Les fondements de la philosophie

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Exposé 3
Les fondements de la
philosophie (partie 2)
16 décembre 2013
L’héritage antique
Les grands systèmes de pensée (pythagorisme, platonisme, aristotélisme, épicurisme, stoïcisme
et leur contestataires cynisme et scepticisme) sont directement issus des réflexions des penseurs
présocratiques. Ils n’ont jamais été dépassés, seulement aménagés. (*1)
•
2
Le Stoïcisme
Zénon de Cittium
Né à Chypre, il vécut de 336 à 264 av JC.
• Négociant phénicien rescapé d’un naufrage, il parvient à Athènes en 311 où il fréquente les cyniques
et l’Académie platonicienne.
• Vers 294, il fonde son école au lieu-dit Portique des peintures (Stoa poïkelé), d’où le surnom de
stoïciens pour ses disciples.
• Ses successeurs Cléanthe d’Assos (331-232) et Chrysippe de Soloi (280-200), comme lui pratiquèrent
la philosophie une grande partie de leur vie dans la pauvreté, la discrétion, l’éloignement de toute
complaisance à l’égard des puissants. (*1)
Le monde est Un
Pour eux, le monde se présente comme un Tout, Un et plein d’une même matière, sans place pour la
moindre indétermination.
L’ensemble constitue un vaste organisme où tout est à sa place et rationnel (Logos).
Ce corps immense a une âme qui est divine (le pneuma) qui anime rationnellement le monde de
l’intérieur.
Cette pensée est un composé des influences chaldéennes (Le monde matériel est intégralement vie
divine, il est périssable et se restaure périodiquement) et platonicienne (Il y a une Âme du monde) (*1)
Accepter le plan divin
Le monde et la divinité sont exactement coextensifs.
Tout ce qui s’y produit est providentiellement réglé.
L’étude est essentielle, afin qu’ayant découvert les lois de la nature, le sage coïncide intérieurement
avec le plan divin. (*1)
Le bonheur dépend exclusivement de notre attitude intérieure à l’égard des faits externes. (*2)
Vie intérieure et vie extérieure
Si nous cherchons à résister au destin, ou si nous n’y souscrivons pas en y adhérant par nos
sentiments, nous ne pouvons qu’éprouver de la souffrance.
Faute de pouvoir transformer l’ordre des choses, nous n’avons d’autre issue que de modifier notre
vie intérieure (représentations et désirs)
La séparation entre vie intérieure et extérieure en occident commence là. (*2)
3
Etre libre, c’est accepter la nécessité
Le monde ne peut être différent de ce qu’il est.
Il nous faut corriger la représentation fausse par laquelle nous imaginons un autre monde moins
imparfait que le nôtre.
Tout le nécessaire est réel, tout le réel est nécessaire.
La loi du monde est notre loi, il nous faut la vouloir nous-même pour trouver notre plein équilibre
intérieur. (*2)
Une morale pour conduire sa vie
Avec Sénèque (4 av JC-65), Epictète (50-125), Marc Aurèle (121-180), le stoïcisme romain dit
récent va devenir principalement une morale, destinée à tous.
Il ne s’agit plus de connaître la nature, mais de savoir conduire sa vie.
Il s’agit d’accomplir des actes conformes aux lois de l’univers, en supportant avec patience les revers
du sort (consolation et résignation) (*2)
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L’Epicurisme
Epicure de Samos
Né en mer Egée, il vécut de 341-à 270 av JC.
A Athènes, il ne trouva sa voie ni dans le platonisme, ni dans l’aristotélisme.
Il fut un temps élève de Nausiphanès, disciple de Démocrite et s’y initia à l’atomisme.
Il fonda ensuite sa propre école à Mytilène, puis à Lampsaque en Asie Mineure et enfin à Athènes en
306. On appela Le Jardin cette école qui dura 35 ans. (*1)
Son inspiration
C’est parce qu’il était de santé fragile, qu’il a construit un système plaçant au-dessus de tout l’art de
ne pas souffrir. (Le corps pense théoriquement, mais incarne la théorie dans des conditions historiques
précises)
Les idées qu’il va propager synthétisent des courants alternatifs : atomisme abdéritain (Démocrite),
hédonisme cyrénaïque (Aristippe), ascèse cynique (Diogène), anti-platonisme militant.
Il invente une philosophie qui est une thérapie de l’âme et du corps car garder la santé est plus facile
que la recouvrer. « Vivre tel un dieu parmi les hommes ! » (*4)
Le philosophe médecin
Son œuvre procède d’un seul souci : éliminer la négativité et élever la positivité comme chemin vers
la paix de l’âme et du corps.
Il s’agit donc de lutter contre tout ce qui génère peur, crainte, douleur, souffrance et donc de
combattre les mythes, croyances, fictions, dogmes, illusions de toutes les époques.
Le quadruple remède (Tétrapharmakon) indique :
- Il n’y a rien à craindre des dieux,
- Il ne faut pas craindre la mort,
- On peut supporter la douleur,
- On peut atteindre le bonheur. (*4)
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L’atomisme
Il adopte le matérialisme de Démocrite pour s’affranchir des terreurs superstitieuses.
Le monde est fait de particules insécables qui chutent dans le vide et s’agrègent au petit bonheur en
faisant des écarts (clinamen) qui provoquent des combinaisons éphémères. (Lucrèce - De natura rerum)
Corps, âmes, lumière, odeurs et sons, tout est de même nature, les dieux aussi, mais les atomes sont
plus ou moins subtils.
Il n’est pas athée, mais pour lui l’âme ne survit pas à la désintégration de son corps.
Rechercher l’absence de douleur
Il faut garder un contact permanent avec le réel et s’y tenir. Le bien suprême n’est autre que le
plaisir.
C’est à tort que l’on a vu en lui et ses disciples des jouisseurs impénitents. Pour lui le plaisir est
fondamentalement l’absence de douleur.
Pour cela, il faut n’avoir peur de rien, n’avoir mal nulle part, donc ne rien désirer trop fort, sous
peine d’être en état de manque ou avec la gueule de bois. (*1)
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Pour une diététique des désirs
Le bonheur est possible à condition de travailler nos désirs :
• Plaisirs naturels et nécessaires (manger, boire, dormir…)
• Plaisirs naturels non nécessaires (vin, cuisine sophistiquée, draps brodés, sexualité…)
• Plaisirs ni naturels ni nécessaires (distinctions, richesses, politique…)
« Le pain d’orge et l’eau nous causent un plaisir extrême si le besoin de les prendre se fait
vivement sentir » Lettre à Ménecée.
Se tenir en retrait
L’amitié de quelqu’un est un des grands plaisirs de la vie, mais il faut s’éloigner des hommes
et de leur agitation, y compris dans l’Agora.
Le but est l’absence de trouble, l’ataraxia.
C’est une philosophie du bonheur personnel, de la retraite, seule réponse possible aux
transformations d’un monde qui se dérobe à la prise de l’individu.
Le Cynisme
L’inspirateur
Socrate (470-399 av JC) avec la mission de faire réfléchir les hommes, en dénonçant par des
attaques mordantes leur mode de vie, leurs vices et erreurs, annonce les cyniques.
Il s’agit de dissoudre l’illusion des apparences et des faux-semblants dus aux conventions
sociales.
Cependant chez les cyniques, l’urbanité souriante de Socrate ne sera plus de mise. (*3)
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La nature plutôt que la culture
A l’origine, on trouve Antisthène (444-365 av JC) et surtout son disciple Diogène de Sinope
(413-327 av JC)
Il vivait dehors, dans le dénuement, vêtu d'un simple manteau, muni d'un bâton, d'une besace
et d'une écuelle, ayant fait le choix de la liberté et de l’indépendance (autarkeia), à l’égard des
besoins inutiles, refusant luxe et vanité.
Dénonçant l'artifice des conventions sociales (nomos), il préconisait en effet une vie simple,
plus proche de la nature (physis), et se contentait d'une jarre pour dormir. Il ignorait aussi les
convenances sociales (propreté, tenue, politesse…) (*3)
Une philosophie de vie
Ils n’ont pas donné d’enseignement, seulement quelques littératures et poésies.
On peut cependant parler d’école philosophique car il y eut entre eux des rapports de maître à
disciple.
C’est une philosophie où le discours est réduit à son minimum en faveur du choix de vie
(ascèse, autarcie, effort, impassibilité, simplicité, absence de vanité, impudeur…) (*3)
A la recherche des plaisirs qui libèrent
Certains plaisirs doivent être bannis, ceux qui procèdent de l’avoir (se marier, avoir des
enfants, argent, honneurs, richesses, réputations, renommées, voyages, politique…). Ils conduisent au
désenchantement et à la désillusion.
Les bons plaisirs, eux, sont en relation avec l’être (absence de chagrin, joie, paix de l’âme,
sérénité…).
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La philosophie seule permet de faire le tri en distinguant les plaisirs qui aliènent de ceux qui
libèrent et sont le signe d’un travail sur soi réussi. (*4)
Endurcir l’âme par le corps
C’est une philosophie qui est totalement dans l’exercice et l’effort (supporter la faim, la soif,
les intempéries..) pour acquérir la liberté, l’indépendance et la force intérieure. Le corps est l’âme et
l’ascèse du corps endurcit également l’âme.
Mais ce type de bonheur implique l’incompréhension de ceux qui ne sont pas engagés dans
ce chemin.
Il faut donc assumer la solitude de ce travail philosophique qui condamne au regard
désapprobateur du plus grand nombre. (*4)
Le Scepticisme
Pyrrhon d’Elis
Il vécut de 365 à 275 av JC.
Il accompagna Alexandre dans ses conquêtes en Asie et approcha les sages gymnosophistes indiens.
De retour en Grèce, il adopta une vie faite d’indifférence à tout, ne distinguant plus tâches
inférieures et supérieures, souffrance et plaisir, sécurité et danger…
Pour lui les jugements que les hommes portent sur la valeur des choses ne sont fondés que
sur des conventions.
S’abstenir de tout jugement de valeur sur les choses, c’est accéder à la paix intérieure. (*3)
Le pyrrhonisme, un scepticisme extrême
Selon le philosophe Marcel Conche (né en 1922), sa pensée est radicalement différente de la
pensée sceptique ultérieure. Elle constitue une coupure radicale dans la philosophie, en opposition
avec Platon et Aristote.
Pour lui, il y a une irréalité de tout ce qui semble réel. Il remet en question l’idée d’être ainsi
que l’alternative entre être et non être.
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Il découvre une forme de rien qui ne se pense pas par rapport à l’être : l’apparence, qui n’est
ni le néant ni le non-être.
« Rien n’est plutôt qu’il n’est pas ». Tout ne fait que sembler, les choses n’ont pas de
substance, elles ne sont ni apparence de (quelque chose) ni apparence pour (un sujet), mais
apparence universelle. (*5)
Le jeu du Temps
Le philosophe Enésidème (120-30 av JC environ) né en Crète fut un restaurateur fidèle des
idées de Pyrrhon.
Pour lui, tout ce qu’il y a est maintenant. Mais le maintenant n’est pour ainsi dire pas, il cède
la place aussitôt apparu et la réalité se brise sans avoir le temps d’être, sous le coup de la puissance
disloquante du temps.
Rien n’est car il n’y a en tout et pour tout qu’un présent qui s’écroule sans rien laisser. Les
choses par leur instabilité ne donnent aucune prise. Ce qu’elles paraissent être, elles ne le sont pas.
(*5)
Cette pensée rejoint celle d’Héraclite (540-480 av JC) mais aussi du Bouddha Siddhārtha
Gautama (563-480 av JC) ou de Lao-Tseu (entre 450 et 350 av JC).
L’ontologisation
Tout ce qui est glisse et s’écoule. Toutes choses ne sont donc qu’apparences sans nature
stable. Certaines nous échappent, d’autres ne sont pas perdues de vue.
En retenant certaines apparences dont on fait des qualités essentielles, on constitue un
monde stable qui s’érige en monde véritable, c’est-à-dire en un ensemble de choses pour lesquelles
il y a des mots.
Ceci se fait par le tri opéré par la mémoire logique de la communauté humaine. Le langage
est alors logos, substance logique du monde qui entraîne une ontologisation de la logique. (*5)
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Une absolue instabilité
Avec la remise en question de l’être,
ce sont aussi les principes de la pensée qui sont abolis :
- Le principe de raison (rien n’est sans raison de Leibniz) et
- Le principe de non contradiction (Une chose ne peut être à la foi elle-même et autre chose
d’Aristote)
Toutes choses, dont les choses humaines sont alors sous la dépendance radicale à l’égard
d’un
principe d’absolue instabilité et d’arbitraire pur.
Ou l’homme ne trouve dans le réel que l’ordre qu’il y apporte lui-même, ou s’il tient compte
du tout, il n’y trouve que le désordre des pensées et des évènements dans un ensemble non
assemblable de choses disparates. (*5)
Cette pensée sceptique rigoureuse n’est pas sans résonance avec la théorie quantique.
La connaissance est impossible
Par expérience, la connaissance est impossible car :
Nos sens fournissent toutes sortes d’erreurs de perceptions.
• Notre raison produit des démonstrations irréfutables qui finissent toujours par être réfutées.
• Pour le philosophe sceptique Enésidème : Si le vrai existe, il est soit sensible soit intelligible. Or la
sensation est un tissu d’impressions contradictoires et si le vrai était intelligible, alors rien de
sensible ne le serait, ce qui est absurde, donc le vrai n’existe pas. (*2)
•
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Le scepticisme : un pyrrhonisme atténué
Pour ses successeurs dont Sextus Empiricus (160-210) par la sensation, nous n’accédons
jamais à l’être vrai des choses qui serait derrière les apparences, mais il y a de l’être.
Le mieux est donc de s’abstenir de porter des jugements sur l’être et le non-être comme le
faisaient Platon et Aristote.
Contentons nous, dans l’ignorance d’où est le bien, de faire pour le mieux, au jour le jour
dans notre vie. (*1)
Organisation des idées philosophiques
Pensée et Etendue sont les deux seules dimensions dans lesquelles se déploie l’être pour
nous… L’être étant la totalité de ce qui peut exister ou être représenté, notre activité philosophique
s’organise aussi selon ces deux dimensions.
La Pensée implique représentations mentales, conscience et se déploie : de l’unité à la
multiplicité, des principes aux réalités
L’Étendue implique mouvement, espace, matière, énergie et se déploie : de l’infiniment petit
à l’infiniment grand, des particules et quanta, aux ondes et aux champs d’énergie, des évènements à
la substance.
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L’édifice philosophique grec
Les philosophes de la Grèce antique ont fait à eux seuls l’inventaire de l’ensemble du champ
philosophique. Leurs idées ne seront jamais dépassées, seulement aménagées.
Quand le monde s’est divisé
Epicurisme et Stoïcisme correspondent à deux points de vue différents sur le monde qui sont
opposables aussi bien que complémentaires.
Les racines philosophiques de la politique
Les deux principaux systèmes de valeurs politiques constitués par la gauche et la droite sont
directement issus des pensées du matérialisme réaliste et de l’idéalisme.
1
3
Rédigé par Serge Naud
Références :
(*1) Lucien Jerphagnon - Histoire de la pensée - Fayard Pluriel – 2009
(*2) Jean-François Revel - Histoire de la philosophie occidentale - Robert Laffont – 2013
(*3) Pierre Hadot - Qu’est-ce que la philosophie antique ? - Gallimard – 1995
(*4) Michel Onfray - Les Sagesses antiques - Grasset – 2006
(*5) Marcel Conche - Pyrrhon ou l’apparence - PUF – 1994
Complément à l’exposé 3
Les fondements de la philosophie (partie 2)
Questionner la pensée grecque
16 décembre 2013
Pourquoi un tel essor de la pensée grecque aux VI° et V° siècle av JC ?
Simplicité, discrétion, élégance
La Grèce au IV° siècle av JC est un modèle achevé dans tous les genres : en art (architecture,
statuaire, théâtre…) en poésie lyrique, en littérature et en philosophie. (*2)
•
La subtilité dans les détails
Pour compenser l’illusion d’optique ci-dessous, les Grecs ont construit le Parthénon (100
000
pièces de marbre) avec un sous bassement qui n’est pas plat, mais incurvé.
• Les colonnes ne sont ni verticales, elles convergent vers 5 km de hauteur, ni cylindriques.
• Rien n’y est donc perpendiculaire.
•
2
Une civilisation composite
•
La Grèce résulte de la composition de deux influences majeures entre 2000 et 1500 av JC :
- Indo-européenne par les mycéniens. Culture guerrière et patriarcale. (Mycènes)
- Minoenne par les crétois. Culture matrifocale commerçante et artistique. (Knossos)
•
Au VI° siècle, la Grèce est ouverte à toutes les influences méditerranéennes.
Y a-t-il vraiment opposition entre épicurisme et stoïcisme ?
Quand le monde s’est divisé
• Epicurisme et Stoïcisme sont deux points de vue différents sur le monde et donc opposables. Il
y a aussi des points communs : on n’y explique pas le monde, on y propose des solutions pour y
vivre. L’homme et les relations avec ses semblables sont au centre. Ce sont des philosophies
pour temps difficiles.
3
Quelle influence des idées grecques sur la religion chrétienne ?
La culture grecque au cœur du christianisme
•
•
•
« Christ » est le mot grec pour dire messie qui signifie oint, celui qui est bénit avec de l’huile.
Masiah en hébreu
Mesiha en araméen (*1)
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Quelle influence des idées grecques sur la politique aujourd’hui ?
Les racines philosophiques de la politique
Les deux principaux systèmes de valeurs politiques constitués par la gauche et la
droite sont directement issus des pensées du matérialisme réaliste et de l’idéalisme.
Rédigé par Serge Naud
Références :
•(*1) Marc Sautet - Un café pour Socrate - Robert Laffont - 1995
•(*2) Jean Labesse - Initiation à l’histoire de la Grèce antique - Ellipses poche - 2013
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