Parodie avec Picasso : les Ménines
Peindre d'après l'œuvre d'un autre permet de disposer de formes sans se préoccuper de
leur référence paralysante à la réalité ou à un thème auquel on se soumettrait pour le
représenter ou l'illustrer. Le tableau « emprunté » est alors un matériau de travail.
Le tableau de Vélasquez, « Les Ménines », préoccupait Picasso depuis longtemps.
C'est un tableau-piège, et cela devait exciter prodigieusement Picasso.
Du 17 août au 30 décembre 1957, il en exécute cinquante-huit variantes.
Dans cette parodie du tableau de Vélasquez, tous les éléments s'y trouvent dans une
atmosphère monochrome bleu gris acier qui désarticule et restructure la pièce où la
lumière entre à flots. Le peintre, à gauche, est devenu une sorte de totem chevelu,
barbichu et moustachu ; au fond il y a la silhouette du courtisan en cape qui s'en va par
une porte ouverte ; à l'extrême droite, au premier plan, une sorte d'ectoplasme cerné
d'une arabesque et son chien (le teckel Lump). De gauche à droite, Picasso a de plus en
plus simplifié les figures. L'essentiel de l'œuvre du Prado est respecté, et seuls les rapports
plastiques sont modifiés par le format, en largeur chez Picasso alors que chez Vélasquez il
est en hauteur.
Picasso a travaillé le langage pictural, non sur la réalité, un événement quotidien ou un
mythe de son époque mais en démontant le mécanisme du tableau de Vélasquez. Il a isolé
un personnage ou un groupe, l'a restructuré, a joué avec les formes, a introduit des
relations. Comme s'il avait ouvert une montre et étalé les rouages sur la table.