Alors que le diagnostic prénatal (DPN) pose le problème
éthique de la sélection des enfants à naître, le diagnostic pré-
implantatoire permet un choix prégravidique parmi les
embryons conçus. Cette possibilité de sélection des embryons,
ainsi que la maîtrise de plus en plus pointue du génome
humain, provoque l’inquiétude et fait craindre une quelconque
dérive eugénique jetant ainsi l’anathème sur cette pratique.
Seules la conscience et l’éthique des professionnels interdisent
cette dérive.
Quels critères peuvent permettre de justifier un DPI ?
Tout simplement les mêmes que ceux qui conduisaient à prati-
quer un DPN. Lorsque le diagnostic d’une pathologie grave ou
incurable est fait et qu’une IMG est décidée, la crainte de la
réapparition de cette pathologie à la grossesse suivante
conduira à pratiquer un DPI.
Toutefois ce n’est pas parce que la technique existe qu’il faut
l’utiliser à toutes les fins. Certaines situations semblent inac-
ceptables et ont été refusées de façon consensuelle en France :
le recours au DPI pour sauver un autre membre de la fratrie
comme dans la conception d’Adam. L’enfant est souhaité non
pour lui-même mais dans l’intérêt de son frère, quel pourra
être son vécu psychologique d’adolescent s’il s’avère qu’il est
né trop tard ou que sa naissance n’a pas suffi pour sauver son
frère ou sa sœur ?
Le DPI est un atout majeur par rapport au DPN mais il ne doit
pas conduire à une réification de l’embryon ou à une instru-
mentalisation extrême de ce dernier.
La grande interrogation reste celle du statut de l’embryon et de
la détermination des conditions de recherche sur l’embryon,
faut-il se contenter d’une recherche sur les embryons congelés,
ce qui est très limitatif, ou faut-il accepter l’idée de la création
d’embryons à des fins de recherche sachant que ceux-ci ne
seront jamais réimplantés ?
LA RECHERCHE SUR LES CELLULES SOUCHES
L’assistance médicale à la procréation (AMP) est un progrès
incontestable dans le soulagement de la détresse des couples
en désir d’enfants.
L’AMP a induit l’apparition et le développement des techniques
dérivées comme le DPI, le clonage reproductif et thérapeutique
et des produits dérivés comme les embryons congelés.
Demeure la question du statut de l’embryon, de ce “grumeau”,
cet “amas” de cellules (4 ou 8 en éprouvette) qui peut devenir
un être humain.
La recherche sur l’embryon est une avancée dans le domaine
de l’AMP car cela permet de savoir quels sont les embryons
indemnes ou porteurs sains. Ce qu’il paraît nécessaire et indis-
pensable de combattre à tout prix sont les recherches “futiles”
sur les cellules embryonnaires.
La recherche est justifiée et justifiable si, et seulement si, elle
est faite dans un but cognitif et thérapeutique. Se pose ic,i en
effet, la question du statut de l’être prénatal, embryon et fœtus :
est-ce une chose ? est-ce une personne ?
Cette dualité découle de la lecture de l’article 16 du Code civil :
“La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte
à celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le com-
mencement de sa vie” la personne apparaît à la naissance,
l’être dès la conception. Pourtant l’être prénatal n’est pas une
personne puisqu’on peut le détruire (IMG, IVG) mais il n’est
pas une chose car il est potentiellement un homme.
Si on pousse plus loin l’assertion, la vie existe dans les ovo-
cytes et les spermatozoïdes, donc il faut respecter ces cellules
dans le principe qu’elles sont des êtres humains potentiels.
Aura-t-on alors plus de respect pour des cellules que pour
l’être vivant qui n’est pas encore une personne puisqu’il n’est
pas encore né ?
LE FŒTUS : ÊTRE OU PERSONNE
L’enfant de remplacement
Comme on l’a vu précédemment, le DPI peut permettre (pas
en France toutefois) d’engendrer une vie qui permettra la sur-
vie, la thérapie ou la guérison d’un membre de la fratrie déjà
né et malade.
Donner la vie dans ce contexte relève-t-il d’un désir profond
de l’enfant pour lui-même ou de la production d’une vie pour
en maintenir une autre ?
Qu’elle va être la place de cet enfant donneur en cas de réus-
site, en cas d’échec ?
Comment cet enfant donneur pourra-t-il se positionner dans sa
relation à ses parents ? à l’enfant receveur ?
Au-delà du soulagement de la douleur des parents (perte d’un
enfant évitée, remplacement d’un enfant décédé) peut-on
concevoir dans l’enfant de remplacement, un enfant qui serait
présent non pour lui-même mais pour combler le vide laissé
par un frère ou une sœur ?
Le pédopsychiatre est là pour s’occuper de la souffrance des
parents lors de la perte d’un enfant, de l’enfant dans sa situa-
tion de donneur ou de remplacement. Il n’est pas là pour gom-
mer la souffrance, la faire disparaître à l’aide d’anxiolytiques
ou d’antidépresseurs mais pour la reconnaître, l’accompagner
et permettre, au-delà de l’acceptation de certaines limites
(celles de la science, de la vie), d’affronter les émotions sans
les fuir.
Arriver à cette prise de conscience, à ce dialogue, relève sou-
vent de l’exploit.
Positions religieuses
La non-instrumentalisation de l’embryon reste toutefois au
centre des débats éthiques, débats qualifiés souvent de falla-
cieux par ceux-là même qui prétendent que l’attente de
l’enfant à travers le désir des parents relève d’une certaine ins-
trumentalisation (fondation d’une famille, liens sociaux, etc.)
Kant ne niait pas cette “réification” de l’homme, lui qui pro-
fessait : “Agit de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien
dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours
en même temps comme une fin et jamais simplement comme
un moyen”.
La dérive utilitaire cherche à maximiser le bien-être social et à
minimiser les écarts entre les individus mais n’est-ce pas au
mépris du principe kantien de la fin en soi ?
Dans la religion hébraïque l’enfant n’est qu’à venir. L’allégo-
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 286 - novembre 2003