La relation centrée myostabilisée

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La relation centrée myostabilisée
Un concept simple, physiologique et consensuel
■
J.D. Orthlieb / J.P. Ré / C. Perez / L. Darmouni / B. Mantout / G. Gossin / A. Giraudeau ■
i l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) constitue la position
occlusale de référence, la relation centrée (RC) constitue la position articulaire de référence. Le concept de relation centrée, utilisé en dentisterie depuis
1 siècle, représente un élément clé de
la pratique clinique quotidienne du fait
de la nécessité de disposer d’une position mandibulaire de référence indépendante des dents, mais il ne fait pas
l’objet d’un consensus. Depuis des
générations, de nombreuses écoles,
enfermées dans leurs certitudes, se
déchirent autour du concept de position de référence non dentaire : rela-
S
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tion centrée, relation myocentrée, position mandibulaire « énergétique », etc.
Ces querelles sont stériles, elles naissent surtout de méconnaissances élevant des murs d’incompréhension.
Chacune de ces conceptions possède
vraisemblablement une part de vérité.
Il y a 25 ans, Rudolf Slavicek [1] écrivait : « Pour un nombre non négligeable
de praticiens, les diverses thèses proposées ont engendré confusion, incertitude et finalement résignation au lieu
de la clarté et du pragmatisme
attendu. »
Pour Okeson, « la position articulaire
orthopédiquement stable » est obte-
nue lorsque les condyles sont dans
leur position la plus supéro-antérieure
dans la fosse articulaire ; elle est dite
musculo-squelettiquement stable [2].
Sans prétendre à une connaissance
universelle, une analyse objective, fondée sur les principes élémentaires de
l’anatomie, de la physiologie et de la
biomécanique, doit permettre de proposer un concept fédérateur par sa
logique et sa simplicité de mise en
œuvre. C’est l’objectif de cet article.
Les auteurs fondent leur théorie sur leur
expérience clinique et sur des arguments scientifiques faiblement validés :
il s’agit donc d’un article d’opinion.
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La relation centrée myostabilisée : un concept simple, physiologique et consensuel
Position de référence
indépendante des dents
Il existe un consensus : pour le
chirurgien-dentiste, la notion de position mandibulaire de référence indépendante des dents est incontournable.
Par définition, une position de
référence doit être reproductible. Cela
signifie que l’on doit pouvoir retrouver
exactement le même rapport maxillomandibulaire à différents moments,
que ce soit cliniquement ou à l’aide
des moulages des arcades dentaires.
Chez le sujet denté, sans malocclusion
majeure, la position mandibulaire dictée par l’OIM fournit une position mandibulaire stable, toujours la même,
généralement indépendante des tensions musculaires. Elle correspond
donc exactement au critère de reproductibilité que l’on attend d’une position de référence. Mais, pour tous les
acteurs de la sphère odontologique, il
est indispensable de disposer d’une
position mandibulaire de référence
indépendante des dents : soit parce
qu’elles sont absentes, soit pour évaluer la qualité de la relation maxillomandibulaire que ces dents induisent.
Une position mandibulaire de référence a les caractéristiques suivantes.
Elle est :
– non dentaire, c’est-à-dire indépendante de l’occlusion ;
– physiologiquement acceptable ;
– techniquement enregistrable ;
– reproductible en clinique ou au laboratoire.
Histoire de la relation centrée
La recherche d’une position mandibulaire de référence ne date pas d’hier.
Elle est passée d’une simple relation osseuse condyle-fosse à des
repères anatomophysiologiques plus
élaborés.
En 1905, pour Campion [3], la rotation mandibulaire « pure » est possible
jusqu’à 20 mm d’ouverture au niveau
incisif.
2
En 1929, Gysi [4] constate que l’apex
de son arc gothique représente la position mandibulaire la plus reculée non
forcée, position de départ reproductible, physiologique, des mouvements
mandibulaires.
En 1930, fondée sur l’observation
de crânes secs, la première définition
est donnée par la National Society of
Denture Prosthetics : « En position de
relation centrée, quand les têtes condyliennes sont dans une position la plus
postérieure et que des mouvements
de latéralisation sont encore possibles. »
En 1952, Posselt [5] définit la RC
comme la position limite des mouvements mandibulaires. Il confirme, à partir de la RC, le mouvement de rotation
« pure » : le mouvement axial terminal.
En 1971, Saizar [6] introduit la théorie discale et, pour Farrar [7], la RC est
la position la plus haute des condyles
pour laquelle un mouvement charnière
peut être enregistré « sans dérangement discal ».
En 1973, Lundeen [8] parle de
« powercentric » impliquant la mise en
tension du système musculaire.
En 1978, Moffet [9], au cours du symposium de Chicago, évoque une position mandibulaire limite la plus reculée, l’appui ligamentaire assurant la
reproductibilité.
En mars 1984, au symposium de
Newport, des notions biologiques, histologiques, physiologiques et anatomiques sont intégrées au concept :
« La RC n’est pas la position la plus
reculée, il doit y avoir interposition discale, il s’agit d’une position non forcée. »
En même temps, en mars 1984 à
Toulouse, le premier congrès du Collège national d’occlusodontologie
(CNO) énonce : « La RC correspond
à la situation de coaptation condylodisco-temporale haute, simultanée,
enregistrable à partir d’un mouvement
de rotation, obtenue par guidage non
forcé. » En 2001, il affine la définition
dans son lexique : « La RC correspond
à la situation condylienne de référence
correspondant à une coaptation
condylo-disco-temporale haute, simultanée, obtenue par contrôle non forcé.
Elle est réitérative dans un temps
donné et pour une posture corporelle
donnée et enregistrable à partir d’un
mouvement de rotation mandibulaire. »
Parallèlement, une école dite myocentrée, sous l’impulsion de Jankelson
[10], s’est opposée au concept de la
relation articulaire de référence. En
France, l’école dite fonctionnaliste,
représentée principalement par Jeanmonod [11] puis Abjean [12], adopte
une relation musculaire comme référence, nommée « relation habituelle de
fonction ».
Positions mandibulaires
Les positions mandibulaires déterminées uniquement par les muscles
sont instables, donc non reproductibles.
Depuis les années 1980, de nombreux travaux montrent que toutes les
positions mandibulaires maintenues
par le simple jeu musculaire (sans
appui dentaire ou squelettique) se
caractérisent par leur absence de
reproductibilité. Il est donc contre-indiqué de les rechercher comme position
de référence. La posture de repos et
la posture d’activité électromyographique minimale sont instables. Rugh,
en 1981 [13], a montré que la position
de repos induite par stimulation électrique transcutanée (myomonitor) différait de la position de repos clinique,
les deux n’étant pas reproductibles.
Les techniques d’électrostimulation
(TENS) aboutissent, de manière non
reproductible, à une position souvent
plus antérieure que l’OIM. La position
obtenue ne peut-être que dépendante
de multiples variables liées à une
stimulation indirecte de la masse
musculaire (place des électrodes par
exemple) [14]. La référence à la déglutition et à la phonétique est encore
plus aléatoire. La panoplie des tests
« énergétiques » semble montrer
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cliniquement une variabilité pour le
moins fantaisiste ; nous n’avons pas
connaissance d’expérimentation.
Si l’on exclut les appuis dentaires et
que l’on considère les muscles comme
incapables de stabiliser la mandibule
de manière reproductible, il est donc
nécessaire de confier ce rôle aux structures condyliennes. Il est indispensable
de remarquer également que des tensions musculaires peuvent largement
perturber cette stabilisation condylienne.
Mouvement axial terminal
Le mouvement axial terminal (rotation) est providentiel.
L’articulation temporo-mandibulaire
(ATM) a une double capacité de rotation et de translation. Ces deux mouvements élémentaires se combinent
systématiquement dans tous les mouvements spontanés [15]. Mais depuis
Campion en 1905 [16], on sait qu’il
existe une possibilité anatomique de
stabilisation des 2 condyles mandibulaires qui autorise un simple mouvement de rotation dite pure, c’est-à-dire
en l’absence de translation combinée [16, 17]. Ce mouvement de rotation est appelé mouvement axial terminal, il n’est possible que sur une
plage d’environ 10° [18, 19], ce qui
correspond à environ 10 à 15 mm d’ou-
verture au niveau des incisives. Ce
mouvement n’est possible que lorsque
l’axe bicondylien est parfaitement
stable. Appelé alors axe charnière, il
est en position dite de relation centrée.
McCollum a montré que cet axe pouvait être localisé de manière précise
[20]. Celenza [21] considère cette rotation comme la « providence du chirurgien-dentiste » car elle donne une
position mandibulaire stable, donc
reproductible, tout en permettant
l’abaissement et l’élévation mandibulaire, ce qui autorise son enregistrement. Ainsi, la mandibule peut être en
relation centrée alors que les dents
sont plus ou moins séparées.
Stabilité condylienne
La reproductibilité de la position mandibulaire signifie stabilité condylienne.
C’est la stabilité de la situation condylienne, à droite et à gauche, qui permet la reproductibilité de la position
mandibulaire. Cette stabilité condylienne en relation centrée, est-elle musculaire, osseuse, ligamentaire, musculaire ? Les condyles doivent s’appuyer
sur des structures anatomiques peu
déformables, non mobiles, pour permettre une position stable. C’est bien
là le problème des références musculaires qui ne peuvent constituer des
fig. 1 - Le mouvement axial terminal : mouvement de rotation
mandibulaire (élévation-abaissement) sur environ 10 à 15 mm
au niveau incisif.
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structures garantissant à elles seules
cette stabilité.
Stabilisation osseuse
Pour Stuart [22], la stabilité correspondait à un calage osseux (fig. 1 et 2).
Ce concept a abouti à la notion de position condylienne la plus reculée,
enchâssée au fond de la fosse mandibulaire (fig. 3 et 4a et b).
Stabilisation ligamentaire
Pour Ramfjord [23], la stabilité était
le résultat de la mise en tension ligamentaire, en particulier au niveau
du puissant ligament latéral avec sa
corde zygomato-mandibulaire [24].
Lauritzen [25] préconisait la manipulation dite en « tap-tap » destinée à inhiber le jeu musculaire du patient par la
rapidité d’un mouvement mandibulaire
répétitif entièrement réalisé par la main
du praticien. Des études cliniques comparatives intra-individuelles ont montré
la précision et la reproductibilité de cette
technique dite du push back [26, 27].
Okeson [28] remarque qu’une pression (même légère) vers l’arrière appliquée à la mandibule sépare le complexe condylo-discal du rebord
postérieur du tubercule articulaire (alias
éminence temporale), en particulier
dans les articulations présentant une
fig. 2 - L’observation d’un crâne sec donne une fausse idée de
la stabilité du condyle au fond de la fosse mandibulaire.
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La relation centrée myostabilisée : un concept simple, physiologique et consensuel
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fig. 4 - Sur ces clichés en OIM, l’IRM sagittale de 2 patients
différents montre :
a – une relation condyle-disque-fosse correcte pour le premier
patient ;
b – une désunion condylodiscale partielle avec rétroposition
condylienne et disque légèrement antérieur pour le deuxième
patient.
fig. 3 - Une image tomodensitométrique sagittale ne rend
absolument pas compte de l’ensemble fibreux en 3
dimensions qui caractérise l’ATM.
certaine laxité. Il souligne qu’en position condylienne la plus haute, il existe
un certain jeu sagittal mais que seule
la position antéro-supérieure est réellement stable, calée sur un point d’appui supérieur, antérieur.
Les ligaments empêchent la décoaptation, mais ne créent pas la coaptation articulaire.
De fait, les ligaments ne sont pas élastiques, ils ne coaptent pas une articulation. Ils constituent des limites (comme
des amarres) à certains déplacements
en en autorisant d’autres par défaut.
Naturellement, ces ligaments peuvent
êtres plus ou moins lâches ou distendus par la fonction. La loi de Sicher, citée
par Bell [29], énonce que dans toutes
les articulations, les os y participant sont
maintenus en contact articulaire étroit
par les muscles animant cette articulation et non par les ligaments. En conséquence, en relation centrée, il doit y avoir
coaptation condylo-disco-temporale
pour garantir la stabilité, et cette coaptation est donc en partie musculaire.
Situation donnée par le praticien
Pour Dawson [30], la situation de la
mandibule en RC, correspondant à un
calage structurel transversal (sur les
pôles condyliens médiaux), nécessite
une pression verticale et en avant exer-
4
cée par une manipulation bimanuelle
du praticien. La stabilité mandibulaire
transversale est anatomiquement
confirmée par Zola [31], la reproductibilité de la manipulation (dans un
nuage de points d’environ 1 mm de
côté) est, entre autres auteurs, confirmée par McKee [32]. Malgré ses qualités de reproductibilité, cette manipulation présente des inconvénients
majeurs de mise en œuvre :
– elle est directive voire coercitive, car
ce sont les muscles du praticien qui
sont activés pour positionner l’ensemble condylo-discal le long du tubercule articulaire ;
– elle a le désavantage de mobiliser
les deux mains du praticien, nécessitant la présence d’une assistante pour
marquer des contacts ou maintenir des
supports d’enregistrement ;
– le praticien est placé derrière le
patient, ce qui empêche tout contrôle
visuel direct (fig. 5 et 6).
d’amener physiologiquement la coaptation de l’ensemble condylo-discal le
long du tubercule articulaire lors des
mouvements de retour (fermeture,
rétropulsion) [1]. Ce groupe musculaire est parfois dénommé appareil tenseur du disque [33]. Coiffant la partie
antérieure de l’ensemble condylo-discal, cet ensemble est constitué des
fibres respectivement du chef supérieur du muscle ptérygoïdien latéral,
du muscle temporal et de la partie profonde du muscle masséter (fig. 7 et 8).
Bell disait que ce n’est pas au praticien de déterminer la position optimale
du condyle dans une articulation saine,
pas davantage aux rayons X ou aux
Situation donnée par le patient
lui-même
Nous savons, depuis 1986 avec Bell
[29] et depuis 1989 avec Okeson [28],
qu’il est possible d’obtenir, naturellement, le résultat recherché par la
manœuvre de Dawson. En effet, il
existe un ensemble musculaire chargé
fig. 5 - Les renforcements capsulaires
comme le ligament temporomandibulaire (document P. Carpentier)
empêchent la séparation mais ne créent
pas la coaptation articulaire.
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fig. 6 - La
manipulation
bimanuelle de
Dawson impose la
position
mandibulaire.
fig. 7 - Vue sagittale. Le muscle
ptérygoïdien latéral est globalement
propulseur par son chef inférieur
(point noir) alors que son chef supérieur
(point rouge), actif lors du retour vers
l’occlusion d’intercuspidie maximale, est
un frein coapteur, protecteur de
l’articulation (d : disque ; c : condyle)
(document R. Slavicek).
fig. 8 - Vue horizontale. L’appareil
tenseur de l’ensemble condylo-discal est
constitué par des fibres musculaires
insérées soit sur le disque, soit dans la
zone d’insertion discale sur la tête
condylienne (en blanc). Ces fibres sont
issues des muscles ptérygoïdien latéral
(chef supérieur, en rouge), temporal
(en jaune) et masséter (en vert)
(document R. Slavicek).
stimulations électriques. C’est la physiologie qui la détermine par l’action
musculaire complétée par le soutien
ou la restriction ligamentaire [27]. Des
expérimentations cliniques confirment
la reproductibilité de cette position
obtenue naturellement, sans influence
des contacts occlusaux ni manipulation forcée [32].
La direction en éventail antérieur des
forces générées par ces muscles stabilise sagittalement la position articulaire le long de l’éminence. Dans le plan
transversal, la stabilité est accentuée
par les pôles médiaux des 2 condyles,
comme le faisait remarquer très justement Dawson. Okeson évoque une
position musculo-squelettiquement
stable [1]. Mais, pour cela, le chef inférieur du muscle ptérygoïdien latéral doit
être inactif. Cette exigence constitue la
nécessité et la difficulté de la manipulation en relation centrée.
Tout mouvement mandibulaire spontané du patient provoque inévitablement une activité propulsive du chef
inférieur du muscle ptérygoïdien latéral. C’est la raison pour laquelle un individu ne peut se mettre en relation centrée tout seul et qu’une « manipulation »
incitative est indispensable.
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Obtenir cliniquement
la relation centrée
Il s’agit d’une mise en confiance agissant, au niveau central, par des explications et, au niveau périphérique, par
l’entraînement du mouvement et l’identification du contact prématuré (s’il
existe).
Relâchement postural du patient
L’obtention clinique d’un mouvement
axial terminal (rotation sans aucune
translation) impose une diminution
maximale de l’activité musculaire de
maintien postural (cervical et mandibulaire). Il est indispensable que le
patient dispose d’un appui cervicooccipital pour relâcher les muscles
maintenant la posture de la tête.
Lorsque le praticien maintient d’une
main l’arcade dentaire maxillaire, il
contribue nettement au relâchement
des muscles cervicaux. La position de
la tête du patient doit être dans le prolongement du corps, ni en extension
ni en flexion. Pour faciliter le travail du
praticien, le patient est assis sur un fauteuil incliné à environ 30°.
Le simple contact des doigts du praticien sur le menton induit également
un relâchement des muscles gérant le
maintien postural mandibulaire (fig. 9
et 10).
Information du patient
Préciser au patient quel est but de
la manœuvre quels moyens seront mis
en œuvre est un préalable à la manipulation. C’est la calme assurance du
praticien, son langage simple, clair et
doux qui inciteront à la mise en
confiance :
– « Placez-vous dans la position, toutes
les dents en contact » ;
– « Décollez légèrement les dents, c’est
la position de repos » ;
– « Ouvrez légèrement (environ d’un
doigt), refermez doucement en position de repos, sans venir en contact
avec les dents » ;
– « Enchaînez 4 ou 5 fois ce petit mouvement d’ouverture-fermeture. »
Le praticien droitier maintient de sa
main gauche la tête du patient par un
appui digital (entre le pouce et l’index)
au niveau des 2 canines maxillaires. De
la main droite (entre le pouce et l’index),
il crée un contact mentonnier léger et
accompagne les mouvements mandibulaires du patient. C’est le patient qui
réalise les mouvements, et non le praticien. La prise mentonnière a pour rôle
de permettre au praticien de percevoir
les éventuelles hésitations du mouvement qui signent l’absence d’un mouvement de rotation parfaitement « pur ».
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Le patient doit identifier le contact
prématuré :
– « Refermez doucement jusqu’au
contact dentaire » ;
– « Montrez-moi de quel côté vous touchez en premier » ;
– « Plutôt devant, plutôt au fond ? Montrez-moi où. »
Dès ce moment, le mouvement mandibulaire est « éclairé ». Cette information proprioceptive dentaire aide
considérablement au relâchement
musculaire du patient. Pour être en
complète confiance, celui-ci à besoin
d’identifier la cible du mouvement de
rotation, c’est-à-dire le contact en occlusion de relation centrée (ORC), dit
contact prématuré. Il prend conscience
de cette position (fig. 11).
fig. 9 - La posture
cervicale doit être
dans le
prolongement du
corps (a) et non en
hyperextension (b).
C’est le patient qui réalise les mouvements d’abaissement-élévation, car
ce sont ses muscles et non ceux du
praticien qui créent la stabilité articulaire.
Le rôle du praticien reste indispensable pour créer et vérifier l’obtention
des conditions favorables à la réalisation du mouvement axial terminal :
– amplitude de mouvement faible,
1 cm environ ;
– palpation mentonnière douce pour
« sentir » toutes hésitations (crispations
musculaires) et détecter toutes les propulsions ;
– le patient mobilise sa mandibule au
commandement du praticien :
« Ouvrez légèrement… Fermez doucement. »
fig. 11 - La
manipulation en
relation centrée est
un simple
accompagnement
tactile d’un
mouvement
homogène de
rotation de faible
amplitude (1 cm
environ), le
mouvement axial
terminal se
caractérisant par
l’absence totale de
translation.
6
fig. 10 - Lors de l’enregistrement de la
relation centrée, la main gauche du
praticien ne maintient pas que les
supports d’enregistrement en place, elle
stabilise également la tête contre l’appui
cervical, ce qui facilite le relâchement
musculaire global.
L’indispensable validation
La manipulation en relation centrée
restant toujours délicate, différentes
étapes de validation sont nécessaires.
Toujours assisté par le praticien, le
patient devient capable de retrouver
aisément cette position, de la conserver, pour permettre au praticien d’apprécier cliniquement le rapport occlusal global en RC et le trajet de la RC
vers l’OIM. Le praticien marque ce
contact en ORC avec un ruban marqueur (10 µm) et vérifie la reproductibilité de la marque. Si ce n’est pas le
cas, la position mandibulaire en RC
n’est pas stable.
L’ennemi de la manipulation en RC
est le recrutement du muscle propulseur : le chef inférieur du muscle ptérygoïdien latéral. Le point de contact
prématuré est repéré sur le schéma
occlusal de la fiche du patient.
L’enregistrement de la position
mandibulaire en RC est toujours à réaliser plusieurs fois (3 jeux de cire) pour
valider au laboratoire la reproductibilité des positions enregistrées. La
double base engrenée du moulage
maxillaire monté en articulateur constitue un amplificateur d’erreur qui constituera un deuxième niveau de validation.
La troisième étape réside dans
la comparaison de la localisation
du contact prématuré obtenu sur
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l’articulateur et celui noté sur la fiche
du patient.
Si ces trois étapes ne sont pas obtenues, cela signifie que le montage est
faux ou que la situation musculo-articulaire perturbée interdit d’obtenir une
RC stable.
En synthèse :
– première validation : reproductibilité
clinique de la marque du contact prématurité ;
– deuxième validation : reproductibilité de plusieurs enregistrements
contrôlés à l’aide de la double base
engrenée ;
– troisième validation : reproductibilité
de la localisation du contact en ORC
sur articulateur ou en clinique.
Relation centrée instable
Instabilité articulaire et tensions musculaires créent une relation centrée
instable. Le terrain mérite parfois d’être
assaini. Tout d’abord, il existe parfois
une très forte prématurité occlusale,
concernant souvent une dent égressée, en malposition, créant une dysharmonie des courbes occlusales.
Cette prématurité « d’évidence » doit
être corrigée d’emblée, souvent par
meulage ou extraction, avant de procéder à l’enregistrement de la RC
(fig. 12).
Un état inflammatoire intra-articulaire
ou péri-articulaire des tensions musculaires crée une activité permanente
du chef inférieur du muscle ptérygoï-
dien latéral qui empêche la réalisation
d’un mouvement de rotation homogène et interdit l’obtention d’une position de relation centrée. Si l’utilisation
extemporanée d’une butée antérieure
plate peut fréquemment relâcher les
tensions musculaires, une thérapeutique initiale occlusodontique permet,
dans bon nombre de cas, de retrouver des conditions pacifiées d’enregistrement.
Une relation centrée physiologique
sous-entend, au sens strict, l’intégrité
des deux ensembles condylo-discaux.
Cependant, dans les cas de désunion
condylo-discale chronique, il existe souvent une métaplasie tissulaire par
fibrose de la zone rétro-discale et par
aplatissement du bourrelet postérieur
qui permet de recréer des conditions
stables de fonction et d’obtention de
la relation centrée. Toutefois, le praticien doit être conscient que les capacités d’absorption des contraintes de
ces articulations sont vraisemblablement diminuées.
En l’absence de réelle articulation,
comme dans une fracture condylienne,
le praticien doit s’efforcer de trouver,
suivant le même principe de manipulation que précédemment, un compromis entre recherche d’un centrage
mandibulaire et stabilisation musculaire. Ce sont toujours des situations
de compromis, dont l’instabilité intrinsèque est à compenser par un parfait
calage occlusal.
Conclusion
fig. 12 - Troisième molaire égressée
créant une prématurité « d’évidence »,
sa correction immédiate est indiquée.
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Forte du concept de la relation centrée myostabilisée, la manipulation
mandibulaire en relation centrée
devient alors uniquement incitative, il
s’agit en fait d’un simple accompagnement mandibulaire en demandant
au patient de réaliser lui-même, lentement, quelques petits mouvements
d’abaissement-élévation (environ 1 cm
d’amplitude au niveau incisif approchant, sans l’atteindre, le contact
occlusal).
La relation centrée myostabilisée
• Position orthostatique du patient
et du praticien
• Point d’appui cervical
• Stabilisation faciale et mandibulaire par le praticien
• Mouvement de rotation exécuté
par le patient sous contrôle tactile
du praticien
• Éducation du patient : perception du contact prématuré, mise en
confiance
• Reproductibilité du mouvement
de rotation sans translation (sensation tactile)
Par ses perceptions digitales, le praticien vérifie l’homogénéité du mouvement de simple rotation caractérisé
par l’absence de crispations (oscillations verticales) et de translation (oscillations sagittales). C’est le patient luimême, en activant son propre
mouvement de fermeture, qui assure
la coaptation correcte de son ensemble
condylo-discal en haut, le long du
tubercule articulaire. L’appui cervical,
la stabilisation mandibulaire par le
contrôle mentonnier, l’information globale du patient par les explications, la
répétition de l’exercice et l’information
périphérique par l’engrammation de
la localisation du contact prématuré
sont autant de paramètres qui facilitent
l’obtention de la relation centrée. ■
Jean-Daniel Orthlieb - Professeur des Universités
Jean-Philippe Ré Christophe Perez - Assistant hospitalouniversitaire
Laurent Darmouni Bernard Mantout Gérald Gossin Anne Giraudeau - Maître de conférences des
Universités
Faculté de chirurgie dentaire de Marseille
Unité d’occlusodontologie
27, boulevard Jean-Moulin
13385 Marseille cedex 5
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La relation centrée myostabilisée : un concept simple, physiologique et consensuel
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les cahiers de prothèse
no 141
mars 2008
CDP141_P000_000_THE 18/02/08 11:53 Page 9
> XPress 6 Couleur
J.D. Orthlieb, J.P. Ré, C. Perez, L. Darmouni, B. Mantout, G. Gossin, A. Giraudeau
RÉSUMÉ Avec Slavicek et Okeson, le concept de la relation centrée est modernisé en comprenant mieux le rôle de chaque
structure articulaire. Les structures osseuses créent le cadre global permettant à la fois la stabilité et le mouvement. Mais ce
n’est qu’un cadre, une arène très ouverte en ce qui concerne l’ATM : beaucoup de mouvements autorisés donc peu de stabilité articulaire. La clé de la relation centrée est donc musculaire. Les ligaments ne sont pas élastiques, ils n’assurent pas la
coaptation. Ils constituent des limites (comme des amarres) aux déplacements en en autorisant d’autres par défaut. La loi de
Sicher énonce que dans toutes les articulations, les os qui y participent sont maintenus en contact articulaire étroit par les
muscles qui animent l’articulation. Le concept de manipulation mandibulaire vers l’arrière, issu des heures glorieuses de l’école
gnathologique, a été remplacé depuis les années 1980 (consensus de Newport aux États-Unis et congrès du CNO de Toulouse) par la recherche d’une coaptation en position haute. Le concept d’une inhibition totale des muscles du patient est rapidement apparu comme utopique, une activité musculaire de maintien postural étant toujours effective. Ainsi est apparue la
recherche d’une coaptation condylo-disco-temporale haute, mais vers l’avant, par une pression sous-angulo-mandibulaire,
objectif de la manœuvre de Dawson. Cette manipulation présente de nombreux inconvénients. Forte du concept de la relation centrée myostabilisée, la manipulation mandibulaire en relation centrée devient alors uniquement incitative, il s’agit en fait
d’un simple accompagnement mandibulaire en demandant au patient de réaliser lui-même, lentement, quelques petits mouvements d’abaissement-élévation (environ 1 cm d’amplitude au niveau incisif approchant sans atteindre le contact occlusal).
Par ses perceptions digitales, le praticien vérifie l’homogénéité du mouvement de simple rotation caractérisé par l’absence
de crispations (oscillations verticales) et de translation (oscillations sagittales). C’est le patient lui-même, en activant son propre
mouvement de fermeture, qui assure la coaptation correcte de son ensemble condylo-discal en haut, le long du tubercule articulaire. L’appui cervical, la stabilisation mandibulaire par le contrôle mentonnier, l’information globale du patient par les explications, la répétition de l’exercice et l’information périphérique par l’engrammation de la localisation du contact prématuré
sont autant de paramètres qui facilitent l’obtention de la Relation Centrée.
Mots clés À venir
SUMMARY Myostabilized Centric Relation: a simple, physiological and consensual concept
After Slavicek and Okeson, the concept of Centric relation has been modernized by understanding better the role of each articular structure. The osseous structures create the overall framework allowing both stability and movement. But this is only a
framework, a very open arena with regard to the TMJ: many allowed movements, thus little articular stability. A part of the key
to the Centric Relation is thus muscular. The ligaments are not elastic, they do not guarantee coaptation. They are limits (like
mooring ropes) to displacements while authorizing others by defect. Sicher’s law states that in all the joints, the relevant bones
are maintained in close articular contact by muscles that animate the joint. The concept of backwards mandibular handling,
resulting from the glorious hours of the Gnathologic School has been replaced since the Eighties (consensus of Newport in
the United States and congress of the C.N.O of Toulouse) by research of a coaptation in high position. The concept of a total
inhibition of the patient muscles quickly became utopian, a muscular activity of postural maintenance being always effective.
Thus research of a high condylar-disk-temporal coaptation appeared, though forwards, by a sub-mandibular pressure; which
is sought for by the Dawson manoeuvre. This handling shows many disadvantages. With this guarantee of the myostabilized
Centric Relation concept, handling mandibular in Centric Relation becomes only inciting, it is actually a simple mandibular
accompaniment while the patient is required to do, himself, slowly, some small up and down movements (approximately 1 cm
of amplitude at incisor level without reaching the occlusal contact). By his digital perceptions, the practitioner checks the homogeneity of the simple rotation movement characterized by the absence of contractions (vertical oscillations), and of translation
(sagittal oscillations). It is the patient himself, by activating his own closing movement, which ensures the correct coaptation
whole condylar-disk top along the articular tuber. Cervical support, mandibular stabilization by controlling chin, global information of the patient by the explanations, repetition of the exercise, peripheral information by engrammation of the premature
contact localization, are as many parameters which help to obtain the Centric relation.
Keywords À venir
Orthlieb JD, Ré JP, Perez C, Darmouni L, Mantout B, Gossin G, Giraudeau A. La relation centrée myostabilisée : un concept simple, physiologique
et consensuel. Cah Prothèse 2008;141:?-?.
les cahiers de prothèse
no 141
mars 2008
9
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