Que s'est-il passé exactement ? La problématique est-elle
géologique ou chimique ?
L'Islande est une des zones volcaniques les plus actives de la
planète, avec une origine et un type de lave similaire aux
volcans de la Réunion et d'Hawaï, formant ce qu'on appelle
des basaltes de point chaud. Plus près de nous les plus de
cinquante ans se rappellent surement l'ensevelissement du
village islandais d'Hemaey sous les cendres en 1973, ou
l'apparition d'une nouvelle île, Surtsey, construite par un
volcan en 1963 au sud de l'Islande. Ce qui rend souvent les
éruptions islandaises plus violentes que celles de la Réunion
c'est la présence de glace en surface et d'eau dans le sous-sol,
qui, au contact du magma, génère des explosions et une
grande quantité de cendres siliceuses. Ces éruptions sont
tout de même moins violentes que celle
des volcans de subduction (Andes,
Indonésie, Antilles, plus près de nous
Vésuve) qui eux sont souvent meurtriers.
De quoi est constitué le nuage ? Est-ce sa
constitution qui empêche les avions de
voler ? Quel risque pour la santé ?
Le nuage est d'abord constitué de vapeur
d'eau, mélangée à de fines échardes de
verre siliceux, le magma pulvérisé. Ces
particules sont fines (quelques centièmes
de millimètres) et volent un peu comme
des feuilles, ce qui leur permet de voyager des milliers de km
avec les vents (en fonction de leur altitude atteinte au-dessus
du volcan), ce sont ces particules qui lorsqu'elles sont
"ingérées" en très grande quantité par les réacteurs, peuvent
provoquer des incidents moteur. Cependant il faut
relativiser, seulement deux incident aériens sérieux sont
connus, avec des avions passés à proximité de volcans de
subduction en éruption (Indonésie et Alaska), donc avec des
quantités de cendres par mètre cube d'air énormément plus
fortes que ce que l'on peut attendre a des milliers de km de
l'Islande. Les cendres lorsqu'elles retombent près du sol
peuvent être inhalées et irriter les voies respiratoires. Cela
peut être sérieux pour les habitants proches des volcans mais
assez négligeable à mon avis hors de
l'Islande orientale. Il faut se rendre compte que la quantité
de cendres islandaises qui retombent maintenant sur la
France est négligeable par rapport aux poussières locales
naturelles (pollens, argiles des sols..) et surtout artificielles en
particulier pour les citadins. Les volcans émettent aussi une
grande quantité de gaz en particulier sulfureux, qui peuvent
participer aux problèmes de santé. La fameuse éruption du
Laki, qui a causé la mort de la moitié de la population
islandaise, avait dégagé une grande quantité d'acide
sulfurique, qui retombé sur les pâturages avait causé la mort
du cheptel et donc la famine. Ces gaz sont irritants pour les
yeux et les voies respiratoires (la encore peu à coté de la
pollution atmosphérique à laquelle nous sommes trop
souvent exposés).
Peut-on prévoir ce phénomène ?
Les éruptions volcaniques se produisent en des endroits bien
précis, déjà connus et surveillés par les scientifiques. Il est
probable que l'éruption islandaise ait été prévue quelques
mois ou semaines à l'avance par les
volcanologues islandais, mais ils n'en
avaient peut-être pas prévu l'intensité en
terme d'émission de cendres. Une fois le
panache de cendres établi, les
météorologues peuvent très précisément
prévoir à l'échelle de
quelques jours la diffusion de ce panache
et son trajet. Il est en revanche beaucoup
plus difficile de prévoir quand l'éruption
s'arrêtera. Les bruits quant à une réaction
en chaîne provoquant d'autres éruptions
en Islande sont infondés, même si la
Terre est libre de libérer son énergie où et quand elle
l'entend!
Le climat peut-il être perturbé ?
Ce sont les gaz sulfurés (et aussi carbonique) qui expliquent
aussi les perturbations climatiques à grande distance (d'abord
un refroidissement) causées par les grandes éruptions
volcaniques. Pour l'instant l'éruption islandaise n'est pas si
exceptionnelle (comparée à celle du Pinatubo, en 1991, par
exemple, qui a refroidi la planète d'un demi degré dans
l'année suivant l'éruption) et il est trop tôt pour évaluer si
elle aura un effet climatique notable et s'il faut déjà faire des
réserves de bois pour le prochain hiver!
Propos recueillis par Stéphanie VAREILLES
Université Paul-Cézanne
Tél. 04 42 17 27 91/06 17 96 49 32