ÉNONCÉ DU COLLÈGE DES MÉDECINS
POUR UNE MÉDECINE FAMILIALE PLUS FORTE
Emmanuèle Garnier
La médecine générale évolue. Le rôle de l’omnipraticien
change. Les besoins de la population se modifient. Dans son
document Une première ligne forte de l’expertise du méde-
cin de famille, le Collège des médecins du Québec (CMQ)
regarde ce vers quoi doit tendre la médecine familiale.
Le patient doit ainsi avoir accès à son médecin de famille ou
aux membres de son équipe quand il en a besoin et pouvoir
compter sur eux pour la continuité des soins. Ce « sont des
composantes essentielles de la qualité des soins », estime le
CMQ qui considère d’ailleurs qu’il faudrait en tenir compte
dans l’évaluation de la pratique.
La collaboration du médecin avec une équipe interprofes-
sionnelle est, par ailleurs, incontournable. Selon le Collège, il
s’agit d’un « moyen d’assurer aux Québécois des soins et ser-
vices de santé de qualité, sécuritaires, efficaces, efficients
et selon une fréquence qui correspond à leurs besoins. » Il
estime même qu’une « nouvelle ère dans l’amélioration des
pratiques professionnelles devrait être amorcée » par l’éva-
luation non pas uniquement de la pratique individuelle, mais
aussi du travail d’équipe.
De grands défis attendent la médecine familiale. Entre autres
le vieillissement de la population. Au cours des prochaines
années, la pression va augmenter pour que les médecins
de famille et les équipes de première ligne modifient leur
pratique. Ils devront offrir, par exemple, plus de soins à
domicile. Le Collège parle d’une « responsabilité sociale de
s’y préparer et de relever le défi de la continuité des soins,
d’un suivi en cabinet ou en CLSC à un suivi à domicile. »
Mais d’autres enjeux sont également importants, comme les
problèmes de santé mentale, dont la prévalence est élevée
en première ligne.
Les équipes de première ligne doivent donc voir loin. Elles
devraient connaître les données de santé de la population
qu’elles desservent. Cela leur permettrait, en collaboration
avec la santé publique, de répondre adéquatement aux
besoins des citoyens. Entre autres à ceux des plus vulné-
rables. « Actuellement, les meilleures pratiques de première
ligne sont celles d’équipes interprofessionnelles qui sont
informées des besoins de santé de leur communauté et qui
planifient à l’avance leurs façons d’y répondre », indique
l’énoncé de principe du Collège.
Pour le CMQ, la première ligne de soins constitue la pierre
d’assise du réseau. Les études le confirment. Selon les don-
nées, « un système de santé et de services sociaux publics
fort, performant, accessible et viable doit s’appuyer sur une
première ligne robuste de soins et de services où le médecin
de famille doit jouer un rôle primordial. » Les ressources et
le financement doivent donc être attribués en conséquence.
UNE IMAGE FAVORABLE
L’énoncé de position du Collège renvoie une image très favo-
rable de l’omnipraticien. Le document le décrit comme le
« chef d’orchestre de l’équipe de soins de première ligne »,
un « leader intégrateur », « un intervenant clé ». Le CMQ
rap pelle « la solide formation diversifiée du médecin de
famille » et mentionne « la valeur ajoutée de ses interven-
tions ». Il le décrit entre autres comme « l’expert de la gestion
des problèmes courants » et souligne la « forte polyvalence
individuelle de très nombreux médecins de famille ».
Le Collège place le médecin de famille au centre de l’équipe
de soins de première ligne. L’omnipraticien est celui qui
doit faire le lien entre le patient, les médecins spécialistes
et les divers autres professionnels de la santé. Pour le CMQ,
le généraliste est le professionnel de la santé le plus apte
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LA VIE PROFESSIONNELLE
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lemedecinduquebec.org
à avoir une vision globale de l’état de santé de son patient, à
coordonner ses plans de soins et à l’orienter dans le système
de santé.
La valorisation de la médecine familiale est capitale aux yeux
du Collège. Elle doit faire l’objet d’actions concrètes. Le Col-
lège recommande, par ailleurs, de dénoncer toute manœuvre
de dénigrement de l’omnipratique, que ce soit dans les
milieux d’enseignement, de formation ou de pratique.
LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE
La principale mission du médecin de famille ? Offrir aux
patients un suivi à long terme en première ligne. Sa res-
ponsabilité va de la promotion de la santé jusqu’au suivi
des maladies chroniques, en passant par les soins pour les
malaises aigus.
Le rôle de médecin de famille vient toutefois avec des obli-
gations. D’abord auprès des patients. Selon le CMQ, « les
citoyens du Québec doivent pouvoir, s’ils le désirent, s’ins-
crire auprès d’un médecin de famille et être vus en temps
opportun par celui-ci ou par un professionnel de l’équipe à
laquelle il appartient. »
Le médecin de famille doit aussi être accessible pour les
spécialistes et les professionnels de la santé qui traitent ses
patients. Lui ou un membre de son équipe doit pouvoir être
joint, que ce soit par téléphone, télécopieur ou Internet. « Le
médecin de famille ne peut prétendre à son rôle de chef
d’orchestre de l’équipe de première ligne et d’intégrateur
des informations de santé que s’il est vraiment disponible
en temps opportun. »
Le problème de l’accès aux soins ne repose toutefois pas
uniquement sur les épaules de l’omnipraticien. « Lorsqu’il est
question d’accessibilité aux soins, les médecins, notamment
les médecins de famille, sont souvent ciblés. Or, plusieurs
problèmes de santé requièrent la contribution simultanée
d’autres professionnels de la santé pour compléter l’éva-
luation des problèmes ou pour assurer les traitements »,
note le Collège, qui reconnaît que l’accès à certains inter-
venants comme le psychologue, le physiothérapeute ou la
nutritionniste peut être difficile. Tout comme obtenir des
consultations auprès des médecins spécialistes de deuxième
et troisième lignes n’est souvent pas aisé.
La collaboration entre médecins de famille et spécialistes
est particulièrement nécessaire. Les consultants ont aussi
leur effort à faire. « Il est important d’insister de nouveau
sur le rôle attendu des médecins spécialistes afin que ces
derniers concentrent leur niveau de prise en charge à la
clientèle qui exige leur compétence particulière tout en se
rendant disponibles auprès du médecin de famille afin de
le soutenir dans son travail clinique. »
NEUF RECOMMANDATIONS
Certains instruments sont essentiels pour les équipes de
soins. « Le dossier médical électronique (DME) est un outil
incontournable en première ligne : il faut rapidement en
appuyer et en faciliter l’utilisation par les médecins de famille
et les équipes interprofessionnelles de première ligne », sou-
ligne le Collège dans son document.
L’énoncé de position se penche également sur l’enseigne-
ment. Il mentionne entre autres la nécessité de « garantir
une présence forte des médecins de famille enseignants
qui représentent des modèles de rôles positifs, tout au
long des études médicales. » Il recommande aussi d’offrir
un programme de mentorat d’au moins un an aux jeunes
omnipraticiens.
Le CMQ se prononce, par ailleurs, sur l’organisation des
soins. Il conseille entre autres de terminer la création du
réseau des groupes de médecine de famille (GMF), qui inclut
les GMF-R et les GMF-U. À un niveau territorial, il propose
que les départements régionaux de médecine générale
(DRMG) s’occupent en priorité du développement et de
l’organisation des soins de première ligne dans les cliniques
médicales, dont les GMF, et les CLSC.
L’énoncé du Collège comporte en tout neuf recomman-
dations qui vont du renforcement de la première ligne aux
moyens d’améliorer la collaboration interprofessionnelle, en
passant par l’importance de la formation des médecins de
famille jusqu’au renforcement du DRMG et aux différents
mandats qui pourraient lui être confiés. //
ENCADCONCLUSION
DE L’ÉNONCÉ DE POSITION
L’Énoncé de position du Collège des médecins du Québec conclut
que « la première ligne de soins et de services de santé sera d’au-
tant plus ecace quelle pourra compter sur l’expertise de méde-
cins de famille motivés et en nombre susant pouvant s’appuyer,
notamment, sur une équipe interprofessionnelle dynamique, un
DME performant et fonctionnel, un accès en temps opportun aux
plateaux techniques et aux médecins spécialistes, des approches
cliniques basées sur les meilleures données et adaptées au milieu
de première ligne, des locaux appropriés, une rémunération réel-
lement incitative et en lien avec la responsabilité et les tâches
requises ainsi que la capacité, le cas échéant, de recruter de
nouveaux jeunes médecins adéquatement formés et soutenus
par un programme de mentorat. »
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Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 4, avril 2016
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