Sociologie des organisations

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Introduction
La sociologie des organisations est à la fois ancienne et récente.
Elle coïncide d’abord avec la naissance de la sociologie : l’intensification de la division du travail, le processus de spécialisation
dans les usines et les organisations bureaucratiques, les transformations des rapports sociaux et les principes sur lesquels
s’appuie la nouvelle société capitaliste industrielle et moderne
sont au cœur des observations et des efforts de théorisation
d’Émile Durkheim, de Karl Marx et de Max Weber, figures généralement reconnues comme fondatrices de la sociologie. Leurs
réflexions annonçaient la majorité des objets et champs d’étude
couverts par la sociologie du travail et des organisations. Marx
dénonce l’exploitation de la classe ouvrière et son aliénation en
analysant les relations entre le capital et le travail comme une
nouvelle forme de rapports sociaux. Weber constate le « désenchantement du monde » lié au processus de rationalisation croissante qui débouche sur le capitalisme et les organisations
bureaucratiques. S’inquiétant de la cohésion sociale, Durkheim
voit dans les interdépendances dues à la spécialisation une
nouvelle forme de division sociale du travail substituant la solidarité « organique » à la solidarité « mécanique ». Ces réflexions
ont porté également sur le développement de l’État qui se chargeait, de plus en plus, de réguler les rapports sociaux.
On peut également constater, comme le fait la majorité des
manuels, que la sociologie des organisations est née après la
Seconde Guerre mondiale, avec les recherches empiriques
menées aux États-Unis dans les années quarante, qui accompagnaient la prise de conscience du rôle crucial des « organisations
formelles complexes » dans tous les aspects de la vie sociale.
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SOCIOLOGIE
DES
ORGANISATIONS
L’apparition systématique de l’appellation « sociologie des organisations », dans les revues sociologiques et les départements de
sociologie, a même attendu les années cinquante.
Les démarches des sociologues américains ont été stimulées
par une première vague de recherches menées dans des établissements industriels dès les années vingt pour répondre à des
questions pratiques telles que la motivation et la productivité.
D’orientation psycho-sociologique, ces recherches ont inspiré à
la fois, directement, la sociologie industrielle et du travail et,
indirectement, la sociologie des organisations. Celle-ci a trouvé
sa propre voie dans les années quarante avec une deuxième
vague de recherches empiriques sur les bureaucraties industrielles et publiques. Ainsi, si la « théorie sociale » est plutôt européenne, l’approche organisationnelle revient aux sociologues du
Nouveau Monde. À son apogée, dans les années soixante, elle
cessera pourtant d’être une exclusivité américaine.
Le concept général d’organisation a permis aux sociologues
américains d’unifier des objets empiriques d’une grande diversité
(usines, services administratifs, hôpitaux ou autres institutions). Pour le définir, ils ont d’abord insisté sur des critères tels
que l’« orientation vers un objectif », le « choix des moyens » et
la « coordination des activités à l’intérieur d’une structure délibérée ». Dans un premier temps, ils se sont surtout intéressés au
fonctionnement des organisations et à l’influence de leur « structure » sur la dynamique de l’action de leurs « membres ».
Progressivement, ils ont estimé qu’elles pouvaient servir aussi de
laboratoire pour comprendre les interactions entre les
contraintes sociales et la liberté individuelle, les effets non intentionnels des décisions, les dynamiques de la coopération et du
conflit, les phénomènes de domination et de pouvoir. Autrement dit, ils ont voulu trouver dans l’organisation un pont qui
relie les niveaux « macro » et « micro », éternel problème de la
sociologie. Beaucoup d’eau a coulé sous ce pont depuis ces
premières tentatives et la sociologie des organisations n’a cessé
d’évoluer et de se renouveler. (On pourrait le constater à partir
de travaux récents sur les organisations. Pour ne citer qu’eux,
voir : [Bagla, 2002 ; Baum et McKelvey, 1999 ; Casey, 2002 ;
Clegg, 2002]).
Spécialisée, elle n’en reste pas moins, avant tout, une sociologie. L’objectif de toute démarche sociologique est de donner
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