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VOLUME 45, MARS 2014
Petya Slavova
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La chute du régime socialiste en Bulgarie a provoqué une série de
transformations simultanées dans l’enseignement supérieur, dont la
plus saillante fut la création d’un grand nombre d’universités, de facul-
tés et de disciplines. Il existe aujourd’hui 51 établissements (dont 37
publics et 14 privés) qui bénécient du statut d’ « université »1, alors
qu’en 1989 il n’y en avait que trois. En quelques années seulement,
entre 1990 et 1997, le nombre d’étudiants a augmenté de 77%, passant
de 142 000 à 252 000 (Totomanova, 1999, p. 12). Selon l’Institut natio-
nal de statistiques, entre 2003 et 2012, le nombre d’étudiants en licence
et master est passé de 207 340 à 264 0822. Les transformations ont
particulièrement touché les disciplines dites « idéologiques » – les plus
contrôlées par le régime, telles que le droit et les sciences humaines et
sociales. Si, en 1989, on ne comptait qu’une seule faculté de droit, elles
étaient treize en 19973 et sont, à l’heure actuelle, neuf. De même, en
1989, une seule université proposait une formation complète en socio-
logie (cinq années d’études) ; en 1997, elles étaient quatre, et quinze ans
plus tard, elles sont cinq.
L’objectif de cet article est de rendre compte des processus et des
acteurs qui ont contribué à l’explosion des universités et des disci-
plines. Plus concrètement, nous étudions le processus de diversication
de l’enseignement en nous fondant sur l’exemple des nouveaux dépar-
tements de sociologie apparus dans les universités d’État après 1989.
Pour ce faire, nous reviendrons dans un premier temps sur la sociolo-
gie comme cas d’étude privilégié : en quoi l’histoire et la structuration
de cette discipline en Bulgarie socialiste et postsocialiste en font-elles
un objet qui mérite l’attention? ; qu’est-ce que cet exemple particu-
lier nous apprend des transformations du système de l’enseignement
supérieur ? Ensuite, étant donné la forte réglementation du système de
l’enseignement universitaire, nous nous intéresserons au contenu des
politiques publiques mises en place pendant la période 1990-2006, qui
ont un impact direct sur le développement de la formation universitaire
en sociologie et sur la création de nouveaux départements. Enn, dans
1. Les universités proposent des enseignements dans plusieurs domaines scienti-
ques, alors que les instituts et les académies sont spécialisés dans un domaine.
2. http://www.nsi.bg/otrasal.php?otr=23.
3. Pour une analyse des disciplines « droit », « assistance sociale », « ingénierie »,
« management de l’industrie » voir Dimitrov (1999).