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raison générale qui est que l’Islam est une religion. Dès lors, « ce qui manque […]
c’est une adaptation des préceptes éthiques ou légaux de l’Islam, et des
comportements et institutions traditionnels à la démocratie. […] Tous les efforts pour
trouver une synthèse entre Islam et démocratie sont promis à s’écraser contre le
rocher fait d’un corpus de doctrines éternelles et inchangeables qui constituent la
quintessence de toute religion. »
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Nombre d’orientalistes voient dans l’Islam « une
entité obscurantiste »
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dont la structure profonde est antagoniste avec la modernité
11
.
Cette religion serait « particulièrement hostile à toute sécularisation, particulièrement
incompatible avec les droits de l’Homme, tellement réfractaire à la modernité, que les
sociétés qui s’en réclament s’en trouveraient frappées d’inaptitudes structurelles à la
démocratie. »
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La réflexion contemporaine concernant le monde arabe semble donc
entièrement absorbée par la question politico-religieuse de sorte que cette polarisation
du débat intellectuel tend à imposer la religion comme unique explication de
l’incapacité des Etats arabes à se moderniser.
Malgré les rapports étroits établis durant les deux derniers siècles entre les Arabes et
les Occidentaux – permettant un large transfert d’idées
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et induisant un véritable
« phénomène de greffes des institutions politiques »
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–, les Etats de la Péninsule
arabique demeurent pour beaucoup résistants aux valeurs démocratiques. Certes, cette
importante influence intellectuelle a amené ces pays à adopter progressivement le
modèle d’organisation étatique, ainsi que le constitutionnalisme. Mais les
Constitutions élaborées sont souvent jugées comme des coquilles vides car elles
contiennent de très nombreuses références à l’Islam. Nonobstant, ces différents textes
fondamentaux, qu’ils aient été octroyés par les souverains – Constitution provisoire
du Qatar du 19 avril 1972
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, Constitution fédérale des Emirats Arabes Unis du 17
juillet 1971
16
et Constitution de l’Arabie saoudite de mars 1992
17
–, négociés sous la
forme d’un contrat entre le peuple et l’Emir – Constitution du Koweït du 11 novembre
1962
18
et Constitution du Bahreïn de 1973
19
, amendée le 14 février 2002
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– ou fait
l’objet d’un référendum – Constitution du Qatar du 29 avril 2003
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– répondent tous
matériellement à la définition communément admise dans les démocraties
occidentales de la Constitution
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. Ainsi, la totalité de ces Etats ont suivi le mouvement
universel de constitutionnalisation. Il s’est donc produit une dynamique des transferts
de normes entre les différents systèmes juridiques fonctionnant à l’intérieur de ces
sociétés, comme « un entrecroisement complexe de biens importés et de biens
conservés ou redécouverts »
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. Le pluralisme juridique est donc une caractéristique