Régionaliser le changement climatique pour étudier les

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INEE CNRS - Colloque de Prospective
ATELIER : Réponse aux changements globaux
Régionaliser le changement climatique pour étudier les réponses: l’intérêt de l’interface
tropiques /extratropiques sur la fenêtre Europe/Afrique
Pierre Camberlin, Castel Thierry, Bernard Fontaine, Philippon Nathalie, Pohl Benjamin,
Richard Yves, Roucou Pascal
Centre de Recherches de Climatologie (CRC, UMR5210, Bâtiment Gabriel, 6 boulevard
Gabriel, 21000 DIJON)
Problématique générale :
L’étude des réponses aux changements globaux ne peut se faire que dans un cadre
régional.
Ceci pose la question de la régionalisation du climat pour la projection des scénarios futurs.
Or à l’échelle de la région le climat se caractérise d’abord par des séquences d'évènements.
Ceux-ci sont certes déterminés par la circulation atmosphérique et océanique générale (e.g.
migration saisonnière des systèmes perturbés) mais ils subissent aussi les forçages locaux
(relief, végétation, étendues d'eau, pôles urbains). Répondre à la demande sociale sur les
conséquences du changement climatique implique d'améliorer nos représentations des
mécanismes qui déterminent la réponse du climat à l'échelle régionale (Planton 2003). Dans
un contexte de pression anthropique croissante, des modifications du climat, même légères,
pourraient se traduire par des déséquilibres dramatiques pour la vie des populations en
certaines régions, en termes notamment de ressources en eau et de santé publique.
Stratégiquement il convient de faire porter l’effort sur quelques régions choisies.
A ce titre, la zone située entre régions tropicale et subtropicale dans la fenêtre Afrique-Europe
offre un cadre privilégié d’étude. D’abord elle est particulièrement sensible à la variabilité
climatique : le réchauffement futur du bassin Méditerranéen est évalué à 3°C à la fin du siècle
(dernier rapport du GIEC). Son extension latitudinale intègre par ailleurs les liens dynamiques
tropiques/extratropiques tels ceux qui existent entre bassin méditerranéen et circulation
tropicale de mousson via les subsidences associées à la cellule de Hadley boréale, et via la
circulation d’Harmattan qui plus au sud participe à la convergence intertropicale.
Les régions méditerranéennes sont donc directement sensibles à la dynamique tropicale mais
leur climat reflète aussi les gradients thermiques méridiens d’échelle large entre tropiques et
moyennes latitudes. Le suivi, la prévision et la signature régionale des changements qui
affectent le climat de la Méditerranée, ainsi que celui des régions périphériques vers le nord
(Europe médiane) et vers le sud (Afrique tropicale), constituent des questions critiques, tant
pour des raisons scientifiques que pour les enjeux socio-économiques qui s’y appliquent.
Ainsi, mais ce n’est qu’un exemple, le contexte climatique de la Bourgogne évolue. Avec un
réchauffement moyen observé de +1,9°C (+/-0,3°C) et des régimes de précipitation modifiés
(intensité et nombre de jour de pluie) en particulier au printemps (déficit) et à l'automne
(excès), l'évolution récente (1961-2007), se pose la question de la limite climatique
océanique/méditerranéenne. Cette évolution pose notamment la question de l’évolution des
risques liés aux fortes anomalies hydriques (sécheresses, inondations) avec leurs
conséquences sur les écosystèmes , ou encore thermiques (vagues de chaleur ou de froid)
avec leurs conséquences sur la santé publique par exemple.
Questionnement Scientifique
Les questions prioritaires
1. Comment documenter la variabilité du climat régional pour évaluer les impacts du
climat sur les biotopes, les agrosystèmes et les sociétés humaines ?
2. Comment prévoir l’évolution des risques qui s’appliquent à ces systèmes ?
3. Quelles échelles spatiales et temporelles sont-elles pertinentes pour étudier les
interfaces entre climat régional et agriculture, entre climat régional et santé ?
4. Comment accéder à ces échelles, et décliner les évolutions et leurs impacts à l'échelle
des saisons, des événements et des territoires?
Les réponses : quelques pistes
Méthodologie.
Le passage des signaux climatiques de l'échelle globale résolue par les GCM jusqu'aux
échelles fines est donc crucial pour connaître les mécanismes du climat et ses impacts
régionaux. Ces modèles sont soit globaux (MCG) avec la capacité de faire varier la résolution
(i.e. grilles étirées avec effet de zoom), soit à aire limitée (MCR, c'est-à-dire régionaux) donc
limités au domaine défini par l'utilisateur. Ceci autorise la prise en compte à ces échelles de
forçages naturels (topographie, couvert végétal) ou anthropiques (pôles urbains). D'après
Giorgi (2006), les MCR ont actuellement atteint un degré de fiabilité et de résolution utile qui
apporte une valeur ajoutée aux études de régionalisation climatique.
L’effort doit porter parallèlement sur les méthodes statistiques permettant de passer de
l’information délivrée à l’échelle des modèles globaux à une information d’échelle plus fine
permettant d’évaluer les impacts. Cette désagrégation spatiale relie observations et prévisions
numériques par :
(1) des méthodes statistico-dynamiques, qui permettent de prévoir localement la variabilité
d’un élément climatique ou lié au climat, à partir des sorties de modèles et sur la base des
relations observées ;
(2) l’analyse spatiale (SIG opérateurs d'analyse spatiale vecteur et raster; interpolation spatiale
mécaniste ou statistique), qui permet une cartographie fine des prévisions locales.
Applications possibles
Ressource en eau et applications agro-pastorales. Il convient de prendre en compte des
modalités de répartition intra-saisonnière des pluies, renseignant le démarrage, la durée de la
saison des pluies ou les épisodes secs intercalaires. Ceci passe par la définition d’indicateurs
de variabilité intra-saisonnière des pluies. Ces éléments sont centraux pour alimenter les
modèles agronomiques et pastoraux, visant à prévoir les rendements agricoles et la
productivité des pâturages. Les outils opérationnels actuels se limitent généralement à des
projections de ces derniers à partir des pluies observées. Il s’agit donc d’évaluer dans quelle
mesure ces composantes intra-saisonnières contraignent la ressource en eau, et au-delà les
indices de satisfaction des besoins en eau des végétaux (par utilisation des modèles
agroclimatiques SARRAH et de production herbacée STEP). Il s’agit de mettre en place des
modèles de prévision des rendements des cultures pluviales et de productivité primaire des
espaces pastoraux à partir des quantités et répartitions prévues de précipitations pour porter
ces modèles dans le futur, sur la base des simulations de changement climatique pour les
différents scénarios SRES de l’IPCC.
Parallèlement il faut définir la situation hydrique des espaces concernés non seulement en
termes hydrologiques mais aussi en termes de vulnérabilité. Le Climate Moisture Index
(Vorosmarty et al., 2005) mesure le ratio de la pluie annuelle sur l'évapotranspiration
potentielle annuelle. Il permet donc de fournir une indication de vulnérabilité à la sécheresse.
Le Standardized precipitation Index (McKee, 1993) permet quant à lui de caractériser les
épisodes secs au cours d'une période prédéterminée. Ces diagnostics peuvent aussi être mis en
place pour l'évaluation de l'impact du changement climatique sur la ressource en eau.
Interactions santé-environnement-climat. Dans le cadre du GICC3 le projet ACCIES a
développé une méthodologie intégrée d’études des impacts du changement climatique dans le
domaine des ressources en eau, et dans celui de la santé publique pour étudier le risque
d’émergence et de réémergence des maladies vectorielles (arboviroses et paludisme) à
l’échelle régionale le long d’un gradient méridien allant de l’Afrique Sahélienne à l’Europe
Méridionale. La méthodologie repose sur la désagrégation numérique de sorties de modèles
de circulation générale de l'atmosphère avec un modèle régional. Le projet a montré que sur
l'espace africain on obtient une valeur ajoutée (meilleure représentation) de la résolution
spatiale, de la distribution journalière des pluies, de la répartition et de la variabilité spatiale
des champs de pluie. L'information climatique obtenue est plus adaptée aux modèles
mathématiques servant à décrire les populations de moustiques qui servent de proxy à la
caractérisation des maladies vectorielles.
Il serait intéressant d’utiliser ces approches pour étudier plus au sud le complexe climat –
aérosols - états de surface –méningites.
Références citées
Giorgi F., 2006, Regional climate modeling: status and perspectives. J. Phys., 139:101–
118.
MCKee, T.B., Doesken NJ, Kleist J, 1993, Drought monitoring with multiple timescales.
Paper presented at the Preprints, Eight Conference on Apllied Climatology, Anaheim,
California
Planton S., 2003, A l'échelle des continents : le regard des modèles, C. R. Geoscience 335,
535-543.
Vörösmarty C.J et al. Geospatial indicators of emerging water stress : an application to Africa.
Ambio, Vol. 34, n°3, 2005. p. 230-237
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