Cours du Souverain du Dharma
Nikken Shônin
Les trois trésors
Les trois trésors
Le 6 juin 2004
Dans le Kyakuden du Taisekiji
Le trésor du Bouddha et le trésor du Moine (3)
’aimerais à présent commenter
les idées principales concernant
particulièrement le trésor du
Bouddha et le trésor du Moine
depuis l’enseignement développé
par Shakyamuni tout au long de sa vie, jus-
qu’au profond des phrases du chapitre
« Durée de la vie ».
J
Dans cette perspective, je vais commencer
par citer le Traité qui ouvre les yeux, puis-
qu’il évoque les Honzon vénérés par les di-
verses écoles.
Ainsi, hormis celle du Tendai, toutes les
écoles se trompent quant au Honzon.
L’école du Tendai, fondée sur le Sutra du
Lotus, consacre en principe le Bouddha du
Sutra du Lotus. Toutefois, du point de vue
de la comparaison entre l’originel et l’éphé-
mère1 et entre l’ensemencement et la -
colte2, son enseignement s’avère imparfait.
Cependant, puisqu’elle est fondée sur le Su-
tra du Lotus, Nichiren Daishônin la met à
1 Comparaison entre l’originel et l’éphémère (j. hon-
jaku sôtai本迹相対) : 4e des cinq comparaisons dé-
veloppées dans le Traité qui ouvre les yeux : compa-
raison entre la première partie (doctrine éphémère)
et la seconde (doctrine originelle) du Sutra du Lotus.
2 Comparaison entre l’ensemencement et la récolte
(j. shudatsu sôtai - 種 脱 相 対 ) : dernière des cinq
comparaisons développées dans le Traité qui ouvre
les yeux : comparaison entre les phrases de la doc-
trine originelle et le profond des phrases.
part des autres écoles « se trompant sur le
Honzon ».
Façade du Kyakuden
Les écoles du Trésor de la scolastique, de
l’accomplissement de la vérité et des
commandements prennent pour Honzon
le vénéré Shakya ayant réalisé la voie en
supprimant les nœuds (des égarements) à
l’aide de trente-quatre pensées3. C’est
comme un prince impérial, vénéré des
cieux qui, suivant son illusion, penserait
être fils du peuple.
3 Trente-quatre pensées (j. sanjûshi shin三十四
) : trente-quatre opérations de pensée par les-
quelles les bodhisattvas du petit véhicule rompent le
lien avec les derniers égarements des vues et des
pensées. Selon le Grand arrêt et examen, il s’agit des
huit patiences et des huit sagesses interrompant les
égarements des vues et des neuf sans obstacles et des
neuf délivrances interrompant les égarements des
pensées.
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113 1
Les trois Trésors
Les écoles du Trésor de la scolastique4, de
l’accomplissement de la vérité5 et des com-
mandements6 relèvent du Petit véhicule. En
4 Ecole du Trésor de la scolastique (j.Kusha shû
) : école fondée sur l’Abidharma kośa (j. Kusha
Ron) de Vasubandhu, traduit en chinois par Para-
martha, puis par Xuanzang. Sa doctrine fut transmise
au Japon et très étudiée pendant la période Nara
(710-794). Elle fait partie des six écoles de Nara et
des huit écoles de la période Heian, bien que jamais
totalement indépendante. Elle enseigne que le soi est
sans substance mais que les dharmas, eux, sont réels.
Elle enseigne également que le passé, le présent et le
futur existent en réalité.
5 Ecole de l’Accomplissement de la vérité (j. jôjitsu
shû成実宗) : cette Ecole, qui fit partie des treize
Ecoles chinoises et des six Ecoles japonaises, est
fondée sur le Discours de l’accomplissement de la
vérité (s. satyasiddhi sastra, j. jôjitsu ron - 成実論)
écrit par Harivarman (250-350) et traduit par Kuma-
rajiva. Ce traité expose la non substantialité (vacui-
té) à la fois des personnes et des choses. Cette théo-
rie est plus avancée que celle des autres écoles du
Petit véhicule. C’est pourquoi, lors de sa fondation,
elle fut considérée comme faisant partie du Mahaya-
na. Ses doctrines furent étudiées en association avec
celles de l’Ecole des trois traités, mais cette école ne
fut jamais reconnue véritablement comme Ecole re-
ligieuse indépendante.
6 Ecole des commandements (ou discipline monas-
tique) (j. risshû 律 宗 ) : une des six écoles qui
émergèrent à l’époque de Nara et l’une des treize
écoles du Japon. Fondée sur les préceptes, cette
école prêche les trois préceptes des bodhisattvas
comme cause de la boddhéité. La tradition Ritsu, fut
d’abord transmise de Chine au Japon en 754 par Jian
Zhen (j. Ganjin), qui vécut au temple Tôdaiji, il
érigea une estrade des préceptes (j. kaidan). Jian
Zhen fondit ensuite le temple Tôshôdaiji, il créa
bouddhisme, il existe le Grand et le Petit
véhicules. Les enseignements de ces trois
écoles sont fondés sur le Petit véhicule.
Je l’ai déjà dit, l’ensemble du Dharma du
Bouddha se situe dans le Sutra du Lotus.
Or, quel peut bien être le principe, autre-
ment dit la vérité, élucidé dans le Sutra du
Lotus ? Il est nécessaire que vous le sa-
chiez. En fait, les gens de ce monde
l’ignorent. Si aujourd’hui, vous retournez
chez vous en l’ayant au moins appréhendé,
alors, vous posséderez désormais une
connaissance infiniment supérieure à celle
des autres personnes de ce monde.
Au sein de la vérité absolue, présente dans
notre vie même, il y a d’abord « la vérité de
la vacuité ». Ainsi, tout ce qui vit doit mou-
rir. Tout ce qui possède une forme est ame-
à disparaître. Rien n’est permanent, tout
se ramène donc à la vacuité. La vérité de la
vacuité est incontestable.
Ensuite, en fonction de causes et de condi-
tions, certains sont pauvres et d’autres
riches. Il existe, par ailleurs, une infinité de
formes de manifestations des causes et des
conditions : naître en tant qu’homme ou en
tant que femme, ainsi que les différents
états de vie, font partie de ces manifesta-
tions causales. Les causes et conditions du
passé amènent les effets et les rétributions
du présent.
Le bouddhisme appelle ce phénomène « la
vérité de la conditionnalité ».
un centre d’étude des préceptes. Avec la création de
deux autres temples au Japon, l’école connut pour un
temps la prospérité. Toutefois, en raison de la déca-
dence des normes standard des moines et des
nonnes, l’école périclita au cours de la période de
Heian (794 1192). Elle connut une nouvelle pros-
périté à Kyoto et à Nara au cours de la période de
Kamakura. Aujourd’hui, elle se divise en deux
écoles : l’école Ritsu proprement dite, dont le temple
principal est le Tôshôdaiji et l’école Shingon Rit-
su, syncrétisme des commandements et des formules
incantatoires, dont le temple principal est le Saidaiji.
2 LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113
Grand Patriarche retiré Nikken Shônin
Les trois Trésors
Entre ces deux vérités faisant partie du prin-
cipe absolu, il y a en outre « la vérité du mi-
lieu », vérité elle-même absolue.
La vacuité est la négation de la conditionna-
lité. Cette dernière est également la néga-
tion de la vacuité. Toutefois, si l’on consi-
dère que la vacuité et la conditionnalité
existent cependant toutes deux, il est dès
lors nécessaire qu’une médianité existe
entre elles.
Si l’on considère les choses de la sorte, ni la
vacuité, ni la conditionnalité et ni la média-
nité ne sont la vérité absolue, mais des véri-
tés relatives. Cette manière de considérer
les trois vérités n’est donc pas correcte.
Si l’on s’y éveille véritablement, on com-
prend que la vacuité est telle quelle la
conditionnalité et que la conditionnalité est
telle quelle la médianité. Il s’agit, autrement
dit, de la fusion parfaite des trois vérités. La
vacuité, la conditionnalité et la médianité
fusionnent et sont présentes mutuellement
l’une dans l’autre pour former la vérité ab-
solue.
Avec les enseignements du Petit véhicule,
le vénéré Shakya enseigna d’abord et uni-
quement le principe de la vacuité. A cette
époque, les philosophes des voies exté-
rieures, fondés sur la notion de l’existence
du moi, déversaient des enseignements er-
ronés sur le monde. Afin de réfuter ces en-
seignements délétères, le vénéré Shakya
prêcha en premier lieu le principe de la va-
cuité.
Au fondement de la pensée des philosophes
des voies extérieures, il y avait l’existence
du « moi ». Le moi, autrement dit « soi-
même », est le fait de croire, à tort, que
nous vivons en tant qu’existences fixes.
Peut-être que même parmi vous, certains le
croient également. Dans le monde, de nom-
breuses personnes se glorifient en disant
« que pourrait-on faire sans moi » ? Or,
l’attachement au moi est la cause du cycle
dans les mauvaises voies. Afin de réfuter
ces pensées fondées sur la vision du moi, le
vénéré Shakya choisit d’enseigner alors le
principe de la vacuité.
Si l’on réfléchit à présent sur l’existence du
point de vue du principe de la vacuité, toute
chose présente réellement n’est qu’une vie
existant en fonction de causes et de condi-
tions. Si ces causes et conditions dispa-
raissent, alors, la vie disparaît également.
Vous, comme moi, existons en fonction de
causes et conditions. Il est clair que lorsque
nous mourrons, ces causes et conditions
disparaissant, nos existences également dis-
paraîtront.
En conséquence, tout étant appelé à dispa-
raître, le moi n’existe pas. C’est ce que -
montre le principe de la vacuité.
Au moment de la mort, un homme peut pré-
senter l’aspect du Bouddha. Il peut aussi
présenter l’aspect de bodhisattva ou des
deux véhicules, ou même encore celui des
cieux ou des hommes. Il arrive également
de mourir en présentant l’aspect des ashu-
ras, de l’enfer, des esprits affamés ou des
animaux.
Au sein des deux lois de la forme et de l’es-
prit, il peut arriver que la forme, autrement
dit le corps physique au moment de l’ins-
tant suprême, appelle le karma de la vie sui-
vante. A l’inverse, il arrive également que,
même si son aspect au moment de l’instant
suprême est serein, le défunt soit mort en
colère, en raison de causes et conditions du
passé. Son esprit provoque alors l’enfer
dans sa vie suivante, malgré son aspect phy-
sique serein.
Ainsi, à l’origine du bien et du mal dans la
vie suivante, il y a soit la loi de la forme,
soit la loi de l’esprit. La vie suivante s’éta-
blit de cette manière, par l’addition mu-
tuelle de ces deux éléments.
Nous voyons donc qu’il y a continuité des
causes et conditions. Aussi, il ne faut pas
croire que tout s’arrête avec la mort sans fu-
tur. Il faut toutefois savoir que, même si le
futur existe, il existe sans la pérennité du
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113 3
Les trois Trésors
moi. Le principe de la vacuité a élucidé par-
faitement cette notion.
A l’inverse, le bouddhisme a dénommé
« conditionnalité » l’aspect apparaissant et
disparaissant par l’union harmonieuse des
causes et des conditions se transformant
éternellement. En outre, la médianité a un
lien aussi bien avec la vacuité que la condi-
tionnalité.
Le bienfait de la doctrine de la vacuité, en
la pénétrant réellement, est la disparition
des attachements particuliers nous liant à
l’intégralité des choses et des phénomènes.
L’attachement aux choses ayant disparu,
apparaît alors l’éveil à « l’égalité » de
toutes les choses.
Quant au bienfait de la conditionnalité,
c’est « la liberté ». En effet, ce principe fai-
sant apparaître que toutes choses existent
dans les dix mondes, nous avons dès lors
tous les choix possibles : devenir Bouddha,
devenir bodhisattva, devenir heureux, ou
même devenir malheureux. Nous pouvons
nous déplacer nous voulons dans les
dix mondes. Nous sommes parfaitement
libres de choisir. La notion de conditionna-
lité nous prouve clairement la plage de li-
berté de notre vie.
Enfin, la véritable voie de notre vie est
l’égalité du monde du Bouddha et des neuf
mondes et l’égalité des neuf mondes et du
monde du Bouddha, fondées sur le principe
de l’égalité du monde du Bouddha et de
notreur, révélé dans le Sutra Myôhôren-
gekyô. En particulier, obtenir l’état de vie
du Bouddha permet d’utiliser à loisir les dix
mondes. Ainsi, si apparaît le bienfait du
principe de la médianité, autrement dit la
voie du milieu, il se manifeste par le bien-
fait de « la dignité ».
Aujourd’hui, dans les pays démocratiques,
on évoque beaucoup le concept de liberté,
d’égalité et de dignité. Toutefois, sans avoir
pleinement appréhendé les trois vérités du
bouddhisme : vacuité, conditionnalité et
médianité et sans avoir éclairé la réalité à
partir de ces principes, tout en pratiquant
docilement leur substance qu’est le Dharma
merveilleux, la véritable signification de la
liberté de la l’égalité et de la dignité n’appa-
raîtra pas. Aussi, quelle que soit notre vi-
sion de la démocratie, je suis fermement
convaincu que, pour la vivre véritablement,
il faut passer par le véritable enseignement
du Bouddha.
Revenant à « la réalisation de la voie en
supprimant les nœuds (des égarements) à
l’aide de trente-quatre pensées » pour ex-
pliquer le principe de la vacuité, je mettrai
en valeur deux significations.
La première est « la vacuité analytique » (j.
shakkû析 空 ). Entendant parler de la va-
cuité, les personnes aux capacités obtuses
insisteront, disant que devant leurs yeux,
elles voient toutes sortes de choses et que,
par conséquent, la vérité ne peut être la va-
cuité, mais l’existence (j. u). Or, cette
conscience est fondée sur la notion du moi.
Dès lors, afin de réfuter le moi, la méthode
consiste à analyser toutes les opinions sur
l’existence et démontrer alors sa vacuité.
4 LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 113
Les trois Trésors
C’est ce que l’on nomme la vacuité analy-
tique. Cette démarche consiste à analyser
toutes les choses en millionième de parts et
à démontrer que chacune est dénuée de moi.
Lorsque tout a disparu, on parvient alors à
la conclusion que le moi n’existe pas. Ainsi,
la « vision de la vacuité analytique » dé-
montre la vacuité par analyse des exis-
tences. Concrètement, la contemplation de
la souffrance (j. ku ), de la vacuité (j.
), de l’impermanence (j. mujô ) et
de l’absence de moi (j. muga無 我 ), ré-
duisent à néant les égarements des vues et
des pensées, ainsi que le moi, origine de ces
illusions. Tel est le contenu de l’ascèse dans
les enseignements des corbeilles (Petit véhi-
cule).
Contrairement aux personnes dotées de ca-
pacités obtuses, les personnes dotées, elles,
de capacités aigues, voyant la substance des
choses, s’éveillent au fait que la forme et
l’esprit, autrement dit la vie de telle ou telle
personne, sont telles quelles vides. On ap-
pelle ce principe : « vacuité substantifique »
(j. taikû体 空 ). Ainsi, comprendre la va-
cuité du moi après analyse s’appelle la va-
cuité analytique, alors que comprendre que
la substance du moi est, telle quelle, la va-
cuité, s’appelle vacuité substantifique, va-
cuité développée dans les enseignements
communs.
Ces deux vacuités ainsi établies, les bodhi-
sattvas pratiquant la voie en supprimant les
nœuds à l’aide de trente-quatre pensées,
sont tout de même ceux du Petit véhicule.
En fait, les pratiquants du Petit véhicule
sont les auditeurs, les Bouddhas pour soi et
les bodhisattvas. Or, seuls ces derniers de-
viennent Bouddha. En effet, les mauvaises
passions, enfermées dans les souffrances
des illusions des trois mondes et des six
voies, visions empêchant l’éveil, se répar-
tissent en quatre-vingt-huit sbires des égare-
ments des vues et quatre-vingt-un sbires des
égarements des pensées. Les enseignements
du Petit véhicule, autrement dit des trois
corbeilles, bien qu’étant des expédients sal-
vifiques, permettent, par le biais de l’ascèse
supprimant les nœuds à l’aide de trente-
quatre pensées, d’annihiler ces mauvaises
passions et d’ouvrir l’éveil du Bouddha.
L’explication détaillée de ces principes se-
rait longue et pénible. Aussi vais-je me
contenter de les citer. Les égarements des
vues dans les trois voies sont les égare-
ments des quatre vérités : souffrance, cause
de la souffrance, extinction de la souffrance
et la voie. Seize pensées, composées de huit
sagesses et de huit patiences (ou cognitions)
permettent d’annihiler les égarements des
vues. Les huit sagesses sont : la sagesse de
la vérité de la souffrance, la sagesse succé-
dant à la réalisation de la vérité de la souf-
france, la sagesse de la vérité de la cause de
la souffrance, la sagesse succédant à la réa-
lisation de la vérité de la cause de la souf-
france, la sagesse de la vérité de l’extinction
de la souffrance, la sagesse succédant à la
réalisation de la vérité de l’extinction de la
souffrance, la sagesse de la vérité de la voie
et la sagesse succédant à la réalisation de la
vérité de la voie.
Les huit cognitions sont : la cognition de la
vérité de la souffrance, la cognition succé-
dant à la réalisation de la vérité de la souf-
france, la cognition de la vérité de la cause
de la souffrance, la cognition succédant à la
réalisation de la vérité de la cause de la
souffrance, la cognition de la vérité de l’ex-
tinction de la souffrance, la cognition suc-
cédant à la réalisation de la vérité de l’ex-
tinction de la souffrance, la cognition de la
vérité de la voie et la cognition succédant à
la réalisation de la vérité de la voie.
Ensuite, dix-huit pensées permettent d’anni-
hiler les égarements des pensées dans les
trois mondes. Ces dix-huit pensées
s’opèrent par le passage par la voie sans en-
trave et la voie de la libération, chacune à
travers neuf terres : la terre du monde des
désirs, divisée elle-même en neuf catégo-
ries, les quatre terres des quatre méditations
du monde de la forme, divisées elles-
mêmes en neuf catégories et les quatre
terres de la concentration, divisées elles
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