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La crise et la République tchèque : un point de vue politique de gauche
capitales européennes au cours de leurs premières visites à l’Ouest après la
chute du rideau de fer seraient leurs avec la nouvelle arrivée du capitalisme.
La transformation économique a rapidement commencé. Elle peut se divi-
ser en plusieurs étapes. Dans la première étape, on a adopté la méthode de la
privatisation à petite échelle (malá privatizace) au cours de laquelle de petites
entreprises d’État ont été vendues aux enchères de façon à créer une couche
sociale d’entrepreneurs indépendants. Elle a été suivie par une étape clé, la pri-
vatisation à grande échelle qui était fondée sur l’achat d’entreprises par cou-
pons (kupónová privatizace). La privatisation par coupons correspondait aux
désirs inconscients de la population (un mélange de croyances communistes
et de croyances capitalistes) que l’on peut résumer ainsi : nous voulons rece-
voir une part de notre patrimoine commun « socialiste » mais nous voulons la
gérer nous-mêmes à la mode capitaliste. Le processus de transformation de la
propriété a été une immense expérimentation politique menée par des écono-
mistes qui n’appartenaient pas au noyau dur des dissidents opposés au régime
communiste. La plupart d’entre eux venaient de la communauté scientique
et théorique des institutions d’État. Ils avaient étudié la « critique des théo-
ries économiques bourgeoises » dans le cadre de leurs travaux scientiques.
Cependant, beaucoup d’entre eux avaient adopté comme gourous Friedrich
von Hayek et Milton Friedman, et ils suivaient leur exemple avec zèle. Ils
avaient une occasion unique de mettre en application leurs théories dans la
vraie vie, sans les entraves qu’une politique réaliste auraient pu leur imposer.
De toute évidence, diverses conceptions de transformation de la propriété et
de privatisation ont vu le jour. Les partisans de l’approche gradualiste ne l’ont
pas emporté. Comme l’a dit Joseph Stiglitz, on a prétendu au début que ceux
qui s’opposaient à une thérapie de choc et préféraient un changement pro-
gressif risquaient de faire régresser la région vers le communisme. L’histoire
a montré que ce danger était une ction en République tchèque comme dans
tous les autres pays postcommunistes. Selon Stiglitz, les Tchèques ont mené
au cours de leur histoire des luttes contre l’inégalité, ce qui leur donnait la
possibilité après le renversement du socialisme de construire une société axée
sur le marché, mais cependant relativement juste, égalitaire et solidaire. La
République tchèque n’était pas afigée d’un énorme écart entre les riches et
les pauvres. Toutefois, la transformation n’a pas créé une économie de marché
qui soit en même temps solidaire. Le potentiel humain n’a pas été développé
et l’importance de la gouvernance d’entreprise a été sous-estimée.
La première réaction de la population à la privatisation par coupons n’a
pas été très positive. C’est seulement après le déploiement d’autres moyens,
y compris avec de la publicité, et grâce à l’implication active de personnes
comme Viktor Kožený (connu plus tard sous le nom de « Pirate de Prague » en
raison de ses conits avec les lois des États-Unis), que le processus a vraiment