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Pr Philippe Denis
Président de la Société française d’ophtalmologie (SFO)
La santé, c’est le silence des organes. Paul Valéry
L’ophtalmologie a parfois la réputation d’une science un
peu ésotérique et difficile, où les médecins s’adonnent à la fois
à la prescription des lunettes, au diagnostic de maladies dont les
noms évoquent peu au commun des mortels et à une chirurgie
délicate mais compliquée se déroulant sous un microscope
opératoire. Il n’en est rien et l’ophtalmologie est une discipline
abordable mais riche, qui fait appel aux grandes notions de
la médecine générale ainsi qu’aux progrès de la technologie
médicale. Depuis plusieurs années, après avoir apporté des
solutions à un certain nombre de maladies oculaires graves,
dont la cataracte, le glaucome ou la dégénérescence maculaire,
les ophtalmologistes s’occupent maintenant de corriger les
effets de la nature et du temps sur l’appareil visuel.
Pendant la première partie de sa vie, l’homme vit sans se
soucier de ses yeux qui fonctionnent parfaitement sans aide.
Vers la quarantaine, le cristallin, qui lui permettait de voir aussi
bien de loin que de près, perd de son élasticité et il s’aperçoit
que sa vision devient progressivement trouble lors de la lecture
ou d’un travail de près. Ce symptôme banal, qui traduit la perte
progressive de l’accommodation avec l’âge, est simplement la
presbytie. Autrefois assimilé au début de la vieillesse, la presbytie
(du grec presbutos, vieillard) touche toute la population
de plus de 40 à 45 ans, c’est-à-dire plus de vingt millions de
Français, qui ne se considèrent pas tous comme des personnes
âgées ! Après 65 ans, la presbytie n’évolue presque plus car
elle atteint son niveau maximal. Elle entraîne un handicap
parfois ressenti comme une régression inéluctable des capacités
visuelles, mais elle est en fait un signe physiologique tout à fait
banal qui peut être simplement corrigé par des lunettes avec
des verres grossissants. Pour l’ophtalmologiste, le moment de
la presbytie est aussi une chance inespérée de proposer un
bilan visuel complet à un patient de la quarantaine encore en
pleine forme, à la recherche de maladies oculaires qui pourront
plus tard endommager la vision, comme le glaucome ou la
dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Pendant très longtemps, l’individu gêné par sa presbytie
ne pouvait s’affranchir de son défaut visuel que par le port de
lunettes-loupes dont la puissance était linéairement ajustée
avec les années. Les verres progressifs, inventés en France dans
les années 1950, permettent maintenant aux jeunes presbytes
de voir net un objet quelle que soit la distance, le verre étant
façonné pour adapter graduellement la correction optique.
Depuis lors, un grand nombre de perfectionnements optiques
ont été adaptés aux verres progressifs, ce qui améliore encore
le confort de vue de l’œil vieillissant. Ces méthodes ont été
appliquées aux lentilles de contact qui connaissent aussi un
succès indéniable.
Ces dernières années, les ophtalmologistes ont voulu aller
plus loin et relever le défi chirurgical de la presbytie, pour
enlever les lunettes de près que certains jugent disgracieuses
ou encombrantes. L’expérience de la correction chirurgicale
de la myopie, de l’hypermétropie et de l’astigmatisme, autres
défauts visuels très répandus, a suscité des vocations pour celle
de la presbytie. Les techniques chirurgicales sont légion et
visent toutes à modifier le pouvoir optique de l’œil en vision
de près : sculpture de la cornée au laser Excimer, insertion de
lenticules en matière synthétique dans la cornée, implantation
de lentilles au dessin multifocal à l’intérieur même de l’œil, etc.
Ces méthodes sophistiquées apportent indiscutablement une
solution satisfaisante pour la plupart des patients, à condition
que ceux-ci soient parfaitement sélectionnés par leurs médecins
et aussi informés des avantages et des inconvénients de chaque
technique. Le dialogue entre le médecin et son patient est donc
essentiel pour appréhender au mieux ses attentes et dépister
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