VI PHÉNOMÉNOLOGIE ET PROSPECTIVE
réel, en vue d'une action future. Nous avons ensuite réuni sous
le titre « La situation de l'homme » quelques articles qui, sans être
directement centrés sur le problème du temps, servent en quelque
sorte de toile de fond à l'analyse phénoménologique qui révèle ses
possibilités et ses promesses dans la troisième partie. Il était enfin
naturel de réserver la dernière partie aux articles les plus importants
consacrés à la description de la prospective, de ses méthodes et de ses
premiers éclaircissements.
Ainsi l'ordre chronologique n'a pas été, pour l'ensemble du
livre, respecté. Toutefois il a élé presque toujours suivi à l'intérieur
des trois premières parties. La quatrième partie ne comprend que
des textes publiés après 1957 ; il était normal de les disposer selon
leurs sens respectifs.
Mais, nous tenons à le répéter, cette présentation dont nous
sentons les faiblesses n'a qu'un objet véritable : attirer l'attention
sur des écrits intéressants, qui sont tous, à divers degrés, autant de
pressentiments de ce qu'aurait pu être l'œuvre achevée de Gaston
Berger. Il est vrai qu'une œuvre est toujours plus ou moins inachevée
et renvoie à un au-delà idéal. Dans le cas présent, ne restent en
face de nous que des images dispersées, fragmentaires — témoi-
gnages émouvants de ce qui aurait pu exister — sollicitations à
aller plus loin et à relever le flambeau tombé. Tel est le sens que
nous voulons donner à celte nouvelle publication ; elle exprime une
fidélité qui est à la fois, comme l'aurait certainement souhaité
Gaston Berger, mémoire et imagination — loyauté à un homme
et à des idées et, en même temps, vision d'un avenir qui éclaire un
passé soudainement transmuté et transvalué. Tel est aussi le sens
que nous donnons à ce devoir de fidélité envers un homme et ses
œuvres.
La fidélité est par elle-même valeur, mais valeur pour des
valeurs et en relation avec une actualité. Ce livre posthume de
Gaston Berger répond, croyons-nous, à un besoin — à un besoin
voisin de celui qui poussait l'auteur à méditer sur le temps. On
peut dire sans doute que tous les problèmes philosophiques sont
actuels, puisqu'ils mettent en cause la nature et le destin de l'homme.
Mais l'actualité a ses degrés, et surtout ses moyens privilégiés
d'expression ; de là l'histoire, capricieuse, en apparence, des pro-
blèmes philosophiques — de leurs sommeils provisoires ou de leurs
réveils soudains ; ils ressemblent à des volcans éteints qui brutale-
ment deviennent actifs et bouleversent l'image de la Terre. Je crois
qu'il en est bien ainsi, aujourd'hui, du problème du temps. Il a
certes sa propre histoire, sa genèse même, sa maturation lente et
secrète depuis le XVIIe siècle, avant le moment où il a atteint