mots clés étayage,suppléance, observation psy

1/ Soins infirmiers et travail singulier
Il est admis que dans la répartition des activités du soin infirmier, le soin
technique codifié représente environ 25% du temps infirmier intra-hospitalier.
Qu'en est-il des 75% restant, ces soins qui ne sont pas réglementés ou encadrés?
Que fait-on qui n'est pas le "faire"? Que fait-on qu'une pratique "nomenclaturée
et informatisée" ne saurait réduire? C'est justement ces points, dégagés et
repérés, que nous allons évoquer maintenant. En ce qui concerne le rapport entre
soin infirmier et travail singulier, ces points sont au nombre de 10.
1. Fonction d'observation dynamique et clinique: elle va de l'observation
du patient sur un plan clinique (dépression, repli, délire...) au repérage
des mécanismes de défense. Comment le patient se manifeste dans le lieu
de soin et vis-à-vis de sa prise en charge? Quels sont les effets qu'il produit
sur nous, soignants, et comment pouvons-nous nommer cela et le partager
avec l'équipe? Il faudra prendre en compte ce qui se joue dans les
oppositions avec les autres membres, faisant apparaître des
représentations différentes de ce même patient. Quelle est la réaction du
cadre institutionnel face à ce malade hospitalisé, et comment y répond-il?
Toutes ces observations devront faire le tour de ce qui ressort des
relations duelles patient/soignant, patient/institution et
soignant/institution. Ces observations repèreront enfin les capacités
cognitives pour évaluer le degré d'autonomie (toilette, écriture, repérage
spatial et temporel, gestes du quotidien... etc.), ainsi que les capacités
d'adaptation à la vie communautaire (liens familiaux, amicaux, sociaux,
institutionnels... etc.);
2. Fonction de permanence: une des fonctions de base de l'intra hospitalier
est d'assurer la permanence du soin, et l'infirmier est le dépositaire de
cette continuité soignante grâce à une présence régulière et continue. En
étant présent et disponible à tout moment de la journée et de la nuit,
l'infirmier acquiert auprès des patients une fonction "d'isotropie" très
spécifique. C'est une fonction de pare-excitation, rassurante et étayante.
Cela se traduira dans la réponse que l'infirmier pourra donner devant
une situation urgente, nouvelle, ou devant un comportement très habituel
et quotidien, ou encore en respectant un silence, une intimité;
3. Fonction de répétiteur: à tous les instants de la vie de l'unité de soins,
l'infirmier est amené à répéter, en scandant le déroulement régulier de
l'institution, en donnant un sens au temps qui passe. Il pourra s'agir de
répéter les éléments évoqués lors d'un entretien infirmier, des points
précis du cadre institutionnel, toutes paroles sur la loi, le sens ou le cadre
qui inviteront le patient psychotique à se repérer dans l'espace et dans le
temps;
4. Fonction d'improvisation: le quotidien dans l'unité est autant fait de
répétition que d'imprévu. Une tension, une détresse ou une admission
inopinée obligent l'infirmier à s'adapter, quand le recours au cadre
institutionnel n'est plus opérant. Il est ici question de créativité, de
réponse personnelle, de ressenti et d'adaptation;
5. Fonction "clown": il ne s'agit pas de faire le pitre, mais d'opérer des
ruptures dans le système représentatif. En agissant de façon
humoristique, l'infirmier déplace la scène, change la mise en scène,
propose une autre vision au patient de ce qui pouvait l'angoisser. Cela
permet à la personne de se figurer autrement ce qu'elle perçoit et ressent
à chaque instant de sa vie;
6. Fonction d'étayage: soutenir, étayer sont des fonctions propres à
l'exercice infirmier. Il pourra s'agir d'un accompagnement pour aider un
patient dans son face-à-face à la réalité, lui donnant des points d'ancrage
constructifs;
7. Fonction d'attention: Winnicott réapparaît pour nous mettre en garde
contre notre besoin de maîtrise. Il nous rappelle que la mère suffisamment
bonne est présente, laissant l'enfant investir l'espace ou le protégeant mais
sans lui éviter les risques d'une confrontation à la réalité. Les patients
sont présents, et les infirmiers aussi: cela suffit souvent à ménager entre
eux une aire de jeux. Chacun y fait l'expérience de sa capacité à être seul
en présence de l'autre. Être seul ne signifie pas être solitaire mais plutôt
être sur le seuil de la relation à l'autre, sans imposer sa présence à l'autre.
L'infirmier porte aussi son attention à la vie de l'unité, une attention
vigilante pour que tout se passe bien dans cette vie communautaire. Il fera
attention aux risques de feu, à ce qu'il n'y ait pas de courant d'air, ni trop
de bruit... Il s'agit là d'une régulation du groupe et d'une protection de
chacun;
8. Fonction d'information: chacun informe l'équipe et l'équipe informe
chacun. La parole s'inscrit dans une relation de réciprocité. C'est ce vers
quoi nous tendons en considérant la parole du sujet, la parole de l'équipe
et la parole de l'institution. Parole donnée qui fait sujet, le "ça parle"
devient un "ça me parle" et débouche sur un "ça nous parle"; Du sujet à
l'équipe et de l'équipe au sujet, chacun se saisit de la parole et du même
coup ré-interroge sa parole de sujet. L'infirmier devra se saisir de
l'information pour mieux la saisir. Il devra la rechercher auprès du
médecin trop occupé, auprès de l'assistante sociale, des autres soignants,
de l'institution... Rassembler l'information relève d'un parcours
audacieux, de même que la transmettre;
9. Fonction réponse: que répondre? C'est une question trop fréquemment
posée par les étudiants infirmiers et à laquelle il est difficile de répondre.
Aussi doivent-ils réfléchir sur les niveaux suivants: la réponse pré-établie
comprend l'énoncé du cadre de soin et le rappel du cadre institutionnel,
tandis que la réponse non établie traduit notre singularité, se souligne par
l'importance de dire "je", de se positionner en tant que sujet dans
l'énoncé de la réponse. C'est à ce niveau que se fait le soin;
10. Fonction d'écoute: écouter, c'est donner existence à l'autre. C'est la
fonction la plus difficile, s'élaborant avec l'expérience du soignant.
Écouter le sujet psychotique c'est faire l'expérience de la rencontre avec
l'altérité et la souffrance. Il n'y a pas que l'oreille qui écoute, et l'écoute ne
suppose aucune réponse. Écouter n'est pas répondre à une question! Nous
pouvons repérer deux niveaux d'écoute: le premier est de l'ordre de
l'entendre/entente, d'une mise en scène du moment où l'on est interpellé
dans une action. Le second consistera à essayer de comprendre ce que le
patient tente de nous communiquer, par exemple à travers son symptôme.
2/ Soins infirmiers et travail en équipe
L'équipe est une machine à mettre en route l'imaginaire autant que le résultat
d'un imaginaire partagé. Du singulier à l'équipe, la fonction singulière de chacun
ne peut exister qu'avec le concours du reste de l'équipe. Le collectif ne peut
exister qu'avec la participation des infirmiers qui le composent. C'est la
réunification de ces interactions qui donne sa dimension à l'équipe en permettant
à celle-ci de se doter de capacités qui lui sont propres.
1/ L'ambiance relationnelle
La qualité d'ambiance relationnelle se définit comme un espace d'interactions
soignant/soigné qui ouvre le champ des identifications. Ce phénomène relationnel
actif fait exister et pré-exister l'infirmier dans la perception du soigné. Quatre
éléments favorisent la construction de cette capacité:
1. La dimension empathique de base: il faut entendre par là une attention
particulière portée à l'égard du patient tendant à prendre en compte
l'exception de sa situation, attention qui se différencie des simples bons
sentiments, ou de la compassion. Il faut à l'infirmier une volonté
thérapeutique active, et décider qu'il peut se passer quelque chose pour ce
patient ici et maintenant, plutôt que rien. Il ne s'agit pas d'une attitude
volontariste visant à "gommer les blancs" de la vie institutionnelle, mais
plutôt le courage de se saisir d'un rien et de s'y confronter;
2. La création d'un espace métaphorique: c'est la capacité pour chacun
d'interpréter une réalité commune. Quand la qualité de l'espace
métaphorique laisse une place à l'humour et au jeu, l'infirmier peut se
dégager d'une position de garde-à-vous devant la réalité. Cela favorise la
dédramatisation des manifestations les plus spectaculaires des patients
hospitalisés. Il arrive heureusement de rire, avec et sans eux, au gré des
écarts que la relation ménage;
3. La distance relationnelle: il n'y a pas une distance, mais autant de
distances que de sujets. La distance relationnelle qui s'établit entre ces
deux personnes que sont le soignant et le soigné doit se situer dans une
position médiane où le patient n'a pas à nous voir venir avec nos gros
sabots, sans pour autant que nous arrivions sur la pointe des pieds! Ce
n'est pas qu'une affaire de centimètres, car elle s'aménage à partir de nos
objets internes. C'est le tiers, et la référence à celui-ci (le cadre
institutionnel, le soin, le langage...) qui instaure la distance dans la
relation et crée un écart fondateur de la position soignante;
4. L'environnement "suffisamment bon": il faut reprendre ici le concept de
Winnicott pour souligner l'importance des représentations maternelles
dans la fonction infirmière. En intra-hospitalier, cela se traduira pour
l'infirmier à n'être ni trop bon (par exemple en apportant de force et
systématiquement une réponse aux besoins du patient), ni dans
l'indifférence (ce qui reviendrait à nier l'existence de l'autre). Entre le
collage et la fuite, le gavage et le sevrage, la toute-puissance et
l'impuissance, entre l'omnipotence et le rejet... c'est la reconnaissance de
sa propre souffrance qui permet au soignant de trouver une voie médiane.
Celle-ci est à chercher dans une fonction de l'équipe, dans sa capacité à
faciliter chez le soignant la sortie de l'oscillation entre le Moi idéal et
l'idéal du Moi. La qualité de cet environnement suffisamment bon est
déterminée par la capacité de l'infirmier à ne pas s'ennuyer (et on peut
s'ennuyer à la tâche!), la capacité à se distraire lui-même et se laisser
distraire par le patient. Cela nécessite de nous autoriser, dans le regard
que nous portons aux patients, à nous laisser surprendre, à nous étonner,
et préserver ainsi nos capacités soignantes du piège de la répétition, de la
chronicité. Créer les conditions et maintenir les exigences d'un
environnement suffisamment bon revient à cultiver ce qui rapproche (les
traits d'identification) plutôt que ce qui sépare (le symptôme). C'est
ouvrir et maintenir ouvert un espace de soin, un espace de désir, y
compris celui de réparer.
2/ Réalité du travail en équipe
Travailler en équipe c'est d'abord développer un sentiment d'appartenance.
C'est aussi promouvoir la vie, et permettre au patient de s'ouvrir aux formes
signifiantes de la vie. Travailler en équipe c'est passer du "je" infirmier au
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!