ConduiteofficinaleSSPFseptembre2011
Alcool et médicaments du SNC : le cocktail à éviter
La consommation de boissons contenant de l’éthanol est très répandue depuis l’Antiquité. L’effet
souhaité par les consommateurs se produit dans le cerveau.
L’alcool passe directement du tube digestif aux vaisseaux sanguins. Miscible dans l’eau et
liposoluble, il traverse aisément toutes les barrières de l’organisme (barrière hémato-encéphalique,
barrière placentaire). C’est ainsi qu’il atteint le cerveau en quelques minutes.
Même si on le consomme tout d'abord pour ses effets euphoriques, il est faux de croire que l'alcool
a un effet stimulant.
Consommé en faible quantité, il peut sembler stimulant du fait qu'il agit sur la partie du cerveau
régissant les inhibitions. Lorsqu'une personne perd ses inhibitions, elle devient plus volubile et
semble avoir plus d'énergie. Mais en fait, l'alcool est un dépresseur qui ralentit les fonctions
cérébrales et provoque des atteintes physiologiques parfois irréversibles.
Dans l’alcoolisme chronique, les capacités fonctionnelles du cerveau sont altérées (troubles de la
mémoire, du raisonnement, de l’apprentissage, anxiété, dépression, …). On peut mettre en
évidence une diminution mesurable du nombre de neurones qui constitue le signe d’une lésion
irréversible. On observe également des atteintes du pancréas, du foie, une augmentation du
risque de certains cancers, d’hémorragie cérébrale, des troubles de la tension artérielle, …
Alcool et médicaments du système nerveux central (SNC)
L’alcool est une substance psychoactive. Il provoque, au niveau du SNC, différents effets pouvant
entrer en interaction avec la prise de médicaments.
L’alcool a des propriétés hypnotiques et sédatives. C’est un « neurodépresseur ».
Combiné avec la prise de médicaments sédatifs, l’alcool conduit à une augmentation du risque de
somnolence et à une diminution de la vigilance et des réflexes.
Bien que stimulant et désinhibiteur à faible dose, l’alcool pourrait aggraver les symptômes
d’anxiété s’il est consommé de manière plus régulière.
La prise chronique d’alcool pourrait aggraver une dépression. C’est une des raisons pour laquelle
les notices des « antidépresseurs » recommandent de ne pas consommer d’alcool durant le
traitement. Or, il n’est pas rare de retrouver une consommation importante d’alcool chez les
patients dépressifs.
L’alcool diminue le seuil convulsivant
Tout individu bien portant peut convulser dans certaines circonstances. La susceptibilité
individuelle est variable. Le seuil convulsivant dépend de facteurs endogènes (notamment
génétiques) et exogènes (fièvre, alcool et de nombreux médicaments).
Chez le patient épileptique, il faudra tenir compte de tous ces facteurs, y compris de la
consommation d’alcool.
Par ailleurs, un sevrage brutal d’alcool (ou de benzodiazépines) peut induire des crises convulsives.
Ce type de sevrage doit être suivi médicalement.
L’alcool peut influencer les propriétés pharmacocinétiques de certaines substances
L'alcool agit sur le métabolisme des médicaments en augmentant ou en ralentissant leur
destruction suivant qu'il s'agisse d'un alcoolisme aigu ou chronique. Exemple :
une consommation aigue d’alcool augmente le taux plasmatique de la phénytoine
une consommation chronique accélère son élimination, nécessitant un réajustement
éventuel de la posologie
Certains médicaments peuvent ralentir la dégradation de l'alcool. Des résidus toxiques d'alcool
restent alors plus longtemps dans le corps.
Cet effet, appelé « antabuse », est provoqué par l'accumulation d'acétaldéhyde (produit de
dégradation de l'éthanol par notre organisme). Il se manifeste par des bouffées de chaleur, de la
tachycardie, une augmentation de la fréquence respiratoire, des nausées et vomissements.
Parmi les principaux médicaments à effets «antabuse », on retrouve certaines
céphalosporines, le co-trimazole (Bactrim®), le kétoconazole (Nizoral®), et les
antiparasitaires dérivés de l’imidazole (Flagyl®, Fasigyn®, Tiberal®).
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Tableau 1 : principales interactions entre l’alcool et les médicaments du SNC
Classe/DCI Mécanisme interaction et conséquences Recommandations
Antiépileptiques L’alcool est un des facteurs pouvant diminuer le seuil convulsif.
En cas de sevrage alcoolique, le risque de convulsions est important.
+ Acide valproïque (Depakine®
et gén.) et phénobarbital
(Gardenal®)
Modification des taux plasmatiques possible si consommation d’alcool
modérée.
+ Carbamazépine (Tegretol®
et gén.) et phénytoine
(Diphantoïne®, Epanutin®)
Modification des taux plasmatiques possible si consommation d’alcool
importante et/ou chronique
+ Carbamazépine (Tegretol®
et gén.)
+ Diazépam (Valium® et gén.)
+ Phénobarbital (Gardenal®)
+ Primidone (Mysoline®)
+ Topiramate (Topamax®)
de l’effet sédatif
Somnolence, réflexes et vigilance
Tout sevrage alcoolique devra se réaliser sous
contrôle médical strict.
Le seuil convulsif est influencé par une série de
facteurs, dont la prise d’alcool et de certains
médicaments. La susceptibilité individuelle est
variable. L’addition de ces facteurs peut aboutir à
une crise convulsive.
Une consommation modérée d’alcool ne semble
pas poser de problème.
Il est préférable de ne pas conduire après une
consommation même modérée d’alcool (surtout si
antiépileptiques sédatifs)
Antidouleurs et antitussifs
opioïdes L’alcool renforce l’effet sédatif des médicaments opioïdes (codéine,
éthylmorphine, morphine, tramadol, buprénorphine, …)
+ Méthadone du taux sanguin de méthadone si consommation importante d’alcool
+ Tramadol (Contramal®,...) Diminution du seuil convulsif : risque de crises convulsives
Eviter ou limiter la consommation d’alcool
Eviter de conduire ou d’utiliser des machines
Pour le tramadol, prendre en compte les autres
facteurs pouvant diminuer le seuil convulsivant
Anxiolytiques,
hypnotiques
Benzodiazépines et
apparentés
Alcool et benzodiazépines ralentissent les fonctions cérébrales.
de l’effet sédatif (parfois prolongé au lendemain de la prise !)
réflexes et vigilance, risques d’accidents (route, conduite machines)
de la qualité du sommeil : sommeil non réparateur
de l’effet anxiolytique de certaines benzodiazépines (ex lorazepam)
+ Clobazam (Frisium®)/
Diazépam (Valium® et gén.) du taux sanguin du clobazam et du diazépam par l’alcool
+ Alprazolam (Xanax® et gén.) du taux sanguin de l’alcool par l’alprazolam
Eviter ou limiter la consommation d’alcool
Eviter de conduire ou d’utiliser des machines
Tenir compte de l’effet prolongé sur la
somnolence !
Anti-histaminiques H1
L’alcool renforce l’effet sédatif des anti H1 (essentiellement ceux de
1ère génération) Eviter ou limiter la consommation d’alcool
Eviter de conduire ou d’utiliser des machines
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Tableau 1 (suite) : principales interactions entre l’alcool et les médicaments du SNC
Classe/DCI Mécanisme interaction et conséquences Recommandations
Antidépresseurs
L’alcool et les antidépresseurs sont 2 substances psycho-actives. La
plupart de notices mettent en garde contre l’utilisation concomitante
d’alcool. Lorsque l’antidépresseur provoque de la sédation, cet effet est
renforcé par la prise d’alcool.
ISRS
Fluoxétine (Prozac® et gén.)
et fluvoxamine (Floxyfral®
et gén.)
Autres ISRS
« possible » de l’effet sédatif
Peu d’impact pour consommation modérée et occasionnelle
Tricycliques (tous)
possible de l’effet sédatif
troubles psychomoteurs
Modifications du métabolisme
effets toxiques des tricycliques
Diminution du seuil convulsif : risque de crises convulsives
Autres
Duloxétine (Cymbalta®)
Venlafaxine (Efexor® et
gén.)
Mirtazapine (Remergon®)
Miansérine (Lerivon®),
Maprotiline (Ludiomil®) et
Trazodone (Trazolan® et
gén.)
Possibilité d’effets indésirables hépatiques (peu précis dans notice)
Peu d’impact pour consommation modérée
de l’effet sédatif
de l’effet sédatif + des capacités à conduire ou à utiliser des
machines, surtout en début de traitement
Limiter la consommation d’alcool.
Eviter la conduite ou l’utilisation de machines en
cas de consommation d’antidépresseurs
sédatifs.
Eviter la consommation d’alcool en début de
traitement avec un tricyclique.
Rassurer si prise « modérée » et/ou
occasionnelle d’alcool avec ISRS non sédatif
Antipsychotiques (=
neuroleptiques) Avec la plupart des molécules (mais à des degrés divers), il y a risque
d’aggravation des effet indésirables :
de l’effet sédatif
des facultés de conduite et de la vigilance
Effets extrapyramidaux*
Eviter l’alcool pour ces molécules
*symptômes extrapyramidaux : perturbation des mouvements (raideur, contractions, mouvements rapides), besoin de bouger, tremblements
Source principale : Baxter K. (2008) : Stockley’s drug interactions. » Pharmaceutical press 8th edition
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