des arguments, à interpeller les médias ou les élus plus élevés que la moyenne de la
population. Ils sont également capables de solliciter en externe des compétences,
budgétaires, juridiques ou techniques qu’ils n’ont pas en interne.
Mais on remarque aussi des différences nationales. En effet, dans les oppositions aux
grands barrages en France, au Québec et en Turquie, par exemple, l’environnement et la
démocratie sont une constante des revendications des opposants, comme le sont les
références aux grandes ententes internationales, mais à un moindre degré en France, et
avec une couleur spécifique au Québec du fait des appels aux conventions sur les droits des
autochtones alors qu’en Turquie, les relations avec l’Union Européenne sont très présentes
dans les argumentaires.
Dans ces cas, on peut faire l’hypothèse, qui demeure à être explorée, que la structure
énergétique des pays a une influence sur les représentations des citoyens vis-à-vis de
l’énergie, notamment sur la question de la sécurité énergétique
. L’hypothèse conceptuelle
que l’on pourrait faire est qu’il existe une relation entre la culture politique nationale et la
structure énergétique et qu’elles auraient un effet sur les stratégies, les argumentations, le
niveau d’influence et les types d’acteurs impliqués dans les oppositions. Il semble que la
culture politique nationale expliquerait en partie la temporalité de la prise en compte et du
développement des normes de Développement Durable et Participatif (DDP) dans les
barrages, du type d’arguments mis de l’avant dans l’opposition ainsi que des stratégies
utilisées. Les québécois ont été les premiers à intégrer des procédures de concertation et
des normes environnementales – avec les évaluations d’impact - ce qui n’est pas étonnant,
vue la culture politique nationale canado-québécoise, basée sur la négociation et la
recherche de compromis. Une grande partie des contestations sont donc exprimées par le
biais de procédures formalisées et institutionnalisée, dans le cadre du Bureau des Audiences
Publiques sur l’Environnement au Québec.
Au niveau des stratégies d’opposition et de persuasion utilisées par les opposants, si
tous, bien entendu, visent à mobiliser la plus grande base de soutien possible par l’entremise
des medias, ils diffèrent de façon importante dans leurs relations aux instances de décisions.
Alors qu’au Québec les politiques publiques en matière d’évaluation environnementale et de
participation sont au premier plan, qu’il y existe une forte institutionnalisation, en France, on
observe plutôt la contestation et la revendication des principes ou des valeurs et ce malgré
l’obligation légale d’organiser des procédures de concertation. En Turquie, en raison de
l’émergence relativement récente de la démocratie, le recours au droit joue un rôle très
important, notamment le droit national mais aussi celui international. Les médias de ce pays
reprennent également avec force les enjeux environnementaux, mais de façon secondaire,
dans le sens que l’environnement représente un enjeu de démocratie plutôt qu’écologique.
L’analyse des refus des grands projets d’infrastructures en France a amené les
sociologues et politologues français à reprendre la notion de Not In My Backyard (NIMBY)
(« pas de ce projet chez moi ! ») issue des sciences sociales anglosaxonnes. Le NIMBY est
d’ailleurs un des grands thèmes de recherches de la sociologie depuis une trentaine
d’années. En effet, en analysant les motivations et les discours des opposants aux projet, les
sociologues se sont aperçus que, souvent, les acteurs ne s’opposaient pas au projet en soi
mais plutôt à celui qui les impactait spécifiquement. L’argument est avancé que l’éolien est
bien pour le climat, que c’est une énergie propre ; mais suivent ensuite, une série de contre-
W. Chou, A.Bigano, A. Hunt, S. La Branche, A. Markandya, R. Pierfederici.Consumer Valuation of Energy
Supply Security: An Analysis of Survey Results in Three EU Countries. Responsable de l‟enquête sociologique.
Projet coordonné par CEPS, pour la Commission Européenne. 2010.