mesurer le vieillissement des cables a haute tension

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PROCESS EQUIPMENT • ENERGIE • TECHNIQUES DE L’ENVIRONNEMENT
TECHNIQUE ET MANAGEMENT - SEPTEMBRE 2003
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DEGRADATION DE L’ISOLATION DES CABLES A HAUTE TENSION
MESURER LE VIEILLISSEMENT DES CABLES
A HAUTE TENSION
Depuis plus de dix ans déjà, notre pays
fait usage de câbles souterrains pour l’installation de nouvelles lignes haute tension. Cette pratique a lieu suite à l'insistance des riverains et des associations de
défense de l’environnement face aux
lignes aériennes. Ce réseau souterrain
doit répondre à une forte demande en
énergie électrique et devient de plus en
plus chargé. Il est aussi important d’avoir
des renseignements précis quant à la durée de vie résiduelle de ces câbles à haute
tension.
Mesurer la longévité résiduelle avec précision
est indispensable afin de bénéficier le plus longtemps possible des investissements consentis,
sans toutefois courir le risque de pannes de courant. Le facteur le plus critique dans l’évaluation
de la durée de vie des câbles est l’isolation qui
est soumise à des charges à la fois thermiques et
électriques et qui, de ce fait, vieillit. Dans le
cadre du projet de recherche européen Artemis
– Ageing and Reliability, Testing and Monitoring of power cables, diagnosis for Insulation
Systems – des recherches ont été réalisées récemment au sujet du vieillissement du polyéthylène cross-linked (XLPE), le matériau actuellement le plus utilisé pour l’isolation des
câbles souterrains. Ce XLPE a pris la place de
l’isolation classique papier-huile qui entraîne
des problèmes écologiques lors de fuites au niveau des conduites souterraines et exige davantage d’entretien. Les chercheurs affectés à ce
projet européen ont effectué des recherches à
propos des effets de la charge thermique et électrique exercée sur le XLPE. Ils ont aussi développé des méthodes permettant de mesurer le
vieillissement des conduites existantes. Les résultats de ces mesures contribuent à optimaliser
l’isolation des nouveaux câbles.
Technique et Management a voulu en savoir
plus au sujet de ces méthodes de mesure de la
durée de vie et a interviewé Gérard Platbrood
de Laborelec. Cette entreprise a participé au
projet Artemis et mène actuellement des recherches quant aux possibilités d’appliquer la
méthode de mesure du vieillissement aux alternateurs et aux moteurs.
DES CAVITES PLUS GRANDES ET PLUS
NOMBREUSES AU FIL DU TEMPS
Le vieillissement du XLPE se traduit par la formation de micro-cavités dans le matériau au
sein desquelles des charges d’espace peuvent
s’accumuler. A un moment, ces charges deviennent trop importantes et provoquent une perforation de l’isolation. Pour prévenir ce phénomène, les fabricants ont dans le passé équipé les
câbles XLPE d’une isolation très épaisse avec un
matériau très pur pour limiter au maximum les
impuretés initiales et les cavités. A ce propos, la
microstructure du polymère se présente aussi
bien en phase amorphe que cristalline, de sorte
que dans la pratique on procède au mélange des
deux formes. C’est surtout la phase amorphe
qui est sensible à l’accumulation de micro-cavités et de charges d’espace.
La formation de cavités est influencée par le
champ électrique au niveau de l’isolation et par
la température. Les faibles liaisons entre les molécules s’étendent sous l’effet de l’énergie électrique, ce qui génère des cavités. Des niveaux
d’énergie encore plus élevés entraînent la rupture des liaisons et par conséquent un vieillissement irréversible. Ces phénomènes se renforcent au fur et à mesure que la température augmente. Une température élevée peut néanmoins
exercer une influence favorable. Les molécules
entrent dans une phase amorphe qui se cristallise à nouveau lors du refroidissement. Ce procédé fait disparaître à chaque fois un certain
nombre de cavités. Dans la pratique, les câbles
haute tension subissent de telles variations de
température en raison de la température ambiante et des variations de charge intervenant au
cours de la journée. L’influence exacte de la
température n’est toutefois pas encore connue
avec exactitude. C’est la raison pour laquelle les
opérateurs évitent autant que possible les températures élevées (95°C) afin d’empêcher la formation de micro-cavités.
L'entreprise Nexans a intégré des fibres de verre
dans ses nouveaux câbles afin de pouvoir surveiller la température. Un rayon laser qui circule à travers une fibre de verre provoque sur son
passage l’excitation des électrons. Le niveau
d’énergie de ces excitations dépend de la température de la fibre de verre à cet endroit. Le re-
Gérard Platbrood effectue une démonstration
au moyen de la méthode Thermal Step
(TSM).
tour des électrons à leur niveau originel génère
une émission dont la longueur d’onde est proportionnelle à la température. La mesure des
longueurs d’onde de ces émissions effectuée à
l’extrémité de la fibre de verre permet de calculer la température du câble. En tenant compte
du temps écoulé entre le "départ" du rayon laser
et le "retour" des émissions, il est possible d’obtenir un profil de température selon la distance
à l’intérieur du câble et ce avec une précision allant jusqu’à un mètre. La méthode permet, par
exemple, de voir l’endroit où le câble passe sous
une autoroute car à cet endroit – du fait du
drainage – il y a moins de refroidissement naturel et la température augmente.
La température normale d’un câble souterrain
est de 60°C. En cas de forte charge, cette température peut aller jusqu’à 95°C. Contrairement à ce qui est mentionné dans la littérature,
l’augmentation de la température des câbles
exerce un effet très complexe sur leur durée de
vie. D’une part, une augmentation de la température favorise la rupture des liaisons chimiques.
Cet effet négatif entraîne la formation de micro-cavités. D’autre part, l’augmentation de
température exerce aussi une influence positive:
elle contribue à la relaxation des charges d’espace et à la disparition des micro-défauts dans la
structure polymère créés par la fusion des
phases. Nous pouvons affirmer aujourd’hui
que, sur le plan qualitatif, la modulation de la
température peut avoir un effet positif à court
terme. L’effet à long terme ainsi que l’évalua-
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MESURER LE NOMBRE DE CHARGES
D’ESPACE
Mesurer le degré de vieillissement d’un câble
consiste à trouver la mesure du nombre de micro-cavités et/ou des charges d’espace présentes
dans l’isolation. Le projet Artemis a débouché
sur la mise au point de la Thermal Step Method (TSM) comme étant la méthode de mesure du vieillissement la plus précise et la plus sensible. Il s’agit d’un test destructif en ce sens
qu’un bout de câble (de 50 cm) est nécessaire
pour pouvoir effectuer le test. La mise hors tension d’un réseau n'est pas possible partout.
C’est la raison pour laquelle Elia, l’exploitant
du réseau haute tension dans notre pays, s’est
proposé de prélever un échantillon de câble en
vue de l’examiner chaque fois q’une panne intervient. Plus tôt dans le courant de cette année,
un tel examen a été pratiqué sur un câble enterré dans le sol depuis 18 ans.
La méthode consiste à placer un bout de câble
de cinquante centimètres sous une tension de
courant continu durant un certain temps. Ce
Le facteur le plus critique pour la durée de vie
des câbles est l’isolation qui subit des charges à
la fois thermiques et électriques.
test est réalisé sous une température de 60°C, ce
qui correspond à la température de fonctionnement moyenne d’un câble haute tension. La
tension sur l’ensemble du câble entraîne l’accumulation de charges d’espace à tous les endroits
où des micro-cavités se présentent au sein de
l’isolation. Par la suite, le bout de câble est emballé dans une gaine de refroidissement à travers laquelle un liquide à une température de
-20°C est pompé. L’isolation se rétrécit sous
l’effet de ce refroidissement soudain et les
charges d’espace présentes se déplacent. Ce déplacement provoque un courant minimal qui
est mesuré. Celui-ci est proportionnel à la
quantité de cavités et donc au vieillissement de
l’isolation. Par ailleurs, ce courant est mesuré en
fonction du temps. Cette mesure donne une indication quant à la distribution des cavités au
sein de l’isolation étant donné que le refroidissement intervient tout d’abord au niveau de la
paroi externe et que le premier courant ne provient donc que des charges d’espace situées en
bordure. On parle à ce propos d’une onde thermique qui traverse l’isolation de l’extérieur vers
l’intérieur et qui provoque le déplacement des
électrons sur son passage. Les courants mesurés
sont de l’ordre du picoampère.
La précision de la mesure peut être augmentée
par la répétition du test au moyen du même
bout de câble. Le test n’exerce en effet aucune
influence sur la quantité des charges d’espace
présentes et doit, en théorie, donner exactement
le même résultat lorsque le cycle de réchauffement et de refroidissement est répété.
On obtient une représentation du vieillissement
en comparant le résultat de la mesure avec le résultat enregistré avec des échantillons de câbles
neufs. Il faut toutefois tenir compte d’un cer-
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tion quantitative de la modulation de la température doivent encore être étudiés.
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Simuler la durée de vie des chaudières
et des conduites de vapeur
La mesure de la durée de vie des chaudières et des conduites de vapeur est réalisée à l’aide
de tests destructifs et non-destructifs. Généralement, cette durée de vie est considérée
comme un fait accompli par les utilisateurs d’une installation. Laborelec a développé un logiciel qui permet aux utilisateurs d’influencer la durée de vie des appareils grâce au calcul
de l’influence de certaines conditions de fonctionnement. Technique et Management a eu
un entretien avec Marc Eyckmans, de la société Laborelec, au sujet de la méthode appelée
Boiler Life Management.
Le logiciel effectue les calculs relatifs à trois mécanismes de vieillissement: le fluage, la
corrosion et la fatigue thermique, et ce pour chacun des composants critiques avec comme
résultat la durée de vie de chaque composant. Ce logiciel permet aussi à l'utilisateur d’effectuer des simulations reprenant les différentes conditions de fonctionnement, et d’examiner quelle en sera l’influence sur la durée de vie
des appareils. Cette influence peut être considérable : faire fonctionner une chaudière à vapeur à
une température supérieure de 5 à 6°C à la température antérieure peut entraîner un niveau de fluage tel que la durée de vie s’en trouve raccourcie de
moitié. L’utilisateur peut alors étudier si l’augmentation de la productivité atteinte grâce au fonctionnement sous une température plus élevée compenLa mesure de la durée de vie des chause l’usure croissante.
dières et des conduites de vapeur est
réalisée au moyen de tests destructifs et
Le logiciel ne remplace pas les inspections ni l’ennon-destructifs.
tretien. Ce n’est par ailleurs qu’à l’issue d’une inspection des composants critiques que la situation de l’installation est connue. Cette constatation sert alors de base aux calculs.
Les paramètres que l’utilisateur peut faire varier dans les simulations sont la température,
le nombre d’heures de service ainsi que le nombre de démarrages et d’arrêts. La pression
exerce aussi une influence sur la durée de vie des installations – analogue à l’influence de
la température – mais dans la pratique elle est généralement fixée pour une certaine installation et n’est pas considérée comme un paramètre variable. Au départ des paramètres enregistrés par l’utilisateur, le modèle calcule la durée de vie pour chaque composant au
moyen de formules théoriques et empiriques. Lors de chaque inspection, le modèle est corrigé sur base de la situation effective de l’installation et il est alors possible de réaliser à
nouveau des simulations plus poussées.
La simulation permet en outre d’optimaliser le
coût de production global via l’évaluation du coût
de fonctionnement et de la productivité sous diverses conditions de travail par rapport au coût du
remplacement des composants.
Pour les inspections, les techniciens font le plus
possible appel à des tests non-destructifs tels que
la réalisation d’une réplique d’une surface afin d’y
détecter les fissures. Les mesures de bruit par ultrasons donnent une indication de l’épaisseur des
parois de la chaudière et des conduites tandis que les rayons X sont utilisés afin de dresser
la carte des irrégularités décelées dans les parois. Le fluage constitue en outre un facteur
important en ce qui concerne la longévité. Il peut être mesuré au moyen de tests non-destructifs. Mais il est toutefois bien connu que le raccourcissement de la longévité en raison
du fluage est à mettre en rapport avec le nombre de cavitations présentes dans le matériau.
Afin de procéder aux examens, il est parfois nécessaire de prélever une partie du matériau
et d’effectuer par la suite une soudure à cet endroit.
Lors de chaque inspection, le modèle est
corrigé sur base de la situation effective de
l’installation et d’autres simulations plus
poussées peuvent être effectuées.
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tain écart qui se présente normalement au niveau du matériau en raison de la morphologie
constituée de particules aussi bien amorphes
que cristallines. C’est la raison pour laquelle les
résultats des mesures – le nombre minimum et
le nombre maximum de charges d’espace –
d’une série de nouveaux câbles sont disposés en
un graphique sur lequel on regarde où se situe
le câble vieilli. A cet effet, Laborelec a installé
un banc d’essai doté d’échantillons des différents types de câbles haute tension utilisés dans
notre pays.
Selon les responsables du projet de recherche
européen, la méthode Thermal Step fournit les
résultats les plus précis. La méthode ‘Puls Elektro Akoestiek’ offre une alternative. Les charges
sont mises en mouvement sous l’effet d’une
tension appliquée au niveau de l’isolation mais
cette méthode s’avère moins précise dans la
pratique. La méthode permettant de produire
l’onde thermique au moyen de l’énergie électrique doit, en principe, rendre possible la mesure de câbles à haute tension qui se trouvent
encore dans le sol, pour autant qu’ils ne soient
pas utilisés pendant un certain temps et que
l’on puisse générer un réchauffement suffisant.
AUSSI POUR L’ISOLATION
DES ALTERNATEURS
La méthode a été appliquée à la centrale nucléaire Tihange 2 pour contrôler le vieillissement de l’isolation d’un alternateur. Il s’agissait
d’un alternateur de 7500 kVA accouplé à un
moteur diesel utilisé lors du démarrage de la
centrale nucléaire. Des taches blanches étaient
apparues sur l’isolation du stator, une conséquence de l’oxydation de la résine époxydique.
Cette espèce de corrosion est facilitée par la
présence de charges d’espace et conduit à la
formation de micro-cavités supplémentaires
qui, à leur tour, entraînent la constitution
d’autres charges d’espace.
La méthode Thermal Step fut utilisée pour
mesurer ce vieillissement. Toutefois, vu la taille
du stator, il n’a pas été possible de placer une
gaine destinée à produire l’onde thermique.
Cette gaine a donc été remplacée par l’envoi
d’une impulsion de courant continu de 400 A.
Cette impulsion a provoqué le réchauffement
de l’isolation depuis le noyau accompagné
d’une dilatation et par conséquent aussi du déplacement des charges d’espace. Il est question
dans pareil cas d’une onde thermique positive.
Cette méthode peut aussi être appliquée aux
moteurs. Il se pose toutefois un problème au
fur et à mesure que la taille de ces moteurs augmente car il faut pouvoir générer suffisamment
d’énergie pour créer l’onde thermique.
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