèle »,
dont le répertoire chante la gloire du Front national de libération, aux
scènes qui « restent gravées dans nos mémoires et nous insufflent force et
encouragement ». Voici la fin de l'article :
Un vers célèbre de Lou Sin [Lu Xun #jfi (1881-1936)], écrit il y a quarante
ans, nous est venu à l'esprit à propos de cette troupe : « Les bourgeons
printaniers éclatent au-dessus de la terre encore gelée ». N'est-elle pas, en effet,
une fleur printanière gonflée d'une sève inépuisable et qui perce la terre,
« gelée » par les réactionnaires japonais, pour s'épanouir avec fierté ? C'est une
fleur unique dont l'éclat resplendit parmi les ronces de l'agression culturelle
américaine et la foison d'herbes vénéneuses de la renaissance du militarisme
japonais. Depuis sa fondation en 1948, cet ensemble a connu toutes sortes de
difficultés et rencontré de multiples obstacles, mais c'est avec un enthousiasme
révolutionnaire inébranlable et une opiniâtre volonté de combat qu'il continue à
mener la lutte contre l'impérialisme américain, le révisionnisme moderne et la
renaissance du militarisme japonais. Cet esprit révolutionnaire inflexible offre
un bel exemple à suivre.
Le texte est illustré d'une peinture : une branche de prunier en fleurs, datée
de 1969. Et cette fois, les fleurs sont rouges...
Taiwan n'est pas en reste : la fleur de prunier fut choisie comme
symbole nationaliste dès Sun Yatsen îsféjMll (1866-1925), monnaies et
timbres en sont ornés. Plus récemment encore, en 1995, lorsque la
compagnie aérienne China Airlines changea de sigle, elle choisit de
remplacer le drapeau taiwanais par une fleur de prunier, « le fier héritage
chinois saisi en une image unique et parfaite », représentant les cinq
qualités que la compagnie veut mettre en avant : « modernité,
professionnalisme, vitalité, identité chinoise et internationalisme ». Elle
symbolise en outre « la confiance, la modestie, le sérieux, la retenue et
206
Le symbolisme de la fleur de prunier
l'attention aux détails de China Airlines », ainsi que « la persévérance, le
zèle, l'élégance et la grâce ». « L'emblème de cette fleur révèle aussi que
China Airlines prospère à Taiwan, avec pour ambition d'embrasser le
monde entier. La peinture et le sceau expriment de plus une composante
unique de la culture chinoise. » n
N'en doutons pas : l'histoire de la fleur de prunier n'est pas terminée.
11
Les citations sont extraites du dossier de presse.
207
Journée d'études de 1'AFEC du 16 mars 2001
Bibliographie
Traités sur les pruniers (Meipu f§i|f)
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p. 90.
-ca. 1186:
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(1985), p. 282-284 ; traduction complète in Wiedehage (1995).
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reproduites in Bickford (1996).
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- 1679, 1701 : Wang Gai ï S Meipu fgfg in Jieziyuan huazhuan ^ T - g l S f à ,
Beijing, 1982, 1983. Traductions : Petrucci (1918) ; Sze Mai-mai (1978) ; Yang En-lin
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- 1749, 1863 : Cha Li S f | Huamei tiba jEfgHfô in Meishu congshu, vol. II, 5 (rééd.
1986, p. 979-981). Extraits traduits in Cheng (1989), p. 89.
-1750-1760 : Jin Nong i ï J I Huamei tiji HE^HSIE in Meishu congshu, vol. I, 3 (rééd.
1986, p. 143-145) ; Lidai lunhua mingzhu huibian, p. 492-497.
Ces traités sont présentés dans ma thèse, volume II A, p. 651-705. Les traductions sont
accompagnées du texte chinois, sauf en ce qui concerne le Xuehu meipu, trop long, et
le Meipu du Jieziyuan huazhuan, aisément accessible. La traduction du Huamei tiji de
Jin Nong, est en préparation. Celles du Huaguang meipu, du Meihua xishen pu et des
deux colophons de Zhao Mengjian y sont entièrement révisées, celles du Xuehu meipu
(partielle) et du Huamei tiba (intégrale) inédites.
208
Le symbolisme de la fleur de prunier
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Bush Susan, Shih Hsiao-yen, Early Chinese Texts on Painting, Harvard - Yenching
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Cheng François, Souffle-Esprit,
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Ji Ruoxin, « Wang Mian yu momei hua de fazhan » 3 î S ^ - S I S * È t J # ® , Gugong
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Vandier-Nicolas Nicole, Esthétique et peinture de paysage en Chine : des origines aux
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Wiedehage Peter, Das « Meihua xishen pu » des Song Boren aus dem 13. Jahrhundert,
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Yang En-lin, Der Senfkorngarten, Leipzig : Seeman, 1966.
209
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