La matière organique: les échanges entre réservoirs

publicité
Année 2008-2009
Organic matter
Cours de
Sédimentologie approfondie
(GEOL-F - 421)
Xavier Devleeschouwer
La matière organique: introduction
La matière organique est une composante banale des roches. Elle est présente dans
presque tous les types de roches mais en concentration très faible.
La granulométrie joue un rôle essentiel: les sédiments les plus fins présentent quasi toujours
des concentrations plus élevées en Carbone Organique Total (COT).
- les sédiments carbonatés contenant au moins 0,3 à 0,6 % de CO et
- les sédiments argileux contenant au moins 1 % de CO
>>> sont des roches-mères potentielles des pétroles
Quelle est l’origine, la composition et la répartition de la matière organique ??
La matière organique c’est essentiellement du carbone, élément fondamental de la chimie du
vivant avec l’hydrogène, l’oxygène, l’azote et le phosphore
Couche K
(n=1)
Couche L
(n=2)
Atome de carbone (C)
- n° atomique: 6
- masse atomique: 12,011
- isotopes stables: 12C, 13C
- isotope radioactif naturel: 14C
6 électrons (e-) dont 4 électrons célibataires qui interviennent
dans les liaisons de covalence, le carbone est tétravalent
La matière organique
Chaque atome de carbone peut former des liaisons covalentes fortes et partage 1, 2 ou 3
électrons de sa couche externe formant ainsi des liaisons carbonées simples, doubles ou
triples.
Le carbone minéral correspond au carbone oxydé
CO2 (+4) ou CO (+2)
CaCO3 (+4) ou FeCO3 (+4)
Le carbone organique correspond à la forme réduite du carbone
CH4 (-4)
Les différentes formes allotropiques du carbone pur dans la nature:
diamant, graphite, les fullerènes et le carbone amorphe
[ La propriété de certains corps purs de se présenter sous plusieurs
formes cristallographiques selon la valeur de la température ou de la
pression, voire selon leurs modes de formation s’appelle l’allotropie ]
La matière organique
Le diamant (système cubique) se retrouve dans les kimberlites et dans certaines roches issues d’un impact
d’astéroïde.
La structure tétraédrique est très résistante, il est utilisé sur les scies des roches et sur les têtes de trépan de
forages.
Le graphite se retrouve dans les roches métamorphiques (micaschistes et gneiss). La structure hexagonale
disposée en feuillets (plans parallèles).
Il a une bonne conductibilité électrique et thermique. Il est utilisé comme lubrifiant, comme électrode dans les
piles et comme « mine » des crayons.
La matière organique
Représentation de la molécule la plus courante de fullerène comportant 60
atomes de carbone dont l’assemblage ressemble à un ballon de football.
Certaines molécules comportent jusqu’à 400 atomes de C. Ces molécules
synthétiques sont utilisées dans les applications industrielles comme
superlubrifiants et supraconducteurs.
Des fullerènes naturels sont décrits par après dans:
- des shungites [ roches métamorphiques très riches en matière organique
datant de 2 Ga ]
- des fulgurites [ roches vitreuses formées lorsque la foudre atteint un sol
constitué de grains siliceux comme le sable, le grès … ]
- des impactites [ roches formées lors de l’impact d’un astéroïde ]
- les dépôts de la limite Crétacé-Tertiaire et Permo-Trias
- les météorites carbonées
Le carbone amorphe (contient des traces d’hydrogène et d’oxygène) est produit par décomposition
thermique de substances carbonées et durant les incendies si la combustion des matières organiques est
incomplète. On retrouve ces noirs de carbone naturels dans les charbons, dans les sols et les sédiments
marins.
La matière organique: le cycle du carbone
Le cycle du carbone
Il correspond à l’ensemble des étapes
où des processus biologiques et
géologiques permettent des stockages
plus ou moins longs du carbone dans
différents réservoirs et des transferts
entre ces réservoirs.
- le réservoir atmosphérique est le
plus petit (750 Gt)
- le réservoir océanique contient 38
000 Gt de carbone dissous dont 1000
Gt sous forme organique
- le réservoir continental comprend
la
biomasse
végétale
vivante
(moyenne de 550 Gt) et le carbone
des sols (moyenne de 1500 Gt)
reprenant les litières et les tourbières.
La proportion de carbone minéral est
mal connue (de l’ordre de 1100 ±
700Gt)
- le réservoir lithosphérique est le
plus important et comporte les sousréservoirs:
- des R sédimentaires (80x106 Gt
de Cinorg et 14x106 Gt de Corg),
- des R endogènes (40x106 Gt de
Cinorg et 9x106 Gt de Corg) et
- du manteau supérieur (estimée à
400x106 Gt de C)
Estimation de la taille des différents réservoirs superficiels du
carbone en (Gt de carbone) et les échanges entre ces réservoirs
d’après Baudin et al., 2007
La matière organique: les échanges entre réservoirs
Les échanges entre réservoirs:
- océan <-> atmosphère,
ils sont contrôlés par la différence de
pression partielle de CO2 (pCO2) entre
l’atmosphère et les eaux de surface
des océans: elle est en équilibre au
cours des premiers mètres puis
augmente progressivement jusque vers
1000 m de profondeur. Le cycle du C
est fortement influencé par l’activité
biologique dans la zone euphotique et
par les circulations océaniques.
On peut résumer en disant que les
zones de downwelling constituent
des puits de CO2 et les zones
d’upwelling côtiers ou équatoriaux
sont des sources de CO2.
Globalement,
l’océan
absorbe
environ 2 Gt de C annuellement !!
Estimation de la taille des différents réservoirs superficiels du
carbone en (Gt de carbone) et les échanges entre ces réservoirs
d’après Baudin et al., 2007
La matière organique: les échanges entre réservoirs
respiration / décomposition
40-60 Gt de C
Dégradation bactérienne
Feux de forêt
Érosion mécanique et
chimique des sols
Atmosphère
Végétation
90-120 Gt de C /an
50-60 Gt de C
Sols / Litière
45-50 Gt de C
Les échanges entre réservoirs:
- biosphère continentale <-> atmosphère,
ils impliquent la végétation et les sols. La photosynthèse utilise l’énergie du rayonnement solaire pour
transformer le CO2atm en Corg dont une partie est relâchée par la respiration et la dégradation des végétaux
morts (bilan 50-60 Gt de C consommés).
La matière organique végétale morte est incorporée dans la partie superficielle des sols: la litière où
s’accumule cette matière organique. Seuls 45-50 Gt de C sont produits ce qui implique des sorties à travers
la dégradation par les bactéries (respiration hétérotrophe), les feux de forêt, la consommation par les
herbivores ainsi que l’érosion mécanique et chimique des sols.
La matière organique: les échanges entre réservoirs
respiration / décomposition
40-60 Gt de C
Dégradation bactérienne
Feux de forêt
Érosion mécanique et
chimique des sols
Atmosphère
Végétation
90-120 Gt de C /an
50-60 Gt de C
Sols / Litière
45-50 Gt de C
Les échanges entre réservoirs:
- biosphère continentale <-> atmosphère (suite au niveau des sols),
La pression partielle de CO2 produit par la dégradation de la MO dans les sols est 100 fois plus importante
que dans l’atmosphère. Le CO2 est dissous dans les eaux d’infiltration et les acides organiques contribuent à
augmenter le pH ce qui favorise l’altération chimique des roches tant carbonatées que siliciclastiques.
Le lessivage libère 0,29 Gt (dissolution des R carbonatées) + 0,14 Gt (altération des R silicatées) soit 0,45
Gt de CO2.
La matière organique: les échanges entre réservoirs
- continent <-> océan
Les échanges sont assurés par le cycle hydrologique et l’érosion (chimique et physique) tant des sols que
des roches. Quatre sources différentes d’apport en C par les fleuves vers les océans:
- 1°) le carbone organique dissous (COD). Ce sont les formes dont la taille est < 0,5 µm.
- 2°) le carbone organique particulaire (COP)
- 3°) le carbone inorganique dissous (CID) essentiellement sous la forme HCO3- 4°) le carbone inorganique particulaire (CIP)
Les auteurs s’accordent sur un flux total annuel de 0,9 Gt de C amené par les fleuves.
Pour la lithosphère:
- une partie du carbone (Cinorg + Corg) est piégée dans les sédiments carbonatés et dans les sédiments
deltaïques (Corg) et les cônes sous-marins.
- une partie du carbone est rejetée par le volcanisme -> source pour l’atmosphère ou pour l’océan par le
biais de l’activité des dorsales océaniques
La matière organique: les échanges entre réservoirs
Quel est le temps de résidence du C dans les différents réservoirs ?
Réservoirs
Taille (Gt C)
Temps de résidence (ans)
Atmosphère
750
4
Océan
38 000
430
Végétation
550
5
Sols (Corg)
1 500
27
Sols (Cmin)
1 500
7
Croûte terrestre (Cmin)
120 106
325 106
23 106
290 106
4 000
600
Croûte terrestre (Corg)
dont combustibles fossiles*
*600 ans correspond à l’épuisement total des combustibles fossiles en poursuivant le rythme actuel
Il existe donc une différence fondamentale entre les réservoirs superficiels
et les réservoirs géologiques. Elle correspond également à la taille des
réservoirs.
La production de matière organique
La production de matière organique
Le processus de la photosynthèse est le processus de formation de molécules composées d’un squelette
d’atomes de carbone auquel s’associe un groupement d’hétéroatomes soit d’autres atomes comme O, S, P et
N.
La photosynthèse est la réaction suivante :
6 CO2 + 6 H2O
C6H12O6 + 6 O2
Les êtres vivants sont constitués de plusieurs types de molécules organiques produites par synthèse
biologique
La production de matière organique
- Les protéines: polymères d’acides aminés associés les unes aux autres par des liaisons peptidiques. On
parle de peptides et de polypeptides quand le composé est formé d’un nombre restreint ou important d’acides
aminés.
- Les glucides (ou hydrates de carbone ou les sucres) regroupent les sucres et leurs polymères qui sont
synthétisées par les plantes et certaines bactéries. Les autres êtres vivants ne sont pas capables de les
synthétiser ce qui explique la chaîne alimentaire. Chez les végétaux, la cellulose est un polymère de glucose.
- Les lipides ou les graisses sont des composés insolubles dans l’eau. Leur dégradation libère de grande
quantité d’énergie.
- La lignine qui imprègne la paroi des vaisseaux du bois et de diverses cellules végétales les rendant
résistantes, imperméables et inextensibles.
- Les tanins et les pigments
ƒ les plantes supérieures sont formées en majeure partie de cellulose et de lignine.
ƒ les lichens, les mousses et les plantes aquatiques sont formées essentiellement de glucides.
ƒ le plancton marin et lacustre (algues microscopiques) est composé de protéines et de glucides.
ƒ le zooplancton marin est composé de lipides (40%).
ƒ les bactéries sont formées de protéines et de polysaccharides et de lipides.
La MO terrrestre
Sur les terres continentales, la production primaire est assurée par les végétaux supérieurs, par les algues
(comme celles qui vivent en symbiose avec les champignons comme les lichens) et les bactéries.
Des estimations de la biomasse végétale et de la MO des sols des 10 grands types de végétation terrestre et
donc de ces 10 écosystèmes permettent d’avoir une idée de la masse de C/m² à la surface de la Terre.
Les forêts intertropicales et équatoriales sont les écosystèmes les plus riches en C avec plus de 20 kg C/m².
La MO terrrestre
La répartition géographique de la production primaire terrestre suit donc une logique climatique évidente. Par
contre, la MO dans les sols montre une répartition différente puisque ce sont les prairies et les toundras qui
sont les plus riches. Les tourbières sont des écosystèmes particuliers où s’accumule de la MO sur plusieurs
mètres d’épaisseur.
La MO terrrestre
Les tourbières
Ce sont des écosystèmes de zones humides dans lesquels les conditions écologiques et bioclimatiques
permettent l’accumulation en conditions anaérobies de MO à divers stades de décomposition. La production
végétale in situ est supérieure à la décomposition de la MO. Le bilan hydrique est positif (pluviosité et neige >
drainage). L’épaisseur du sol doit être au minimum de 30-45 cm pour que l’on parle de tourbe.
On trouve des tourbières dans l’hémisphère nord (50-70° de latitude), précipitations importantes et T° basses
sont deux critères clés. La formation de la tourbe requiert de l’altitude, une topographie ainsi que des apports
en éléments nutritifs soit par le ruissellement, la nappe phréatique ou les apports atmosphériques.
La MO terrrestre
On distingue plusieurs types de tourbières selon le système d’irrigation:
- les tourbières ombrogènes alimentées par les pluies, dites hautes sont pauvres en éléments nutritifs. Ces
tourbières ont donc un pH très acide dominées par les sphaignes et les bruyères (pas d’arbres). On parle de
tourbières bombées.
- les tourbières topogènes alimentées par la nappe phréatique ou les eaux de ruissellement. Celles-ci
peuvent être acides ou alcalines, riches (eutrophes) ou pauvres (oligotrophes) en éléments nutritifs. Ces
tourbières sont qualifiées de soligènes si elles se développent avec un suintement, de limnogènes si elles
se développent en relation avec une nappe d’eau captive (lac, étang), de fluviogènes en liaison avec une
nappe alluviale ou thalassogènes en relation avec des mangroves où se mélangent eaux douces et salées
dans les régions tropicales.
Elles représentent 3% de la
surface
des
terres
émergées mais 40% de la
masse totale de C des sols.
On les retrouve en Sibérie,
Canada et Scandinavie +
Indonésie
(tourbières
tropicales).
La MO terrrestre
Image prise depuis le site
http://www.pole
http://www.pole--tourbieres.org/
tourbieres.org/typologie.htm
La MO marine
La répartition de la MO vivante dans l’océan est difficile mais l’une des méthodes consiste à mesurer la
quantité d’adénosine-triphosphate (ATP) qui est une molécule constituant universel du vivant.
La biomasse végétale peut aussi être estimée par les satellites en mesurant les pigments photosynthétiques
comme la chlorophylle en dressant des cartes de la concentration chlorophyllienne dans les eaux de surface
à l’échelle globale.
La MO marine
Dans les océans, la productivité primaire est limitée par la pénétration de la lumière et la disponibilité en
nutriments (nitrates, phosphates, silicates, Fe, Zn, Co…).
La production primaire totale (estimée à 50 Gt/an) est la somme de la production regénérée (biomasse
produite à partir des nutriments provenant du recyclage de la MO dans la zone euphotique et de la nouvelle
production (formée à partir d’un stock neuf de nutriments comme l’azote provenant des rivières).
Elevées en zones côtières, pauvres aux centres des océans et aux abords des zones désertiques. Certaines
zones d’upwellings sont très élevées et sont associés à des courants océaniques superficiels froids. Ils sont
localisés le long des côtes de la Californie-Orégon, du Pérou, de la Mauritanie-Maroc, de Namibie-Afrique du
Sud, de Socotra-Oman-Somalie (Océan Indien).
L’étude de la matière organique
L’étude de la matière organique (MO) sédimentaire est réalisée au moyen de diverses méthodes détaillées ciaprès.
=> La matière organique sédimentaire est constituée d’une fraction organique insoluble [c’est le kérogène]
dans des solvants organiques et d’une fraction soluble [c’est le bitume] dans ces solvants.
Pour la plupart des R sédimentaires, le kérogène est le composant majoritaire. Le bitume ne représente que
quelques % de la matière organique totale.
Le kérogène est isolé de la fraction minérale du sédiment par des attaques acides: acide chlorhydrique pour
détruire les carbonates, l’acide fluorhydrique pour détruire les silicates.
Minéraux
MO
totale
Roche
totale
Kérogène
(insoluble)
Molécules lourdes
contenant C, H, O, S, N
poids moléculaire souvent >500
Asphaltènes
+ Résines
Modifié d’après
Baudin et al., 2007
Fraction
bitume
HC aromatiques
HC saturés
Hydrocarbures (HC)
contenant seulement C, H
poids moléculaire <600
Téléchargement