INFECTIONS ET IMMUNODÉPRESSION AU COURS DE L’URÉMIE 231
des staphylocoques. Les principaux facteurs de risque indépendants de bactériémie
étaient la présence d’un cathéter (RR = 7,6) et un antécédent d’au moins deux
épisodes de bactériémie (RR = 7,33). Ainsi, l’augmentation de la susceptibilité aux
infections bactériennes est en grande partie secondaire à la rupture de la barrière
cutanée. La peau saine est une barrière physique efficace contre la plupart des
agents microbiens qui ne peuvent normalement pas la franchir. Elle appartient à
l’immunité naturelle non spécifique. Chez les malades dialysés, cette première
ligne de défense est en permanence rompue par les cathéters veineux ou périto-
néaux, ou par les ponctions itératives de l’abord vasculaire.
BARRIÈRE UROTHÉLIALE
Toujours dans l’étude EPIBACDIAL, la proportion de bactériémie à bacille
Gram négatif était loin d’être négligeable avec un taux de 25 p. 100 (2,9 épisodes
par 100 patients-année). Les infections à germes à Gram négatif tirent leur origine
du tractus digestif ou uro-génital. Les infections urinaires ont été peu étudiées chez
les malades dialysés. L’incidence d’infection urinaire est pourtant élevée, de
l’ordre de 7,2 épisodes par 100 patients-année dans l’étude Lorraine [1]. Elles se
compliquent dans 22 p. 100 des cas de septicémie. Le risque d’infection à point
de départ urinaire est particulièrement élevé lorsque la diurèse résiduelle est très
faible, surtout lorsqu’il existe des antécédents d’infection du parenchyme rénal en
cas de lithiase ou de reins polykystiques. L’oligurie liée à l’insuffisance rénale
terminale et les modifications de la muqueuse vésicale qui en résultent, favorisent
la colonisation bactérienne. Ici encore, le risque infectieux est augmenté car la
barrière naturelle que représente la muqueuse urothéliale est endommagée.
Risque infectieux nosocomial
Les techniques invasives de dialyse, l’environnement hospitalier, et l’état uré-
mique favorisent la survenue d’infection nosocomiale. Les risques de contamina-
tion bactérienne et virale par les appareils de dialyse ou par le manuportage sont
bien connus. Le respect strict des mesures d’hygiène et des techniques de décon-
tamination des circuits extracorporels a permis de réduire considérablement ce
type de transmission infectieuse. Mais des facteurs autres que ceux liés à la dia-
lyse participent aussi au risque d’infection nosocomiale des sujets urémiques.
Dans une étude prospective menée à l’hôpital universitaire de Nashville (États-
Unis), le risque d’infection nosocomiale après ajustement sur la durée d’hospita-
lisation était plus élevé chez les malades dialysés (9,1/1 000 patients-jour) que
chez les sujets non dialysés (3,8/1 000 patients-jour, p < 0,001) [16]. Les co-
morbidités mesurées par le score de Charlson étaient supérieures chez les malades
dialysés et représentaient un facteur de risque d’infection nosocomiale. L’infec-
tion urinaire était l’infection nosocomiale la plus fréquente chez les sujets urémi-
ques (4,2/1 000 patients-jour), beaucoup plus fréquente que chez les sujets non
dialysés (0,7/1 000 patients-jour, p < 0,001). Le taux de sondage urinaire était
pourtant identique dans les deux groupes. Le germe le plus souvent impliqué dans
les infections urinaires nosocomiales était le Candida chez les malades dialysés
alors qu’il s’agissait d’E. coli chez les sujets non dialysés. Ces données montrent
bien qu’une conjonction de multiples facteurs (co-morbidités, sélection du
Candida par une antibiothérapie préalable, sondage d’une vessie urémique)
participe au risque élevé d’infections nosocomiales des malades dialysés. Les