Mini retraite du 21 Juillet 2016 à La Féclaz : à l’écoute des trois amis de la sagesse C. André (psychothérapeute),
A. Jollien (philosophe), Matthieu Ricard (moine bouddhiste) Page 2
1. Écouter, c’est être attentif et attentionné : Christophe André définit ainsi l’écoute : « Il me semble que l’on
pourrait définir l’écoute comme une présence sans parole face à autrui, pendant laquelle toute mon attention,
toute ma conscience, est tournée vers ce que dit autrui. » Écouter, c’est donc fixer toute mon attention sur
autrui, c'est-à-dire être vraiment attentif à ce qu’il me dit, rien perdre de ce qu’il me dit vraiment, penser à
tout ce qu’il me dit en cherchant à le comprendre ; mais c’est aussi être attentionné, être présent à l’autre,
lui être présent pas seulement avec ma tête qui cherche à comprendre mais avec mon cœur qui
s’attache à l’autre, l’accueille, l’aime tel qu’il est, tel qu’il se livre. Le contraire de l’attention, c’est la
distraction et l’absence. Quand je suis distrait, je n’écoute pas l’autre, je pense à autre chose que ce qu’il me
dit, je suis mes pensées qui vagabondent au lieu d’entrer dans la pensée de celui qui me parle. Et quand je suis
absent, je suis ailleurs que là avec lui, à côté mais pas avec lui, en parallèle mais pas en relation, pas en
communion avec lui. L’attention, c’est une communion de pensée, être « attentif » et une communion de
cœur, être « attentionné », présent à l’autre avec amour.
Écouter Dieu, être à l’écoute de Dieu, c’est pareil. C’est d’abord être attentif, faire attention à tout ce
qu’il me dit pour ne rien perdre et tout comprendre. Or, bien souvent, dans la prière, à la messe, dans les
célébrations, nous avons du mal à fixer notre attention, à être attentif, plein de distractions nous entraînent
ailleurs que face à Dieu. Et nous avons du mal à être attentionné pour Dieu, à être présent à Dieu, à être en
cœur à cœur avec lui : notre cœur reste fermé, imperméable, ou vide, ou rempli de soucis, d’inquiétudes, de
questions, de problèmes qui nous tracassent. Écouter Dieu c’est donc être attentif à sa parole et attentionné,
ouvert à sa présence avec un cœur rempli d’amour.
2. Écouter, c’est nous décentrer de nous-mêmes et nous centrer sur celui qu’on écoute.
« L’écoute est une démarche d’humilité écrit Christophe André, où l’on fait passer autrui avant soi-même. Les
grands narcissiques, toujours centrés sur eux, écoutent mal, et dans les moments où nous sommes anxieux,
euphoriques, ou habités par trop de préoccupations centrées sur nous-mêmes, nous ne sommes pas capables
d’une écoute de qualité. Même si nous pouvons parfois faire semblant d’écouter. » Pour bien écouter autrui, il
faut nous décentrer de nous-mêmes, donc faire abstraction de ce qui nous centre sur nous, mettre à distance
nos soucis, nos problèmes, nos préoccupations, nos joies, nos enthousiasmes, nos euphories, passer par-
dessus tout ça, l’éloigner de notre esprit et de notre cœur ; et il faut nous centrer sur l’autre qui nous parle,
accueillir ses soucis, ses problèmes, ses préoccupations, ses joies, ses enthousiasmes, ses peines,
ses élans, ses révoltes, ses cris, l’accueillir lui en nous à la place de nous-mêmes.
Pour bien écouter Dieu, être à son écoute, il faut nous décentrer de nous, de ce que nous avons envie de lui
dire, de ce qui nous habite, pour nous centrer sur Lui, nous laisser habiter par Lui, par ce qu’il est. Autrement
dit, pour bien écouter Dieu, il faut faire le vide en nous, le vide de nous-mêmes, de notre ego, pour nous
laisser remplir par Lui, par ce qu’il est. Écouter Dieu c’est l’écouter Lui pour Lui et non pour ce qu’on voudrait
qu’il nous dise ou nous apporte.
3. Écouter, c’est respecter la parole entendue, la parole d’autrui et la parole de Dieu : « Respecter la parole,
explique Christophe André, c’est d’abord ne pas juger ce que nous dit l’autre pendant que nous l’écoutons ; et
c’est très difficile. Automatiquement nous avons tendance à porter un jugement : nous apprécions, n’apprécions
pas, nous sommes d’accord, pas d’accord, nous trouvons que c’est juste ou idiot. Difficile d’empêcher ce
jugement d’arriver à notre esprit, mais chaque fois qu’on le remarque, on peut le noter et s’en détacher, pour
revenir de son mieux à une véritable écoute ! »
Voilà le problème que nous avons tous : quand on écoute quelqu’un, on porte un jugement sur ce qu’il dit,
on évalue : « c’est bien, c’est mal ; c’est vrai, c’est faux ; c’est juste, c’est injuste ; … » Au lieu d’écouter,
d’accueillir ce qui est dit tel que c’est dit, on le transforme en le jugeant, du coup on écoute moins. Pire
ce que l’autre nous dit nous fait penser à ce qu’on a vécu nous-mêmes : « il m’est arrivé la même chose que
toi, j’ai connu ça, j’ai vécu la même chose que toi, pire que toi, mieux que toi, etc… » Au lieu d’écouter l’autre,
on écoute et dit ce que la parole de l’autre réveille en nous, on s’écoute soi-même au lieu d’écouter