Initiation à la linguistique de terrain, LLACAN 12 – 16 janvier 2015
Syntaxe (Denis Creissels), p. 3/26
– Qui est-ce qui a réparé la voiture ?, Qu’est-ce que Jean a réparé ?, Est-ce
que Jean a réparé la voiture ? sont des phrases indépendantes de type
interrogatif ;
– des phrases comme C’est Jean qui a réparé la voiture (… moi, j’en aurais
été incapable), ou C’est la voiture que Jean a réparée (... pas la moto),
sont des phrases assertives qui apportent le même contenu informatif que Jean
a réparé la voiture, mais qui le présentent différemment, et de ce fait
impliquent des contextes discursifs différents ;
– enfin, dans des phrases comme Je crois [que Jean a réparé la voiture], Je ne
sais pas [si Jean a réparé la voiture], J’ai demandé à Jean [de réparer la
voiture], Jean a promis [de réparer la voiture], Tu peux partir avec la
voiture [que Jean a réparée], les groupes de mots entre crochets renvoient au
même contenu propositionnel, mais sont des subordonnées, dont le statut
énonciatif dépend de la façon dont elles participent à la construction de la
principale.
La phrase est donc une combinaison de mots dont la structuration permet
l’expression systématique de l’élaboration énonciative d’un contenu propositionnel ;
autrement dit, le propre d’une unité phrastique est de participer à un jeu de
correspondances régulières avec d’autres unités phrastiques qui expriment une
élaboration énonciative différente d’un même contenu propositionnel1.
2.2.Classes de mots
Une répartition des mots en classes est nécessaire pour pouvoir formuler les règles
selon lesquelles, dans une langue, certaines combinaisons de mots sont des phrases
possibles, et d’autres pas. Parmi les systèmes de classement qu’on peut a priori
imaginer, il faut dans la perspective syntaxique s’efforcer d’établir celui qui permet
de formuler le plus simplement possible des règles de syntaxe ayant un maximum de
généralité.
Du point de vue typologique, l’existence ou non de langues qui ignoreraient
totalement la notion de classes de mots reste un sujet controversé. D’une part la
plupart des cas qui ont été évoqués ne résistent pas à un examen sérieux, mais
d’autre part il est évident qu’il y a d’une langue à l’autre des variations considérables
quant à la flexibilité des classes de mots. Pour certaines langues au moins, il n’est
clairement pas possible de procéder à un classement qui aurait pour principe que les
types de comportement qui définissent les différentes classes de mots devraient être
exclusifs les uns des autres. Par exemple, en mandinka, à très peu d’exceptions près,
les lexèmes verbaux, en plus du comportement qui permet de les identifier comme
verbes, peuvent fonctionner comme noms d’événement sans avoir à subir une
1 La grammaire transformationnelle des années 60-70 a eu le mérite de mettre pour la première fois
l’accent sur cet aspect de l’organisation des langues, et sur la nécessité d’en donner une description
aussi précise et exhaustive que possible. Cette option a largement conditionné le développement
ultérieur des recherches en syntaxe, indépendamment des positions que peuvent avoir les théories
actuelles sur les présupposés théoriques de la grammaire transformationnelle et sur le type de
formalisation à utiliser pour décrire les phénomènes dont cette théorie a proposé une première
systématisation.