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Propositions de recommandations
de bonne pratique
facilitant l’hospitalisation des patients
en provenance des services d’urgences
Rapport du Pr Pierre Carli
Président du CNUH
Animateur du groupe de travail
« Aval des urgences »
Septembre 2013
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1. Rappel de la mission
La mission ministérielle porte sur la proposition par le président du CNUH de
recommandations de bonnes pratiques facilitant l’hospitalisation des patients en
provenance du service des urgences.
Ces recommandations doivent concerner aussi bien les périodes de suractivité épisodiques
(hôpital plein) que l’activité habituelle de l’établissement. Les recommandations doivent être
partagées avec des représentants de l’ensemble de la communauté hospitalière. Cette
demande s’inscrit dans le cadre d’un objectif national permettant de diminuer le temps
d’attente aux urgences en améliorant l’aval.
2. Le contexte
L’encombrement des urgences est devenu une préoccupation nationale relayée par les
médias. Plusieurs réunions professionnelles (notamment les « Assises de l’urgence » de
SUDF en 2012) ont abordé ce sujet. Au cours de l’hiver 2012 – 13, une saturation importante
et durable des structures d’urgence (ou services d’urgences) a été constatée. Cette tension
perceptible partout a été critique dans certains services s’accompagnant d’un fort
retentissement sur le fonctionnement des structures, et émaillé de multiples réactions des
personnels et de démissions spectaculaires de chefs de services. Les médecins urgentistes et
plus généralement les professionnels de l’urgence ont identifié la responsabilité majeure de
l’aval des urgences dans ce phénomène. La prise de position de SUDF, assortie d’un préavis
d’actions syndicales, fixant une date butoir au 15/10/2013 pour que des solutions soient
trouvées, a confirmé la nécessité d’un plan d’action rapide.
3. La responsabilité de l’aval des urgences
Il est bien établi, notamment dans la littérature internationale, que la surcharge des services
d’urgences est un facteur de non qualité provoquant une morbi-mortalité supplémentaire et
allongeant la durée de séjour des patients. De même, des travaux internationaux objectivent
une relation directe entre la surcharge des urgences et la saturation des lits d’aval. Il est
donc admis que la saturation des urgences est avant tout la conséquence d’une saturation
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de tout l’hôpital. Le manque de lits d’aval disponibles est imputable à des causes multiples. Il
est souvent lié à une diminution saisonnière des sorties de l’établissement. Cette diminution
n’est pas uniquement causée par la fermeture de lits mais surtout liée à la gravité des
patients, à leur âge, aux poly pathologies dont ils souffrent et à des épidémies hivernales.
Ces patients nécessitent une hospitalisation qui impose le plus souvent le passage par une
structure d’urgence.
Le sujet de l’aval des urgences s’inscrit dans celui, plus large, du parcours de soins des
patients qui va devenir le fil conducteur de la tarification des soins, et un moteur important
de l’organisation hospitalière comme de la médecine ambulatoire. Les efforts réalisés sur la
limitation des flux des patients se rendant aux urgences (PDSA, Régulation Médicale du
SAMU Centre 15) ont leur importance, ils sont complémentaires de la réflexion sur l’aval,
mais ils dépendent de paramètres qui ne sont pas du domaine d’action des professionnels
hospitaliers. Le contrôle de « l’amont » en tentant d’empêcher la venue aux urgences de
patients qui « n’en n’auraient pas besoin » est un lieu commun dont l’effet en pratique serait
de toute façon limité (ne serait ce que par l’offre de soins ambulatoire existante). Cette
notion est renforcée par des études récentes qui ont montré que l’arrivée supplémentaire
de « malades légers » aux urgences influençait peu le temps de passage de l’ensemble des
malades, montrant l’inutilité de diminuer leur arrivée aux urgences pour diminuer les délais
d’attente. En conséquence, c’est principalement sur l’aval des urgences que la mobilisation
des professionnels hospitaliers peut donner des résultats.
Le problème de l’aval des urgences dépasse largement la difficulté exprimée par les
urgentistes de « trouver des lits ». Ce n’est pas un problème d’organisation ou une
défaillance des équipes médicales d’urgence. La saturation des urgences est avant tout un
problème de l’établissement de santé. Elle est le plus souvent la conséquence et non la
cause d’un défaut d’organisation de l’établissement. Un parcours de soins intra hospitalier
non optimisé, ayant pour conséquence une augmentation de la DMS, s’accompagnant par
exemple d’une mauvaise gestion du plateau technique et de la sortie des patients,
prédispose au manque de lits d’hospitalisation. Sous l’influence de facteurs externes,
saisonniers ou conjoncturels, ce point de fragilité conduit à la mise en tension de l’hôpital et
à la saturation du service d’urgence. Le dispositif qui doit être mis en place ne dépend donc
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pas de l’organisation du service des urgences et de son Chef de Service mais de l’ensemble
de la communauté médicale sous la direction du Directeur d’Etablissement (DG) et du
Président de la CME (PCME). De ce fait, la gestion de l’aval des urgences présente aussi de
nombreux intérêts pour l’ensemble de l’établissement. En effet, toutes les mesures qui
amélioreront le flux d’aval des urgences sont en fait des mesures qui optimisent le
fonctionnement de l’hôpital et l’accès aux soins. L’activité d’urgence est par définition non
programmée mais son flux est parfaitement prévisible et tout particulièrement son flux
d’aval. Elle peut donc être intégrée dans la gestion générale des lits de l’hôpital au même
titre que l’activité programmée. De ce fait la gestion de l’aval des urgences bénéficie à
l’ensemble de la collectivité médicale et pas seulement aux services d’urgences.
4. La méthodologie
La réflexion a été menée par le président du CNUH entouré d’un groupe de travail. Les
propositions ont été largement commentées par des membres du CNUH et des experts
extérieurs. En plus des entretiens et des commentaires des relecteurs, ces propositions ont
aussi intégrées les données de la littérature internationale, ainsi que les travaux et les
réflexions nationales disponibles notamment les actes des 1
ères
assises de l’urgence de
SUDF (Septembre 2012), les expériences exposées au cours du séminaire de la FHF sur l’aval
des urgences (Mai 2013). Les objectifs, la méthodologie et les principales recommandations,
ont été présentés aux réunions de la Conférence des présidents CME de CHU, des Directeurs
généraux de CHU, à l’assemblée du CNUH ainsi qu’à l’assemblée des ARS. La version de
septembre 2013 présentée a tenu compte des modifications et des commentaires adressés
pendant l’été.
5. Le format des recommandations proposées
L’objectif de la mission est de formuler des recommandations simples et concrètes destinées
à l’ensemble des établissements dont une partie au moins pourrait être mise en place avant
octobre 2013.
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A l’évidence il n’est pas possible de proposer « une recette » univoque et applicable à tous
les établissements. Les réalités du terrain, l’avancement de la réflexion et de l’implication
des communautés médicales, conduisent à proposer la création d’une stratégie locale,
formalisée par un plan d’action adapté à l’établissement mais basé sur des mesures
reconnues. Les recommandations mettent donc en exergue l’importance de l’implication de
la gouvernance locale (DG, PCME) pour lancer et entretenir la dynamique ainsi que celle de
l’ARS pour accompagner la démarche. Ces recommandations prennent la forme d’une
« boîte à outils » explicitant les techniques qui permettent la construction de la stratégie
locale.
La stratégie choisie doit en tout cas éviter des erreurs grossières qui peuvent être lourdes de
conséquences :
persister à croire que la saturation du service d’urgence n’est liée qu’à un
dysfonctionnement de ce service et que la résolution du problème ne dépend que de
cette structure.
confier la recherche et la gestion des lits d’aval des urgences au service d’urgence ou
à une structure qui lui serait exclusivement rattachée.
mettre au premier plan une démarche coercitive pour l’hôpital, au bénéfice des seuls
patients provenant du service d’urgence, ce qui attiserait un conflit déjà latent entre
l’équipe des urgences et le reste de l’établissement.
limiter la stratégie d’amélioration de l’aval des urgences au très médiatique « Bed
Manager », ce qui peut être très décevant en termes de résultats en l’absence d’un
cahier des charges strict, alors que c’est d’un « bed management » global dont
l’établissement a besoin.
Enfin, les recommandations sont synergiques avec les aides et le développement de
solutions qui bénéficient d’un support institutionnel. Ainsi, elles sont parfaitement
compatibles avec une participation au programme de l’ANAP portant sur le programme
national d’amélioration de la gestion des lits dans les établissements de santé lancé en Juin
2013. Elles sont aussi convergentes avec les « 15 propositions pour améliorer la fluidité des
parcours à l’hôpital » présentées à la conférence des directeurs généraux de CHRU et à la
conférence des présidents de CME de CHU en septembre 2013.
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